« Des femmes auprès des Nabis »
Les femmes qui vivent auprès des artistes endossent tous les rôles : partenaire en amour, pilier de la vie familiale, soutien affectif, moral et financier, assistante, muse, modèle… Une oreille attentive, un regard apaisant, un visage ou un corps inspirant… « Il n’y a pas eu de femmes Nabies à proprement parler, mais bien des femmes auprès des Nabis », souligne Charlotte Foucher-Zarmanian, commissaire de l’exposition.
Parmi les femmes évoquées : Marthe Meurier, épouse de Maurice Denis ; Maria Boursin, de Pierre Bonnard ; Marguerite Gabriel-Claude, de Paul Sérusier ; France Rousseau, de Paul-Elie Ranson ; Gabrielle Bernheim, de Félix Vallotton ; Marguerite d’Auchamp, de Mogens Ballin ; Lucie Hessel, amante d’Édouard Vuillard ; Marie Vuillard, sœur d’Édouard et épouse de Ker-Xavier Roussel ; Laure Lacombe, mère de Georges Lacombe ; Angélique Narcis, belle-sœur d’Aristide Maillol… Par le prisme de ces femmes, l’exposition donne un éclairage inédit sur ce groupe partageant une même admiration pour Gauguin.
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Un groupe d’hommes
C’est à Pont-Aven, en 1888, que Paul Sérusier peint sous la dictée de Gauguin, le Paysage du bois d’amour. À son retour à Paris, la vue de ce petit tableau abstrait au premier regard suscite l’étonnement de ses camarades de l’Académie Julian. Un « talisman » à leurs yeux ! Ils se rassemblent sous le nom ésotérique de Nabis et, durant une décennie, créent, débattent de l’art et s’encouragent mutuellement. Selon Charlotte Foucher-Zarmanian, ces artistes d’avant-garde « ont une vision conventionnelle des relations avec les femmes, qu’elles soient leur épouse, leur maîtresse ou leur mère. Ils occultent le rôle d’assistantes, de collaboratrices, d’exécutrices de celles qui les ont accompagnés dans leur volonté de dépasser la peinture de chevalet et de réclamer des murs à décorer ».
La représentation du couple permet de comprendre le rôle des femmes chez les Nabis : adoration religieuse de Maurice Denis pour Marthe dans une vision romantique et sacrée tandis que Georges Lacombe et Aristide Maillol privilégient la sensualité du nu et que Paul Ranson et Félix Vallotton mettent en scène les drames de la vie conjugale. Les femmes des Nabis n’ont aucune existence au sein du groupe. Elles évoluent à la périphérie. France Ranson accueille les Nabis le samedi après-midi à son domicile. Elles s’imposent en maîtresses de maison, en gardiennes de la vie familiale (Bonnard, Le déjeuner sous la lampe, 1898 ; Vuillard, Le déjeuner en famille, 1899).
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« Filer doux et faire tapisserie
La conformité aux codes sociaux transparaît dans les scènes des femmes brodeuses, couturières. Adeptes de la décoration murale, les Nabis ont créé des tapisseries, comme Paul Ranson (Printemps, 1895), Josef Rippl-Ronai, le Nabi hongrois et Lazarine Baudrion (Femme à la robe rouge,1898). Aux hommes la conception, aux femmes l’exécution. Les motifs de femmes au jardin soulignent le lien entre la nature et le féminin comme Maurice Denis dans Les Muses (1893), un panneau décoratif à fond de sous-bois dans lequel Marthe, au premier plan, taille son crayon, un cahier sur les genoux.
Au fil des lieux
Des salons aux ateliers, en passant par les académies et la villégiature, les lieux disent tout des relations femmes/hommes. Espaces intérieurs et intériorité de l’âme se font écho dans les peintures des Nabis habiles à jouer des couleurs, des cadrages, des éclairages. L’exposition souligne l’influence qu’ont pu exercer les femmes, mères ou compagnes mais aussi médiatrices et commanditaires, contribuant, par leurs relations, à agir dans l’ombre pour promouvoir l’œuvre de leurs artistes.
Musée de Pont-Aven, Place Julia 29 930 Pont-Aven.
www.museepontaven.fr
Tel. 02 98 06 14 43