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Les entreprises bretonnes face aux soubresauts du commerce mondial

Malgré un contexte géopolitique tendu, une inflation persistante et des incertitudes croissantes liées aux échanges transatlantiques, les entreprises bretonnes ne renoncent pas à leur ambition internationale. L’étude 2025 co-pilotée par la CCI Bretagne et Bretagne Commerce International (BCI), dévoilée le 3 juin 2025 dans les locaux de la Medtech rennaise Biosency, révèle une dynamique contrastée, entre espoirs de croissance et prudence stratégique.

Jean-Pierre Rivery, président de la CCI Bretagne ; Christian Queffelec, président de BCI ; Annie Berthelot, directrice générale de BCI ; Marie Pirotais, CEO de Biosency ; et Nathalie Boursier, cheffe du service Information économique à la CCI Bretagne

Jean-Pierre Rivery, président de la CCI Bretagne ; Christian Queffelec, président de BCI ; Annie Berthelot, directrice générale de BCI ; Marie Pirotais, CEO de Biosency ; et Nathalie Boursier, cheffe du service Information économique à la CCI Bretagne ©7Jours/Rolland

Lorsque Biosency s’est lancée aux États-Unis, Marie Pirotais savait qu’elle prenait un risque. « Il était impensable pour nous de ne pas nous positionner là-bas, notre survie en dépendait », confie la cofondatrice de cette Medtech rennaise, spécialisée dans la télésurveillance des patients atteints de BPCO. Comme elle, de nombreuses entreprises bretonnes avancent avec prudence sur les marchés internationaux. Entre tensions commerciales, explosion des coûts et incertitudes politiques, les entreprises doivent composer avec un environnement mouvant où chaque décision s’avère cruciale.

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Présentée le 3 juin 2025 dans les locaux de Biosency à Rennes (35), l’étude consacrée aux entreprises bretonnes à l’international dresse un état des lieux contrasté. Certes, la région exporte toujours. Près de 4 000 entreprises exportatrices ont été recensées en 2023, dont plus de la moitié des volumes sont le fait de PME de moins de 250 salariés.

Mais le nombre global d’exportateurs recule légèrement (-4 % en un an) et la baisse atteint 28 % vers les États-Unis au premier trimestre 2025. « Nous voyons vraiment un coup d’arrêt sur les exportations bretonnes vers les États-Unis, puisque nous avons -28 % par rapport au quatrième trimestre 2024, et -24 % par rapport au premier trimestre 2024 », analyse Nathalie Boursier, cheffe du service Information économique à la CCI Bretagne.

« Nous voyons vraiment un coup d’arrêt sur les exportations bretonnes vers les États-Unis, avec -28 % par rapport au quatrième trimestre 2024. »

52,6 % des volumes pour les PME

Si les exportations bretonnes restent globalement stables, leur concentration s’effrite. En six ans, la part des 100 premiers exportateurs est passée de 90 % à 70,5 %. Les PME pèsent désormais 52,6 % des volumes. Un signe d’agilité, mais aussi d’un écosystème plus fragmenté. « Nous avons la chance d’avoir un tissu de PME très dynamique, mais aussi très exposé. Le moindre choc se traduit immédiatement dans les carnets de commandes », résume Annie Berthelot, directrice générale de Bretagne Commerce International (BCI).

Le poids de l’agroalimentaire illustre cette ambivalence. Cette filière reste le fer de lance des exportations régionales (près de 40 %), bien au-delà de la moyenne nationale. Mais cette spécialisation rend le territoire plus sensible aux barrières sanitaires et aux hausses de coûts logistiques. C’est l’un des paradoxes relevés dans l’étude : la Bretagne s’en sort à l’export, mais dans un contexte de plus en plus contraint. L’enquête menée par la CCI Bretagne et BCI auprès de 330 entreprises met en lumière trois freins majeurs que sont l’instabilité géopolitique, les réglementations techniques et la difficulté à trouver les bons partenaires commerciaux.

L’Europe, valeur refuge

Face à ces turbulences, le marché européen demeure un pilier. Plus de 70 % des échanges bretons s’y concentrent, et 49 % des projets de développement à l’international concernent désormais des destinations européennes, contre 40 % il y a deux ans. « L’Europe reste un marché sécurisé, accessible, où les règles sont stables. C’est une terre de jeu sûre pour nos entreprises », observe Annie Berthelot.

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Les États-Unis, eux, cristallisent les tensions. S’ils demeurent le premier pays cité pour les projets de développement, ils concentrent aussi l’essentiel des incertitudes. Droits de douane, retournements politiques, instabilité réglementaire… les chefs d’entreprise adoptent une posture attentiste. « La perception des dirigeants reste globalement favorable à l’export, mais nous constatons une baisse de quatorze points du solde d’opinion en deux ans. C’est significatif », souligne Nathalie Boursier.

Le marché européen demeure un pilier : plus de 70 % des échanges bretons s’y concentrent.

S’adapter aux marchés

Pour la CEO de Biosency, cette incertitude n’est pas un frein, mais pousse à l’adaptation : « Plutôt que d’y aller seuls, nous avons fait le choix de nous entourer de partenaires locaux, pour limiter les risques d’investissement. Le marché américain est stratégique, mais il faut y aller différemment. » Une posture partagée par de nombreux dirigeants, qui expérimentaient désormais d’autres modalités, à l’instar de l’implantation partielle, du transfert de production ou de la localisation des services.

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L’enjeu ne réside plus dans l’accès aux marchés, mais dans la façon d’y entrer sans fragiliser l’équilibre des entreprises. L’Italie, l’Arabie saoudite ou le Royaume-Uni progressent dans les classements des destinations où il fait bon exporter. L’Asie et le Moyen-Orient, bien qu’exigeants, offrent encore des relais de croissance. Comment profiter de cette dynamique ? La Bretagne peut tirer parti de son maillage économique. « Nous avons des entreprises résilientes, capables de s’adapter vite, mais aussi un accompagnement de proximité. Le rôle de BCI, c’est d’aider à décrypter, anticiper, sécuriser », insiste Annie Berthelot.