Couverture du journal du 03/09/2024 Le nouveau magazine

Exposition à Lamballe : Mathurin Méheut et Yvonn Jean-Haffen en correspondance

L'exposition de l'été Au cœur de la rencontre, au musée de Lamballe, nous plonge dans la correspondance illustrée que Mathurin Méheut a adressé à son amie et également artiste Yvonne Jean-Haffen. Tour à tour dessinateur, peintre, illustrateur, graveur, céramiste, décorateur, Mathurin Méheut (1882-1958) était doué de tous les talents, servi par un sens inné de l’observation et un excellent coup de crayon. « L’un des plus étonnants capteurs d’images qui soit ! » avait dit de lui l'écrivain français Maurice Genevois.

Mathurin Méheut, Dans les oliviers, 1951, aquarelle et encre noire sur papier, 40x31 cm ©DR

Conservée à Lamballe, dans le Musée qui porte son nom, l’œuvre de Mathurin Méheut (le fonds compte 6 000 pièces, dont 200 exposées) a donné lieu, ces 20 dernières années, à quelque 200 expositions dans sa ville natale et hors les murs et à de nombreuses publications. Elle est si variée qu’elle se prête chaque année à Lamballe à l’exploration d’un thème. Cet été 2024, ce sont des lettres illustrées qu’il a adressées à Yvonne Jean-Haffen.

Salle d’exposition du musée Mathurin Méheut ©DR

« Faire de la peinture vivante »

Dès leur première rencontre à Paris en 1923, Mathurin Méheut encourage la jeune femme à « faire de la peinture vivante ». Du jour au lendemain, elle délaisse portraits et natures mortes pour se consacrer au paysage, aux scènes de la vie paysanne et maritime en Bretagne, à l’étude des métiers, des costumes, en véritable ethnologue… Yvonne Jean-Haffen devient l’élève de Mathurin Méheut, puis sa collaboratrice pendant plus de trente ans, « intelligente et dévouée ». Elle adopte même le trait large et vigoureux de son mentor. C’est le point de départ d’une longue amitié et d’une correspondance régulière, dont il reste aujourd’hui plus de 1 400 lettres « ornées », illustrées des dessins de Mathurin. Yvonne Jean-Haffen les avait toutes conservées à Dinan, dans sa maison-atelier de la Grande Vigne, devenue musée. 125 d’entre elles prêtées par ce musée sont exposées à Lamballe avec, en regard, des œuvres des deux artistes.

Chroniqueur du quotidien : une lettre par jour !

Mathurin Méheut prenait toujours le temps d’écrire, de donner de ses nouvelles. Il a commencé avec sa femme Marguerite, au plus fort de la guerre de 1914-1918, du fond de sa tranchée, en mariant la plume et le pinceau, pour donner à voir dans ses lettres ce qu’il vivait et partager ses joies. En témoigne cette missive datée du 17 septembre 1915 : « Je regardais les merveilles de la forêt en automne, mon cœur d’artiste se gonflait… Tu n’as pas idée, ma chère femme, du trésor des troncs d’arbres, des sous-bois, faune, flore, un véritable enchantement ! »

Mathurin Méheut, The jungle, 1928, crayon gras, gouache et encre noire sur papier, 40x31cm ©DR

« Je vous le dessine par la poste »

Les 1 400 lettres de Mathurin à Yvonne Jean-Haffen, envoyées entre 1926 et 1954, n’ont rien d’intime. Yvonne Haffen et son époux Edouard Jean, voisins de Mathurin et Marguerite Méheut, rue Falguière à Paris, s’étaient retrouvés au printemps 1926 en Sologne, à l’invitation de Maurice Genevois, désireux d’illustrer Raboliot. Yvonne fut, pour Mathurin, une confidente artistique comme Berthe Morisot le fut pour Claude Monet. Dans ses lettres enthousiastes, Méheut prodigue des conseils à Yvonne, l’encourage à exposer au Salon des Artistes Décorateurs, lui fait découvrir la Bretagne en images, l’entretient de ses voyages, de ses séjours de peintre sur l’île de Batz, à Roscoff et ailleurs, et bien sûr, de son travail d’artiste.

Sans oublier la vie familiale. Les lettres de Mathurin Méheut font découvrir un homme simple, enjoué, curieux de tout, sensible à toutes les beautés de la nature. Sa capacité à s’émerveiller est sans limites. Ainsi, à Yport (Normandie), il écrit : « Je viens d’assister au départ des barques. Épatant, épatant ! » Pour écrire comme pour dessiner, Méheut utilise son stylo Waterman, un crayon Conté dont il taille la mine en biais pour obtenir des traits d’épaisseurs différentes et des crayons de couleur. Et pour donner vie aux personnages, dans toutes sortes de scènes vigoureusement croquées, de la gouache et de l’aquarelle.

L’exposition conçue par Michaël Liborio s’organise autour de trois espaces : la rencontre de Mathurin Méheut et d’Yvonne Jean-Haffen, la Seconde Guerre Mondiale et le sud de la France, où l’artiste possédait une maison : en témoigne une charmante aquarelle de 1951 aux vives couleurs. On y voit la jeune femme en train de lire dans le creux d’un olivier à Saint-Rémy-de-Provence, avec cette légende : « Dans les oliviers après le boulot, lecture de la Chèvre d’or de Marie Mauron ». S’il manque les réponses d’Yvonne Jean-Haffen aux lettres de Mathurin Méheut, l’étonnante complicité des deux artistes se mesure aux œuvres peintes sur les mêmes thèmes à l’entrée et à la sortie de l’exposition.

Musée Mathurin Méheut, 15 place du Champ-de foire, 22 400 Lamballe-Armor.

Exposition jusqu’à janvier 2025.
www.musee-meheut.fr
Tél. 02 96 31 19 99 contact@musee-meheut.fr.