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L’art du bombage au musée des Beaux-Arts

Jusqu’au 22 septembre, le musée des Beaux-Arts de Rennes permet à un art « de rue » d’être apprécié… en intérieur. Dans le cadre d’Exporama, l’exposition Aérosol, une histoire du graffiti permet une plongée dans l’univers du graffiti des années 1960 à nos jours. Des œuvres rares et inédites de pionniers français révèlent l’usage de la bombe aérosol à des fins artistiques.

Maquette du métro parisien MF 77 ligne 13

Maquette du métro parisien MF 77 ligne 13 Sidney - S.Se7jours

Une exposition qui traite du graffiti, du « street-art » dans un musée. Un défi qu’a relevé le musée des Beaux-Arts de Rennes. De quoi donner tord à ceux pour qui les œuvres street-art ne sont que du « gribouillage » sur les murs. En arrivant, découverte de l’histoire de cet art avec une frise chronologique illustrée de la vie de la bombe aérosol, de son invention par le chimiste norvégien Erik Rotheim en 1926 aux années 2000. Cela, en passant par sa commercialisation en France à la fin des années 1950, dénommée fréquemment à l’époque“peinture presse-bouton” par la publicité. Au passage, une présentation des techniques de « bombage », une « exploration de l’outil », pour ceux qui souhaitent comprendre les bases.

Blitz La grande roue des Tuileries, peinture réalisée sur la palissade du Louvre en 1985

Blitz La grande roue des Tuileries, peinture réalisée sur la palissade du Louvre en 1985 ©Collection Pierre-Jean et Sylvie Trombetta – S.Se7Jours

Revendications, prises de position

Au-delà des pionniers comme Blek Le Rat, Jef Aérosol, Miss-Tic, et bien d’autres, « les premiers exemples de graffiti à la bombe aérosol apparus dans les rues sont des slogans revendicatifs. Ils sont tracés par des personnes anonymes et désireuses de prendre position dans les débats publics », évoque Nicolas Gzeley, artiste photographe et archiviste du graffiti. L’exposition remonte dans le temps, évoquant l’utilisation de l’outil dans une nouvelle pratique populaire et urbaine dont se sont saisis nombre d’artistes, aujourd’hui reconnus par le milieu et marché de l’art, dès la fin des années 1960.

Aérosol sur toile. Futura 2000 Johnny. Toile réalisée sur la scène du Bataclan pendant le New York city Rap Tour, Paris novembre 1982

Aérosol sur toile. Futura 2000 Johnny. Toile réalisée sur la scène du Bataclan pendant le New York city Rap Tour, Paris novembre 1982 Collection particulière – S.Se7Jours

Dans la première partie, rencontre avec Gérard Zlotykamien, “Zloty”, aujourd’hui reconnu comme un des pionniers de l’art urbain en France, est aux premières loges quand le mouvement est né à Paris il y a 60 ans et y trouve donc sa place. Loin de la revendication politique, son œuvre habite les murs de la ville de ses figures que le temps ou l’action des hommes effaceront.

Outils d’expression artistique libre

Au milieu des années 1970, cet art partage d’ailleurs aussi certains liens avec la musique rock, punk, utilisé par les musiciens ou fans comme une sorte de « promotion sauvage ». Dans les  années 1990, les fabricants de peinture aérosol décident de revendiquer son usage (initialement destiné à repeindre une voiture, un radiateur, etc.) et d’éditer des bombes spécialement destinées à un usage artistique… Bombage à main levée, pochoir ou graffiti-writing, la création s’est d’abord développée dans la rue, sur des palissades, des rames de métro, avant de trouver sa place en atelier.

Aérosol sur tissu. Bando et Scam S2 (Bomb Squad 2), 1984

Aérosol sur tissu. Bando et Scam S2 (Bomb Squad 2), 1984 ©Collection particulière – S.Se7Jours

L’aérosol s’est aujourd’hui imposé comme l’outil d’une forme d’expression artistique libre, accessible à tous et surtout acceptée par l’histoire de l’art. Une pratique artistique entrée même dans des galeries spécialisées, ou, plus largement, l’art urbain, rassemble un public toujours plus important.

Lieux emblématiques du graffiti-writing

Puis, l’univers du Subway Art est à l’honneur, révélant la diffusion des pratiques à travers le train et le métro de 1978 à 2020. Bien que de nombreuses traces de graffiti-writing soient observées dans diverses régions de France, notamment avec la diffusion de l’émission Hip-Hop en 1984, c’est bien à Paris que cette pratique connaît un réel essor. Contrairement à New York – l’un des creusets du développement de la pratique dans les années 1970-1980 – où les métros sont les supports de prédilection des graffeurs, c’est les murs que choisissent les artistes dans un premier temps à Paris. Le métro et le train apparaissent ensuite comme de grands supports de création, chose que l’on peut toujours observer de nos jours.

Slogan « Sous les pavés, la plage », Paris 1968 (Agence Roger-Viollet) ; Slogan « étudiants solidaires des travailleurs », Paris mais-juin 1968 (photographie Jacques Cuinières Agence Roger-Viollet) ; Slogan « CRS = SS », Paris, rue de Seine, mai-juin 1968 (agence Roger-Viollet) ; Inscription « contre la violence policière dans la rue », Paris mai-juin 1968 (photo Janine Nieppe, agence Roger-Viollet) ; Inscription contre De Gaulle, Paris, 9 juin 1968 (photo Michel Robinet, agence Roger-Viollet / fonds France-Soir / BHVP ©S.Se7Jours

Le graf à Rennes

Avec une telle exposition à Rennes, il était nécessaire de faire un crochet par la Bretagne et notamment à Rennes. Des photos et des pochoirs utilisés dans les rues de la ville s’exposent et montrent, dans les visuels et la touche graphique, la dynamique rock caractéristique de la ville rouge au milieu des années 1980. Ces œuvres soulignent aussi la prédominance de ce médium – le pochoir – dans la capitale bretonne. On retrouve les noms de Yeman, Lolypop ou encore Moustache Club, et des Parisiens Miss-Tic, Blek Le Rat et Marie Rouffret qui débarquent en fin d’année 1986.

Pochoirs de Miss.Tic et Marie Rouffet. Rennes, Transmusicales, 1986

Pochoirs de Miss.Tic et Marie Rouffet. Rennes, Transmusicales, 1986 ©Patrice Allain – S.Se7Jours

L’art urbain à Rennes est d’ailleurs aujourd’hui bien développé, notamment avec l’association Teenage Kicks, créée en 1998 ; le M.U.R (Modulable, Urbain et Récréatif) de la rue Vasselot ; les 4×3 de l’avenue Briand de Lendroit Editions ; WAR !… Autant de choses à découvrir rien qu’en ouvrant grand les yeux.

En supplément, une partie spéciale avec des maquettes de trains, des books, livres, revues et DVD accompagne l’exposition, ainsi qu’une collection graffiti du Mucem de Marseille.

Deux films sont par ailleurs diffusés en boucle dans l’auditorium, Mad-Bad-deal de Zoow24 et Buka buff de Marco Mendia, dans lesquels des artistes sont à l’œuvre, en accéléré, dans les rues et sur les trains.

Jusqu’au 22 septembre 2024, exposition Aérosol, une histoire du graffiti au musée des Beaux-Arts de Rennes, 20 quai Emile Zola.