En parallèle des truands, voleurs et autres criminels de la vie physique, la brigade numérique dirigée par le commandant Sébastien Possemé, arrête des délinquants d’une autre espèce. Si internet a beaucoup fait évoluer la société, cela a aussi apporté son lot de complications, dont le cyberharcèlement. Il a fallu aller très vite sur la gestion de cette brigade. « Elle est en constante évolution. Une autre unité est en création du côté de Poitiers avec 19 nouveaux gendarmes. »
Inaugurée en 2018, la brigade numérique (BNUM) est la première et seule – pour le moment – unité d’échanges en ligne créée en France dont la couverture territoriale est le cyberespace. Un service à « deux jambes » : les demandes classiques de tout ordre et la seconde concernant les violences intrafamiliales. « L’échange avec le gendarme se fait par « tchat », en direct. »
À près de 53 ans, Sébastien Possemé n’est pas un bleu. Pourquoi la gendarmerie ? Issu d’un milieu technique – conception mécanique -, c’est au cours de son service militaire que Sébastien a trouvé sa voie. Au cours de ses 30 ans de service, passés en prise directe avec le terrain et la population, « je me suis engagé dans la lutte contre les atteintes aux personnes et spécifiquement contre les violences conjugales et celles commises au sein du huis clos familial. J’ai traité de nombreuses interventions difficiles, tout comme j’ai dirigé des enquêtes judiciaires complexes et humainement éprouvantes. » Sans nul doute cette longue expérience qui lui permet aujourd’hui d’appréhender le contentieux des violences sous l’angle des signalements à distance.
« C’est un métier qui ne nous quitte jamais vraiment. »
Dans son équipe, ça file droit. Arme dans l’étui et uniforme parfaitement repassé, à toute heure, tous les jours, un gendarme est derrière son ordinateur. Avec les chaînes d’actualité constamment affichées sur les télés du bureau, « notre but est d’être disponibles quand la population en a besoin car le numérique ne doit pas déshumaniser les relations. Chaque situation est unique. » 37 gendarmes – dont 32 analystes – au total travaillent sur ces affaires. « Dans notre équipe, tous les gendarmes sont expérimentés. Ils sont amenés, à rassurer, informer, guider les victimes pour les aider à dépasser leurs peurs, leurs « blocages » (déni de violences, préjugés, honte…) et à accepter de se présenter devant un enquêteur du lieu de leur choix, tout cela derrière un écran. » Pour cela, les gendarmes passent par un centre de formation et « nous avons aussi créé la première formation qui s’adapte à la plateforme numérique d’accompagnement des victimes en 2023 ». Il y a des mots qui peuvent faire fuir les victimes : « Procès, justice, enquête… Nous devons utiliser des termes apaisants. L’idée est de faire oublier à la personne que nous sommes gendarmes. » Les opérateurs (officiers de police judiciaire à compétence nationale habilités par la cour d’appel de Paris, capables de saisir n’importe quelle brigade en France) possèdent une expérience de minimum huit ans d’exercice en brigades territoriales.
Plus de 10 000 procédures judiciaires et plus d’un million d’échanges sont recensés depuis la création. Totalement confidentiels, garantis sans discriminations, ni préjugés. « Sauf si nous devons remonter l’adresse IP en cas de danger. » Logique.
L’humanité n’est pas un vain mot pour Sébastien Possemé. Les membres de son équipe l’assurent : « Nous sommes passionnés par notre mission de lutte contre les violences. » Les qualités pour faire ce métier, il les possède intrinsèquement. « Il faut aimer les gens. Nous sommes à 200 % au service du public. » Comme dans tout métier qui vient en aide au public – notamment quand il ne veut pas nécessairement de cette aide -, les gendarmes ne reçoivent pas uniquement des remerciements. « Notre métier est souvent critiqué : si on n’agit pas, on est pénalement répréhensible, si on n’agit mal, on est pénalement responsable. Mais au bout du compte, nous sauvons des vies. » En plus de sa casquette de gendarme, Sébastien Possemé porte un grand intérêt au dialogue interne au sein de l’institution. « J’ai été élu à différents niveaux de représentation du personnel. J’ai notamment eu des fonctions de représentation du personnel au niveau départemental et régional : conseiller social du commandement de la légion Bretagne et de la zone de défense Ouest. Enfin, toujours en interne, je suis formateur et référent égalité professionnelle et diversité. »
Des affaires marquantes ? Forcément. Cyberflashing, alertes à la bombe, violences sexuelles… l’équipe a même un debrief annuel avec un psychologue clinicien. Mais celle « choquante » que retient Sébastien Possemé et qu’il n’hésite pas à partager concerne l’enfance. « Nous avons reçu une vidéo traduisant des maltraitances sur un enfant de 2 ans, envoyée par la tante qui voulait dénoncer les faits de violences de son frère et saisir la gendarmerie. La vidéo avait été filmée par la mère de l’enfant qui ne voulait pas – par peur – saisir la gendarmerie. C’était un appel au secours. Le papa a été interpellé et l’enfant pris en charge. C’est un résultat positif pour nous. »
Une envie de couper parfois ? « C’est un métier qui ne nous quitte jamais vraiment. J’essaie de couper lorsque je suis en vacances mais j’ai toujours mon téléphone professionnel avec moi. En revanche, j’essaie de tenir ma famille éloignée autant que possible. »
Si des affaires comme cela feraient perdre foi en l’humanité, pour Sébastien, bien au contraire. Installé à Cancale avec ses deux enfants, « évidemment, je vois des choses qui concernent les enfants et cela me touche. Mais je fais en sorte que cela ne leur arrive jamais. » Il y a aussi de belles histoires. « Nous avons reçu une lettre d’une femme qui avait subi des violences sexuelles par un membre de sa famille étant enfant, et qui, devenue adulte, racontait les différentes étapes compliquées de sa vie pour s’en sortir. C’est une libération de la parole. » Des personnes reviennent sur la plateforme « seulement pour nous dire merci ».
L’application grand public Ma Sécurité est disponible gratuitement sur les plateformes de téléchargement (Apple store et Google play store). En la téléchargeant, chaque usager a accès notamment : aux plateformes de démarches administratives en ligne ; à l’ensemble des numéros d’urgence ; aux actualités et notifications locales de sécurité qui concernent l’utilisateur ; à des conseils de sécurité et de prévention ; à un espace d’échange par tchat 24h/24 et 7j/7 avec un policier ou avec un gendarme de la brigade numérique.