Invité par Jean-Yves Le Drian, président du Breizh Lab et ancien ministre sous François Hollande et Emmanuel Macron, Bernard Cazeneuve, ancien ministre de l’Intérieur et Premier ministre sous le quinquennat Hollande, a abordé les défis économiques, industriels et géopolitiques auxquels l’Europe est confrontée, dans un contexte mondial en pleine mutation.
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L’Europe, « architecte de son propre déclin »
Bernard Cazeneuve a dénoncé « la capacité de l’Europe à bâtir des politiques qui organisent son propre déclin ». Il a pointé du doigt la multiplication des normes, citant notamment la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et la CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive). Ces directives, selon lui, s’apparentent à une « machine normative démente » qui impose « plus de contraintes bureaucratiques, sans pour autant garantir plus de développement durable ».

Bernard Cazeneuve a dénoncé « la capacité de l’Europe à bâtir des politiques qui organisent son propre déclin » ©7Jours/Bruneau
Le socialiste a souligné un écart de compétitivité alarmant : « Alors que les Chinois fabriquent des véhicules électriques entre 15 et 20 % moins chers que les Européens, nous construisons des gigafactories sans savoir faire de séparateurs. » Dans un contexte où l’industrie automobile européenne est sous pression, il s’est inquiété de « la saignée à venir dans les prochaines semaines ».

La ministre déléguée chargée de la Ruralité, Françoise Gatel, était venue écouter Bernard Cazeneuve ©7Jours/Bruneau
Face aux géants : « On se laisse dépecer »
L’ancien Premier ministre a également critiqué une forme d’impuissance européenne face à la domination américaine et chinoise. Il a évoqué l’utilisation stratégique par les États-Unis du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) pour défendre leurs intérêts commerciaux, rappelant l’exemple d’Alstom. « Avant son rachat par General Electric, Alstom avait fait l’objet d’une enquête américaine ».
« Soit on corrige, soit on disparaît. »- Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre socialiste.
L’homme politique a également regretté l’affaiblissement des institutions internationales : « Il n’y a plus d’Organisation mondiale du commerce (OMC), puisque l’institution est bloquée en raison de l’absence de nomination des représentants américains. »
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Manque de vision stratégique en Europe
Bernard Cazeneuve a mis en lumière les failles européennes en matière de soutien à l’industrie stratégique : « Quand, en Europe, une industrie stratégique a besoin d’un soutien public, la Commission dit non », prenant pour exemple la fusion avortée entre Siemens et Alstom – qui ambitionnaient de créer un géant du ferroviaire – jugée non conforme par Bruxelles en 2019.

Marie-Pierre Vedrenne, députée européenne Renaissance et élue au Conseil régional de Bretagne, était présente à la plénière ©7Jours/Bruneau
Autre problème de fond soulevé par celui qui fût un temps pressenti pour être de nouveau Premier ministre : « Nous ne sommes pas capables d’orienter l’épargne vers nos objectifs stratégiques, la transition écologique, l’intelligence artificielle. » Et de poursuivre : « Les États-Unis et les Chinois menacent nos industries et notre compétitivité. Soit on corrige, soit on disparaît. »
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