Comment les différences culturelles, qui peuvent impacter le style de management, influencent-elles la gouvernance, la prise de décision et les relations hiérarchiques au sein des structures fusionnées ou rachetées ?
Charlotte Courtois. La rencontre entre cultures, particulièrement lorsqu’elle s’opère au sein d’une même organisation, peut générer des écarts visibles ou plus subtils. Sans prise de conscience ni dialogue structuré, ceci risque au mieux créer des points de frictions inconfortables, au pire de nuire à la performance ou à la réussite des projets. La clé réside moins dans une « modélisation » de la culture que dans le développement d’une posture interculturelle partagée. Qu’il s’agisse de chaîne de prise de décision, d’approche managériale ou encore relations entre collaborateurs, il est fondamental de développer les compétences interculturelles des salariés à tous les niveaux de l’entreprise. La vulnérabilité (accepter de ne pas tout savoir), la curiosité (savoir poser et se poser des questions sur nos modes de fonctionnement) et la décentration (comprendre que nos filtres culturels ne sont pas universels) sont des compétences essentielles.
Il ne s’agit pas de trancher entre deux manières de faire mais d’apprendre à « être d’accord de ne pas être d’accord » tout en poursuivant un but commun.
Quels sont les défis rencontrés en matière de communication et de gestion des attentes entre des équipes de cultures différentes, notamment dans les domaines de la négociation, du temps de travail ou de l’innovation ?
CC. Les différences de style de communication sont nombreuses et peu homogènes. Là où certains seront plutôt « implicites », d’autres seront plutôt « explicites ». La confrontation directe peut être considérée comme particulièrement violente ou humiliante par les premiers, nécessaire et signe de transparence pour les seconds. Le rapport au temps varie également sensiblement d’une culture à l’autre. Certains auront tendance à préférer le temps long quand d’autres seront plus motivés par l’immédiateté et le court-terme, rendant difficile la projection. Cela peut rendre difficile il peut être difficile l’alignement des rythmes de décision ou la vision stratégique.
N’oublions pas également qu’au-delà des tendances nationales, chacun est différent et peut se comporter selon ses propres codes. De la même manière, il existe des cultures métiers, organisationnelles, générationnelles… qui influencent les actions et filtres de lecture de chaque personne. Nous sommes de véritables patchworks d’identités culturelles.
Il est ainsi crucial de cultiver les compétences interculturelles plutôt que de développer un « roadmap » de telle ou telle culture. Il s’agit moins de « décoder » l’autre que de créer les conditions d’un dialogue sur nos façons respectives de penser, négocier ou innover.
Dans quelle mesure les entreprises bretonnes parviennent-elles à préserver leur identité régionale et leur ancrage local tout en s’adaptant aux stratégies globales et aux priorités culturelles d’actionnaires étrangers le cas échéant ?
CC. Il est intéressant de constater que loin de mettre en péril nos identités locales, la rencontre d’autres cultures peut au contraire les renforcer, les éclairer. De la même manière, mieux nous connaissons nos propres cultures et modes de fonctionnement, plus la rencontre de l’Autre sera aisée. Si la communication est présente, accompagnée, encouragée, le fait de comprendre notre propre mode de fonctionnement va nous aider à interroger l’autre et ainsi mieux le ou la comprendre.
Lorsque de part et d’autre nous comprenons nos cultures respectives, nous pouvons alors reposer nos objectifs communs et réfléchir ensemble à comment les atteindre dans le respect de chacun.
En résumé… « Qui suis-je ? Qui es-tu ? Comment décide-t-on, consciemment, délibérément, stratégiquement de faire coïncider les deux pour atteindre nos objectifs communs ? »
Qui est Charlotte Courtois ?
Conférencière bretonne engagée pour la diversité culturelle, Charlotte Courtois déploie depuis plus de 15 ans une carrière internationale dédiée à l’interculturel. Avec une approche vivante, proche de l’esprit des conférences TedX, elle accompagne les entreprises dans le développement de compétences interculturelles.
Elle est aussi la créatrice et animatrice du podcast « Surprises Interculturelles », où anecdotes de voyages, réflexions et interviews d’expatriés, managers, artistes ou sportifs permettent de mieux comprendre les ressorts de la diversité culturelle.
Fondatrice et présidente de l’ONG Konstelacio, accréditée par l’UNESCO et parrainée par la comédienne Bérénice Bejo, elle œuvre depuis 2011 à l’éducation au dialogue interculturel auprès de milliers d’enfants dans 16 pays. Elle est également l’auteure du livre-CD jeunesse Le fabuleux voyage d’Arwenn (Éditions des Braques, 2017), narré par Bérénice Bejo et récompensé par le Prix Coup de Cœur de l’Académie Charles Cros.