Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Drone marin : Plus loin, plus vite, plus stable !

Le projet Surcouf se matérialise par un drone principal portant sur son dos un plus petit drone d’exploration. Simple sur le papier, il s’agit pourtant d’une première mondiale mise au point par un consortium industriel rassemblant le laboratoire Lab-STICC* de l’UBS, pour la partie « intelligence », la société SEAir (Lorient) pour le drone principal doté de foils et IMSolutions (Saint Philibert) pour les drones.

Projet Surcouf ©SEAir

Projet Surcouf ©SEAir

Deux ans et environ un million d’euros dont la moitié a été financée par la région Bretagne et l’agglomération de Lorient, ont été nécessaires pour parvenir à faire évoluer le drone en autonomie dans la rade de Lorient. En février dernier, plus d’une cinquantaine de personnes scrutaient à la loupe le comportement de ce drôle d’engin flottant. Les concepteurs, bien sûr, mais aussi des industriels, civils et militaires, et des sauveteurs en mer, très intéressés par cette nouvelle technologie. Long de 7 mètres, le drone porteur est un semi-rigide à foils rétractables, bourré d’électronique lui permettant de se déplacer en toute sécurité. Le petit drone de travail, quant à lui, est déposé sur zone par son grand frère pour accomplir sa mission : bathymétrie, hydrographie, surveillance des parcs éoliens, étude de la pollution, impact du changement climatique, secours en mer, commandos…

Agile, rapide et économe

« Ce premier essai a été un succès complet, se félicite Sébastien Manigot, directeur des opérations d’IM-Solutions. Le bateau a navigué en autonomie, comme prévu, et a réussi son passage à haute vitesse à 10 m/s (environ 60 km/h). Notre solution dronisée est à la fois agile, rapide et économe.» Trois atouts qui attirent les convoitises des professionnels de la mer. Prenons le cas concret d’un exploitant d’un parc éolien offshore. S’il doit se rendre sur site pour inspecter un équipement, l’équipe technique doit affréter un navire, se déplacer dans une mer parfois hostile, ne jamais heurter les infrastructures, procéder à l’expertise puis prendre le chemin du retour.

Projet Surcouf ©SEAir

Projet Surcouf ©SEAir

Il acquiert une très forte stabilité et dépense moins d’énergie

« Cela représente un coût particulièrement élevé tant en carburant qu’en équipage ou en location de navire et ce, qu’elles que soient la technicité ou la difficulté de l’intervention, explique Richard Forrest de SEAir. Avec notre drone à foils rétractables, nous nous libérons de toutes ces contraintes. Grâce à ses « ailes », le drone vole au-dessus de l’eau. Il n’est donc plus tributaire de la force de la houle. » Il acquiert une très forte stabilité et dépense moins d’énergie tout en allant plus vite.
Le drone de travail de Surcouf (1.8 m) dispose actuellement d’une autonomie de 6 heures à 4 nœuds (7,5 km/h). Le drone porteur de 7m grâce à ses hydrofoils consomme entre 20 et 25% d’énergie en moins qu’un drone sans foils. Entre 20 et 25 nœuds (37 km/h), les économies atteignent 50% par rapport à une embarcation classique ! « Ses foils lui apportent en plus une maniabilité exceptionnelle et ce n’est pas un hasard si les commandos marines l’ont évalué », ajoute Richard Forrest.

« La télédétection obstacle/collision se déroule dans des conditions optimales »

Grâce à ses foils rétractables, le drone se libère surtout des effets de la houle et réduit dans le même temps tangage et roulis. Le drone à foils vire à plat et absorbe 50% des chocs en mer formée (Sea State 3). Il acquiert donc une stabilité remarquable. Un atout majeur pour sa conduite. « Le fait que ce drone soit aussi stable nous a permis de nous passer d’équipements très chers et lourds comme des capteurs gyrostabilisés, détaille Dominique Heller du Lab-Sticc. De plus, l’électronique d’évitement est beaucoup plus fiable et « l’intelligence » de l’équipement n’est jamais perturbée. La détection d’obstacles et l’alerte de collision sont des éléments clés du drone autonome. Elles reposent sur la fusion de données à l’aide d’Intelligence Artificielle de différents capteurs complémentaires : un radar, un lidar (scanner 3D), des caméras couleurs et thermiques et l’AIS. Le drone est alors capable de percevoir son environnement quelles que soient les conditions. »

Projet Surcouf ©SEAir

Projet Surcouf ©SEAir

L’interface de systèmes très complexes

Même si les concepteurs concèdent que le projet n’est pas encore arrivé à maturité, ils considèrent que le concept est extrêmement prometteur sur de nombreux points. « Nous avons réussi à démontrer par exemple que le centre de commandes du drone peut se situer hors de la ligne de vue grâce au réseau 4G et aux satellites, explique Sébastien Manigot. Nous pourrons donc le commander même s’il se trouve à l’autre bout de la planète. » Et Dominique Heller de préciser : « ce prototype nous a permis également de démontrer notre capacité à interfacer des systèmes très complexes. »
Surcouf, actuellement téléopéré, est une alliance réussie de trois technologies : les foils, les drones et l’IA. La prochaine étape : l’autonomie complète.

Lab-Sticc, une unité du CNRS

Lab-Sticc, une unité du CNRS

Lab-STICC : Laboratoire des Sciences et Techniques de l’information, de la Communication et de la Connaissance (CNRS, UMR 6285)

Né en 2008, le Lab-STICC rassemble environ 648 chercheurs, ingénieurs, doctorants et personnel administratif de l’IMT Atlantique, l’UBO, l’UBS, l’ENSTA Bretagne et l’ENIB. Son slogan : « Des capteurs à la connaissance : communiquer et décider ». Ses domaines de recherches : la théorie de l’information, ondes & matériaux, électronique et informatique embarquées, sciences des données, communication et détection de signaux, interfaces homme-machines,..) suivant des thématiques et secteurs applicatifs multiples : l’environnement maritime, les objets communicants, la défense, le spatial, la santé, la sécurité, la robotique… Parmi les 25 équipes de recherches du laboratoire, l’équipe impliquée dans le projet Surcouf est l’équipe SHAKER de l’UBS.