Couverture du journal du 29/03/2024 Le nouveau magazine

Marcelino Truong, illustrateur et conteur de l’Histoire du Vietnam

Il est des échanges où le temps se suspend tant la générosité de l’interlocuteur emporte tout. Celui avec Marcelino Truong est de ceux-là. Ses mots ressemblent à son trait, à la fois précis et gracieux. Peintre et illustrateur, Marcelino Truong vit depuis cinq ans à Saint-Malo. Né en 1957 d’un père diplomate vietnamien et d’une mère malouine, l’artiste consacre un pan de son œuvre aux conflits qui ont douloureusement frappé le Viet Nam. Dans les romans graphiques Une si jolie petite guerre et Give Peace a Chance, il raconte la guerre du Viet Nam à travers son histoire familiale. Plus récemment, dans 40 Hommes et 12 Fusils, il offre un angle inédit sur la guerre d’Indochine.

Marcelino Truong vit depuis cinq ans à Saint-Malo, ville d'origine de ses grands-parents maternels. ©Paloma Truong

Marcelino Truong vit depuis cinq ans à Saint-Malo, ville d'origine de ses grands-parents maternels. ©Paloma Truong

©Éditions Denoël Graphic

©Éditions Denoël Graphic

7J : Votre dernier roman graphique 40 Hommes et 12 Fusils entraine le lecteur dans les pas de Minh, un jeune peintre de Hanoï, qui en 1953 se retrouve malgré lui enrôlé dans le Viêt Minh, l’organisation politique et paramilitaire du Parti communiste vietnamien. Le livre est abondamment documenté. Comment avez-vous fait vos recherches ?
Marcelino Truong : Je mène des recherches sur l’histoire du Viet Nam au XXe siècle depuis des années. Puis des rencontres, des lectures. J’ai vécu à Saïgon de mes 4 ans à mes 6 ans, une expérience qui m’a beaucoup marqué. Mon père était un intellectuel. Nous discutions souvent. En 1991, j’ai fait mes premiers voyages de retour au Viet Nam, à la rencontre de cousins. Les membres de ma famille étaient dans le camp de la Révolution. Des oncles et tantes, décédés depuis, sont même des héros décorés.

« Si les Vietnamiens dans l’ensemble rêvaient d’indépendance, ils étaient divisés. Les uns voyaient la liberté en bleu, tandis que les autres l’imaginaient rouge (…) Pour moi, la liberté devait être polychrome. » Le livre met en lumière la manière dont la lutte pour un idéal de liberté, pour l’indépendance, devient une lutte très politique.
L’anticolonialisme et l’antifascisme étaient brandis comme des idéaux suprêmes par les partis communistes européens pour soutenir les luttes pour l’indépendance. Il y avait une idée très romantique du communisme. En fait, on soutenait un régime dont on ignorait tout. Moscou et Pékin utilisaient ces idéaux pour accéder et se maintenir au pouvoir.

Vous vous attaquez à des sujets sociaux (la place des femmes, les familles divisées…) et déconstruisez des clichés surannés, était-ce votre objectif ?
Je voulais avant tout donner un visage aux combattants et aux civils. Dans la littérature française, le peuple vietnamien est souvent absent ou présenté de manière caricaturale. Il y a l’image d’Épinal du commissaire politique hargneux. Il y en a eu, évidemment. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Ce sont des gens sincères et honnêtes qui ont fait le succès du Viet Minh. La jeunesse idéaliste a rejoint le mouvement. De nombreuses familles étaient divisées, à l’instar du pays. Autre fausse idée : l’érotisme. Ma famille, des lettrés, était un milieu prude où on se souciait du qu’en-dira-t-on, alors que les femmes vietnamiennes sont souvent dépeintes à la sensualité débordante. C’est un énorme cliché ! Dans le roman, Lan initie une relation intime avec Minh, car il part à la guerre, mais c’est une transgression totale.

 

Vous avez également illustré des couvertures de romans d’Eric-Emmanuel Schmitt.
À la demande des éditions Albin Michel, j’ai illustré les couvertures d’une collection sur les grandes religions monothéistes. Le texte est en écriture au moment où je dois dessiner donc je dispose d’un brief de l’éditeur. Il y a de la pression compte tenu du succès des ventes.

Lorsque vous illustriez des articles de presse pour Libération, il devait également y avoir une forme de pression.

Il y avait de l’adrénaline en raison du peu de temps dont je disposais. Le directeur artistique m’appelait vers 10h en me donnant un thème. Puis s’engageait le travail avec le journaliste. Le dessin devait être fini à 18h pour le bouclage. J’aimerais exposer ces illustrations à la médiathèque de Saint-Malo un jour.

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À Saint-Malo, justement, vous exposez des planches au bar-cantine Le Bercail, situé boulevard de Chateaubriand. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L’exposition se déroule jusqu’au 30 avril. Je présente un choix d’illustrations originales qui figurent dans les livrets de deux coffrets de la collection BDJAZZ des éditions BDMUSIC, consacrés à Billie Holiday et à Julie London. J’expose aussi des crayonnés préparatoires. Ils sont plus bruts, il y a toutes les intentions. Je compare cela à un visage sans maquillage. Le trait est plus anxieux, un peu comme une bagarre avec la feuille blanche.

Avez-vous d’autres collaborations locales ?
J’ai travaillé avec la maison de production rennaise Vivement lundi ! pour le documentaire Mille jours à Saïgon, réalisé par Marie-Christine Courtès. Le film suit mon travail de Saint-Malo à Saïgon pour le livre Une si jolie petite guerre. Et depuis peu, je suis le parrain de la première promotion de la section Illustration de l’école de Condé à Rennes.

Une si jolie petite guerre , Give Peace a Chance et 40 Hommes et 12 Fusils, parus aux Éditions Denoël Graphic.

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