« Le secteur de la propreté, c’est avant tout une affaire de relations humaines » pour Bruno Coeurdray, dirigeant de Net Plus, entreprise de nettoyage à Cesson-Sévigné. 15e acteur français du nettoyage sur les 16 000 entreprises de propreté sur le plan national, Net Plus, créée en 1990 par Philippe Bocquet, et regroupant près de 4 000 salariés, dont près de 600 personnes à Rennes est devenue, en 30 ans, « la plus grosse entreprise de propreté de la région rennaise ».
Une ascension qu’a suivie Bruno Coeurdray, arrivé dans l’entreprise à ses balbutiements, par le hasard d’une rencontre. Alors formateur informatique et chargé de relations avec les entreprises dans un centre de réadaptation professionnel pour travailleurs handicapés à Vern-sur-Seiche, « je suis arrivé en 1993, en tant que « technico-commercial », après un échange avec Philippe Bocquet, qui venait alors de créer Net Plus. Au début, j’étais autant commercial qu’agent de propreté. À cette époque, nous étions seulement cinq salariés, dont celui qui deviendra mon associé plus tard, Pierre Moussion (parti à la retraite en mars 2024, ndlr). » Machine arrière pour celui « qui ne voulait absolument pas travailler dans ce secteur », témoin d’une mauvaise expérience.
« Ce que nous aimons, c’est fidéliser »
Si l’objectif de départ était de créer une structure régionale, l’entreprise a très vite pris un virage national. « Les premières agences que nous avons ouvertes après celle de Rennes étaient à Saint-Brieuc en 1994, Nantes en 1995, Le Mans en 1996…»
Au fur et à mesure, l’entreprise se développe avec la création des agences et, par ricochet : « La création d’un service commercial dont j’ai pris la direction et un service d’exploitation. » Mais pour le dirigeant, il y a eu un moment particulièrement important dans le développement de l’entreprise. « En 2012, la direction nationale de l’un de nos clients les plus importants sur la Bretagne et les Pays de Loire – Decathlon -, a décidé de faire un appel d’offres auquel nous n’étions pas en mesure de répondre. Nous nous sommes battus comme des forcenés pour garder quelques magasins et je me suis dit « ce n’est pas juste, nous perdons des contrats parce que nous n’avions pas la capacité de nous rendre sur d’autres sites » ».
L’entreprise décide donc de se lancer dans la création de nouvelles agences un peu partout en France, « depuis cette date, nous avons créé une vingtaine d’agences ». Ce, notamment avec quelques croissances externes. « En 2023, nous avons opéré nos deux plus grosses croissances externes : une entreprise en Morbihan, Sipropre (10 millions d’euros de chiffre d’affaires et une sur la Région de Tours, Blois, qui s’appelle Axxome Propreté (8 millions d’euros de chiffre d’affaires), soit plus de 400 personnes supplémentaires. Actuellement, nous rachetons une entreprise sur La Rochelle (3 millions d’euros de chiffre d’affaires). » Une expansion par ailleurs accompagnée d’un chiffre d’affaires en croissance à deux chiffres chaque année depuis les débuts.
En termes de clients, Net Plus fait partie de ces structures qui ont beaucoup de petits clients. Près de 5000, dont certains gros : le CHU de Rennes, Leclerc Saint-Grégoire, des syndics, certains magasins Decathlon… « Ce que nous aimons avant tout, c’est fidéliser. »
En mal de reconnaissance
Si les métiers du nettoyage sont omniprésents dans notre société, ils sont aussi parmi les moins attractifs. Mal considérés, contraignants, pénibles : ils cumulent les injustices alors même qu’ils sont essentiels. Alors que la période Covid a mis en lumière cette profession oubliée, cela est « vite retombé » pour le chef d’entreprise. « Cela a été une période surprenante : au début nous étions presque rejetés et, au fur et à mesure, nous étions presque des sauveurs. Nous faisions partie de ces professions indispensables. Malheureusement, j’ai l’impression que cela est vite retombé. C’est désolant. Nous aurions cru que le métier gagne une certaine attractivité, qui manque cruellement à la profession. »
Ces métiers souffrent d’un manque de reconnaissance. « C’est pour cette raison que je me bats pour les conditions de travail, notamment pour faire en sorte que le travail en journée soit plus répandu, que nos agents soient mieux reconnus. J’ai d’ailleurs été, pendant six ans, président de la Fédération des entreprises de propreté pour l’Ouest, cela me tient à cœur ».
Une mise en lumière qui n’a néanmoins pas été vaine : « Il y a eu des changements de mentalité chez certains clients, une plus forte reconnaissance. »
Très peu de personnes se disent « j’aimerais être un agent de propreté quand je serai grand ».
Être agent de nettoyage aujourd’hui
« Le métier a pas mal évolué ces 30 dernières années. » Les professionnels de la propreté s’efforcent d’améliorer l’attractivité de leurs métiers pour embaucher des jeunes. D’autres encore essaient de simplifier la vie des salariés. Pour beaucoup, nettoyer ne demande pas de qualifications particulières. Des stéréotypes qui ont la peau dure. Pourtant, les compétences requises sont multiples, notamment pour des domaines compliqués, des spécialités comme l’intervention dans les milieux du nucléaire ou hospitalier par exemple. « Très peu de personnes se disent « j’aimerais être un agent de propreté quand je serai grand ». C’est dommage car c’est un métier dans lequel, malgré toutes les difficultés notamment physiques, on peut évoluer, dans lequel on peut prendre du plaisir. Personnellement, quand je nettoyais des bureaux, à la fin de la prestation, je trouvais cela satisfaisant. C’est un peu comme nettoyer sa maison ».
Beaucoup choisissent toujours les horaires décalés car ce n’est pas encore rentré dans les mœurs
Les conditions de travail pour les agents ont évolué. « Le fait de travailler en journée déjà. Et il y a plein d’avantages à cela : quand nos agents travaillent en journée, les utilisateurs les voient et font plus attention à la propreté des locaux, mais aussi pour l’utilisation des transports en commun, pour les personnes monoparentales… Beaucoup choisissent toujours les horaires décalés car ce n’est pas encore rentré dans les mœurs, cela fait peur parfois, on a toujours l’impression que si l’on travaille en journée cela va déranger les employés. Ce n’est pas le cas. C’est un travail tripartite : il faut que ce soit une volonté du client, de l’agence de propreté, mais aussi des agents. »
Dans les entreprises de propreté, « dont Net Plus, le Smic horaire est supérieur au Smic national ». Le management des entreprises s’est aussi amélioré : « Beaucoup se rendent compte que, sans les agents, l’entreprise de nettoyage ne tourne pas. C’est évident mais ça va mieux en le disant. Et surtout, ça va mieux en leur disant. »
Malgré ces améliorations, le secteur a des craintes. « Nous avons de grosses problématiques de recrutement, notamment chez les jeunes. Nous ne réussissons pas à faire en sorte que nos CFA soient pleins par exemple. » L’âge moyen des agents d’entretien étant assez élevé, de nombreux départs en retraite seront à prévoir dans les prochaines années.
Comme l’évolution du nombre d’agences, celle des employés au sein de l’entreprise est rapide. En voyant les implantations de la société localisée Grand Ouest, deux agences se démarquent, dans le sud-est de la France : Nice et Toulon. Pourquoi ces deux localités ? Pour « suivre les besoins d’évolution des employés. Pour celle de Nice, une de nos collaboratrices – qui avait commencé comme assistante commerciale – avait le souhait d’évoluer et d’aller sur le terrain. Après avoir développé notre agence de Saint-Malo, elle souhaitait rejoindre sa famille à Nice. Nous avons donc racheté une entreprise dans le sud et elle y allait quelque temps après. » Même schéma pour celle de Toulon. « Après un apprentissage à Rennes, la future directrice a gravi tous les échelons et un jour nous lui avons proposé Toulon, qu’elle a accepté car elle y avait de la famille. »
Une galerie d’art dans les locaux
De nouveau, une histoire de rencontre. Avec Pierre Moussion, « nous avions une appétence pour l’art. Tout est parti d’une idée en allant rendre visite à un ami dans son atelier : Loïc Bodin, sculpteur peintre », aujourd’hui le directeur artistique de la galerie et de l’association Les Ailes de Caïus, basée au siège de Net Plus. En pleine recherche de locaux à cette période, « je me suis dit « ce serait génial que l’on ouvre une galerie d’art dans nos locaux, qui pourrait servir à nos agents mais aussi pour créer des événements pour communiquer, inviter des clients… » »
Un rêve qui s’est concrétisé. « Cette galerie permet notamment à certains de nos agents qui ne vont pas forcément en galerie d’avoir accès à l’art avec des programmations diverses. Cela nous permet aussi de faire se rencontrer les milieux économique, culturel. »
Cinq expositions sont organisées chaque année. Actuellement, c’est une exposition photo de la photographe Isabelle Vaillant, une restitution des Rencontres photographiques de Via Silva.
BONUS
Une œuvre culturelle favorite ?
Je suis un grand curieux. J’ai un souvenir d’une exposition photographique de George Dussot que l’on avait fait dans nos anciens locaux en 2015, où chaque photo était associée à des poèmes d’Yvon Lemaine. On avait l’impression que les deux étaient totalement complémentaires. Peut-être parce que j’aime l’association de la photo et de l’écriture.
Sinon, beaucoup d’œuvres de Loïc Bodin, dont des gisants exposés dans nos locaux. Je suis aussi un grand fan de Gainsbourg, de classique… J’aimerais bien aller au Hellfest.
Sportif dans l’âme ?
J’adore le sport, je fais beaucoup de course à pied. En octobre 2023, j’ai fait un marathon des sables dans le désert marocain avec mes deux fils sur quatre jours. Je fais aussi pas mal de vélo : l’année dernière, j’ai rejoint mon fils pour son anniversaire qui est parti de Rennes à vélo jusqu’à Aman en Jordanie (6 000 kilomètres), je l’ai accompagné de Dubrovnik (Croatie) à Tirana (Albanie).
Un lieu préféré ?
J’hésite entre la Bretagne, dont je suis originaire et l’Italie car j’adore ce pays et la cuisine italienne. En Bretagne, particulièrement une presqu’île entre Lorient et Etel.
Trois mots qui vous décrivent ?
Humanité (en ce moment nous en avons d’autant plus besoin), curiosité et sensibilité.