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« Le mystérieux Club des Trente » : Entre pouvoir et goût du secret, une enquête de Philippe Créhange sur le plus influent des réseaux bretons

Certains réseaux très fermés, aux membres triés sur le volet, ont une influence sur les milieux politiques et économiques du pays. En Bretagne, le Club des Trente est de ceux-là. Depuis la fin des années 80, ce lobby breton qui compte ou a compté parmi ses membres, les plus influents patrons de la Région, manœuvre discrètement dans la coulisse du pouvoir.

Club des Trente_Philippe Crehange

Ancien journaliste au Parisien, ex-rédacteur en chef du Journal des Entreprises, Philippe CRÉHANGE est aujourd’hui grand reporter au Télégramme, en charge du bureau de Rennes, et rédacteur en chef du Mensuel de Rennes

Après deux ans d’enquête, Philippe Créhange, grand reporter au Télégramme et rédacteur en chef du Mensuel de Rennes décrypte, avec force détails, au travers de nombreux témoignages, l’origine, le fonctionnement et les ambitions de ce club qui rassemble les plus importants industriels de la péninsule bretonne.

C’est à La Gacilly, dans la propriété d’Yves Rocher, le 25 novembre 1988, que le plus influent lobby breton de la fin du XXè siècle et du début de ce siècle va connaitre ses premiers balbutiements. Une vingtaine de patrons sont présents. Parmi eux, Jean-Pierre Le Roch (Intermarché), Louis Le Duff (Brioche Dorée), Daniel Rouillier (Timac), Michel Vermersch (Guyomarc’h), Maurice Besnard (Armement Jego-Quéré), Jean-Luc Le Douarin (SMPO) et le professeur Claude Champaud ancien vice-président du Celib. L’objectif est précis : « Dynamiser la Bretagne et servir les intérêts de cette région à laquelle ils sont très attachés ». Tous considèrent en effet que l’union fait la force.

Très vite, décision est prise d’élargir le cercle, et priorité est donnée aux poids lourds de l’Économie régionale de l’époque. En haut de la liste, Vincent Bolloré, François Pinault, Alexis Gournennec, Pierre Legris, Alain Glon, Claude Guillemot, Mathurin Onno, Émile Bridel, Jean Le Calvez, jean Stalaven … « Pour autant » note Philippe Créhange « ce club n’a pas vocation à devenir une armée, plutôt un commando ».

Porté à la présidence, malgré lui, le 24 avril 1989, Louis LE DUFF, qui va rester dix ans à la tête du club, est de ceux qui pensent, comme le professeur Champaud, expert du monde économique que « les chefs d’entreprise doivent décider eux-mêmes de ce qui est bon pour l’économie régionale et non les partis politiques ». Son ambition : « redonner de la fierté aux Bretons qui traînent encore l’image de Bécassine en tentant d’influer sur le cours des choses à Paris ».

Enfants du CELIB (Comité d’étude et de liaisons des intérêts bretons créé en 1950 par René PLEVEN) ces jeunes patrons ne veulent pas pour autant réanimer ce lobby qui a eu une réelle influence en son temps. Ils veulent leur propre outil. Pas de statut ou de cadre juridique, pas de téléphone, pas de cotisation ni même une adresse. Le club se veut un collectif informel et discret mais surtout efficace.

Dès sa création, le club des Trente va s’attacher à peser sur le rayonnement de la Bretagne et son développement économique et faire du désenclavement de la région une priorité. La LGV, le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, la simplification administrative ainsi qu’un certain nombre de mesures en faveur de l’entrepreneuriat sont au cœur des préoccupations de ses membres.

Par-delà une volonté clairement affichée d’aller à l’essentiel et de s’en tenir aux seuls faits, l’auteur, Philippe Créhange suscite la curiosité du lecteur en émaillant son récit de petites indiscrétions et d’anecdotes comme celle concernant le nom du club.
« Le Club des Trente, ça sonne bien » lance un jour Jean-Pierre Le Roch, le fondateur d’Intermarché en évoquant une page de l’Histoire de la Bretagne devant un auditoire conquis.  « Certains penseront que trente fait référence au nombre de participants (Ils sont plus de cinquante). Les plus érudits comprendront le clin d’œil historique et la référence au Combat des Trente qui vit la victoire de l’armée bretonne sur les anglais. Tout un symbole » Alors va pour le Club des Trente.

Au fil des 200 pages du livre, l’auteur relate le lobbying exercé sur certains politiques tout en se livrant à quelques confidences sur le parcours personnel de ces hommes au caractère bien trempé. Comme le reconnait volontiers Alain Glon, autre grande figure du patronat breton, « le simple fait d’avoir réussi à rassembler des personnalités aussi puissantes que des Pinault, Bolloré, Le Roch, Rocher, Le Duff, Roulleau, Beaumanoir, Legendre et compagnie est un exploit en soi ».

« Alors, quel avenir pour le Club des Trente ? » s’interroge Philippe Créhange conscient que « comme dans une famille, la cohabitation entre les générations est parfois difficile ».

Pour le nantais Bruno HUG de LARAUZE, actuel président du club « la gestion politique est devenue planétaire et le club doit avoir une vision mondiale ». Selon lui « Nantais ou non, jeune génération ou pas, milliardaire ou « simple » millionnaire, les membres du Club des Trente ont donc toujours un rôle à jouer dans la cause entrepreneuriale. Seule condition : redevenir militants ».

Reste à trouver les soldats prêts à relever le défi et à se lancer dans les futurs combats au premier rang desquels l’urgence climatique.

 

Le mystérieux « Club des Trente »
Une enquête de Philippe Créhange
Éditions du Coin de la rue
Prix : 19,90 €