L’anthropologie évoque souvent les voyages lointains ou les sociétés dites « traditionnelles ». Pourtant, ses outils sont plus que jamais précieux pour les organisations contemporaines. Observer sans a priori, comprendre les logiques sociales à l’œuvre, identifier les valeurs implicites, décortiquer les usages réels comme les tensions. Ce regard extérieur et neutre aide à saisir ce qui structure vraiment un collectif.
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Sa force réside dans sa méthode : partir des acteurs et de leur expérience, confronter points de vue internes et externes, croiser discours et pratiques, relier les détails du quotidien à la vision d’ensemble et replacer le tout dans son contexte. L’anthropologue ne vient pas avec des solutions toutes faites, mais avec des questions justes et des analyses approfondies. Elle révèle ce qui influence réellement les comportements, là où les chiffres ne suffisent pas.
Une fois ce regard neutre posé, l’analyse prend alors une autre dimension : elle se transforme en leviers d’action concrets. L’anthropologue s’implique aux côtés de l’organisation pour traduire ces résultats en pistes stratégiques et opérationnelles, et accompagner leur appropriation.
En clair, cette approche aide à sortir des clichés, à garder ses bonnes intentions sous contrôle, prendre des décisions éclairées et développer une organisation plus humaine. Voici trois enjeux clés sur lesquels ce regard peut faire la différence :
1. Raison d’être : remettre du sens et de l’engagement
Dans un monde où l’affichage de valeurs devient la norme, comment faire en sorte qu’une raison d’être ne soit pas qu’un slogan ? L’anthropologie permet de révéler ce qui fait vraiment la singularité d’un collectif, d’identifier ce qui le relie et ce qui le différencie. Elle aide ainsi à formuler une raison d’être incarnée, en résonance avec les pratiques réelles de ses parties prenantes et avec l’environnement dans lequel l’organisation évolue. Ainsi, elle contribue à :
- définir une raison d’être sincère, ancrée et partagée,
- actualiser cette raison d’être en lien avec l’évolution de l’organisation et de son contexte,
- traduire des engagements RSE en preuves sociales concrètes,
- évaluer qualitativement l’impact réel de l’organisation, d’un projet ou d’une marque,
- repérer les dissonances entre image voulue et vécu de terrain,
- réfléchir à des partenariats plus horizontaux, plus justes.
2. Développement de l’activité : comprendre avant d’investir, évaluer pour ajuster
Développer son activité, c’est souvent s’aventurer en terrain inconnu : nouveau marché, nouvelle offre, nouvelle cible, nouveau territoire… Mais comment être sûr de viser juste ? Trop d’initiatives échouent faute de prendre en compte les contraintes réelles et les compromis que les publics concernés doivent faire au quotidien.
Grâce à des enquêtes de terrain et des analyses en profondeur, l’anthropologie permet de :
- identifier les pratiques réelles, parfois très éloignées des discours ou des données statistiques,
- cerner les attentes implicites ou les freins invisibles à l’adhésion,
- décrypter les logiques sociales et les imaginaires qui structurent un secteur ou un territoire,
- affiner son offre pour qu’elle soit pertinente, située, et désirable.
Et lorsque l’offre est déjà lancée, l’approche anthropologique permet d’en évaluer qualitativement la réception : qu’est-ce qui fonctionne vraiment ? Qu’est-ce qui est détourné, mal compris, ou rejeté ? Ces analyses fournissent des clés d’ajustement précieuses et offrent les nuances nécessaires pour éclairer des réalités complexes.
3. Ressources humaines : fluidifier les relations de travail, refaire circuler la confiance
La culture d’entreprise ne se décrète pas. Elle se construit et se vit au quotidien. Elle repose sur la manière dont une organisation fait vivre ses valeurs à ses salariés, dans leurs relations de travail comme dans leurs trajectoires professionnelles. L’anthropologie permet d’éclairer :
- ce qui nourrit l’engagement et la fidélisation des collaborateurs,
- les dynamiques à l’œuvre entre services, ou entre le siège et le terrain,
- les ressorts profonds des tensions, du désengagement ou de l’absentéisme,
- les conditions qui rendent une démarche QVCT crédible, incarnée et cohérente.
En mettant en lumière ces enjeux souvent sous-jacents, l’anthropologie remet l’humain au centre des décisions et des attentions de l’organisation, favorisant la reconnaissance et la valorisation des personnes. Cette approche renforce la marque employeur, soutient un management plus ajusté et consolide la gouvernance. Elle accompagne ainsi les transitions – changement d’échelle, fusion, réorganisation, déménagement – sans déshumaniser.
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Des applications concrètes, tous secteurs confondus
Peu importe le secteur, le type ou la taille de l’organisation : l’anthropologie permet d’apporter un regard neuf et précis sur les dynamiques sociales et culturelles à l’œuvre. Dans la pratique, cela se traduit par des actions concrètes et adaptées aux enjeux de chaque structure. Quelques illustrations :
- Renforcer la collaboration dans l’industrie : dans une grande entreprise agroalimentaire de l’Ouest, les équipes R&D peinaient à collaborer, avec des scores très faibles au baromètre managérial. L’enquête anthropologique menée par Filigrane a permis de comprendre les logiques de fonctionnement et les freins invisibles et de proposer un plan d’action pour stimuler la transversalité et les initiatives collectives.
- Soutenir la filière des soins et services à la personne âgée : dans le cadre d’un projet porté par une communauté de communes bretonne, un pôle ESS et un organisme de formation, Filigrane a mené une étude exploratoire auprès des acteurs du territoire (personnes âgées, aidants, professionnels, employeurs). Cette démarche a permis de remettre les personnes concernées au cœur des décisions et d’orienter les actions du projet, notamment la conception d’une formation qualifiante adaptée aux besoins réels du terrain.
- Actualiser un dispositif éducatif national : pour un réseau de structures jeunesse, Filigrane a évalué un programme d’éducation aux médias destiné aux jeunes. L’étude a révélé la dispersion de sa mise en œuvre et fourni des recommandations pour renforcer la cohérence avec la stratégie et les compétences du réseau, tout en l’adaptant aux nouveaux enjeux.
- Asseoir l’ADN et les piliers fondateurs d’une association : une association marseillaise, œuvrant dans le secteur de l’emploi, face à un tournant de son développement, a fait appel à Filigrane pour clarifier son identité. L’analyse a révélé forces et dissonances, permettant de consolider ses piliers fondateurs, de formaliser une raison d’être actualisée et d’organiser les activités et l’équipe, ouvrant ainsi la voie à de nouveaux chapitres pour l’organisation.
- Optimiser l’espace de travail : dans le cadre du réaménagement des locaux d’une organisation, Filigrane a étudié les usages, représentations et besoins des salariés. L’enquête a exploré des thèmes tels que bureau vs open space, télétravail, convivialité et impact de l’espace sur le management et l’appartenance au collectif. Les résultats ont servi de base à plusieurs scénarios d’aménagement conciliant besoins et contraintes.
Face à la complexité et à l’incertitude, les organisations ont besoin de sens, de repères et de cohérence. L’anthropologie offre un regard profond sur les dynamiques humaines. Travailler avec une anthropologue, c’est prendre le temps d’écouter et de comprendre avant d’agir — un choix stratégique pour des décisions justes et durables.