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Le droit entre en mutation : entretien avec Laurent Drillet et Manuella Fauvel, co-directeurs de Fidal Bretagne

Les entreprises connaissent une (r)évolution en profondeur ces dernières années. Elles sont amenées par le législateur à intégrer volontairement les préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et dans leurs relations avec les parties prenantes. Pour mieux comprendre le phénomène, 7 jours est allé à la rencontre de Laurent Drillet et Manuella Fauvel, co-directeurs régionaux du cabinet d'avocats en droit des affaires, Fidal Bretagne.

Manuella Fauvel & Laurent Drillet du cabinet d'avocats en droit des affaires, Fidal Bretagne

Manuella Fauvel & Laurent Drillet du cabinet d'avocats en droit des affaires, Fidal Bretagne ©StudioCarlito

Les entreprises veulent s’afficher aujourd’hui comme des citoyennes exemplaires, soucieuses de leur environnement, de leur impact sur la société et de leur gouvernance. Comment cela se traduit-il dans le secteur juridique ? Qu’observez-vous ?

Laurent Drillet : Depuis quelques années, on constate un mouvement de fond : la puissance publique a tendance à se désengager et à mettre sur l’entreprise une forme de contribution au bien commun. C’est ce qui a conduit à la loi PACTE en 2019. L’enjeu est d’amener l’entreprise à prendre en charge un certain nombre de sujets sociétaux. L’entreprise est ainsi amenée à analyser ses externalités négatives, les traiter, les intégrer dans sa stratégie, et puis évidemment prendre en charge les coûts correspondants. Elle peut valider ses engagements sociaux et environnementaux par l’adoption d’une « raison d’être », d’un statut de « société à mission ». La vérification de l’atteinte des objectifs qu’elle s’est fixés est assurée par des organismes tiers indépendants. Ce qui sous-tend cette démarche c’est l’alignement des intérêts de toutes les parties prenantes : entreprises, salariés, fournisseurs, clients, collectivités…

Donc, l’entreprise rentre dans une phase de maturité où son rôle l’engage bien au-delà de son propre champ d’action, pour le bien commun ?

Manuella Fauvel : Oui c’est ça, là où l’entreprise devait développer ses activités en se conformant aux règles de droit édictées par le législateur, elle est dorénavant amenée à définir elle-même un certain nombre de normes qu’elle s’engage à respecter en mettant en œuvre ses propres moyens de contrôle. Derrière, elle assume à la fois les respects de ces normes et la fiabilité de ses moyens de contrôle. Cette tendance a notamment été initiée en 2008 en droit du travail où on a pu constater un renversement de la hiérarchie des normes en faisant prévaloir le principe de subsidiarité: le législateur fixe un cadre assez large en laissant aux entreprises le soin de définir les règles précisément applicables auxquelles elles s’engagent. C’est aux dirigeants et aux autres parties prenantes en matière sociale (les salariés, les représentants des salariés) qu’échoit maintenant la responsabilité de fixer une règle applicable dans l’entreprise. Mais le droit du travail n’est pas le seul domaine juridique concerné par cette mutation et nous sommes maintenant entrés dans l’ère de la compliance où l’éthique se mêle au respect des normes.

La puissance publique a tendance à se désengager et à mettre sur l’entreprise une forme de contribution au bien commun

Depuis la loi « Climat et Résilience », qui a été définitivement adoptée le 22 août 2021, les salariés élus peuvent avoir un droit de regard sur les conséquences environnementales de l’activité de leur entreprise. Les enjeux climatiques deviennent ainsi un objet du dialogue social ?

Manuella Fauvel : Oui parce que les enjeux environnementaux c’est l’affaire de tous, le législateur a demandé que les représentants des salariés puissent avoir accès à un diagnostic des impacts environnementaux des projets. Traditionnellement, l’entreprise présentait au CSE (organisme qui regroupe des salariés élus) les impacts sociaux d’un projet : impact sur les conditions de travail, sur les co…