Dans les allées bondées du Parc-Expo de Rennes, l’attente des agriculteurs était palpable. Le 16 septembre 2025, le Space a accueilli Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, dont la venue avait valeur de test pour le gouvernement, bien que celui-ci soit en sursis depuis la nomination d’un nouveau Premier ministre. Après une édition 2024 marquée par l’absence d’un représentant ministériel, le monde agricole breton espérait donc des réponses claires sur certains dossiers. Il est quelque peu resté sur sa faim.
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Laurent Kerlir, président de la Chambre d’agriculture de Bretagne, a participé aux échanges en insistant sur les enjeux sanitaires. « Nous demandons une vraie souveraineté vaccinale en Europe et en France, pour éviter de subir à chaque fois les conséquences de nouveaux variants, comme avec la FCO », a-t-il plaidé. La filière reste échaudée par les récentes crises sanitaires, entre interruptions de gestation chez les bovins et abattages préventifs.
« Les contraintes s’accumulent »
Rapidement, les revendications se sont élargies au terrain réglementaire. Laetitia Bouvier, présidente de la FRSEA Bretagne, a rappelé que « l’élevage en Bretagne est une production indispensable, mais les contraintes s’accumulent. Il faut lever la surtransposition réglementaire française et locale, qui rajoute des freins à nos exploitations ». Elle a réclamé une accélération sur les décrets d’application de la loi Duplomb relatifs aux ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), notamment l’augmentation des seuils et la simplification des procédures, deux mesures attendues pour permettre aux éleveurs porcins et bovins de moderniser leurs bâtiments « sans être paralysés par des démarches interminables ».
L’élevage en Bretagne est une production indispensable, mais les contraintes s’accumulent. – Laetitia Bouvier, présidente de la FRSEA Bretagne.
Même son de cloche du côté de Laurent Kerlir, inquiet des effets du Sage Vilaine, le principal schéma de gestion de l’eau en Bretagne, et de ses exigences en matière de réduction des produits phytosanitaires : « On nous demande de résoudre en trois ou quatre ans ce qui a nécessité vingt ans pour les nitrates. C’est tout simplement inacceptable. »
Des applaudissements mesurés
Face à ces critiques, Annie Genevard a voulu montrer qu’elle entendait les inquiétudes, mais a rappelé les contraintes budgétaires et européennes. « La PAC n’est pas une politique du passé, mais de l’avenir. Porter atteinte à son budget, c’est mettre en péril notre souveraineté alimentaire », a-t-elle affirmé, soulignant que la France se battait à Bruxelles pour éviter un financement au rabais.
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Interrogée sur les crises sanitaires, la ministre a reconnu la nécessité d’une meilleure anticipation. « Nous n’aurons pas toujours un milliard d’euros disponible comme lors de la dernière vague d’influenza. La vaccination reste notre meilleure arme », a-t-elle insisté. Enfin, elle a défendu une approche pragmatique sur la gestion de l’eau : « Nous devons concilier production agricole et besoins en eau potable. C’est un combat idéologique, mais il faut avancer. »
En retour, les applaudissements étaient plutôt mesurés. Pour Laetitia Bouvier, « il faut désormais des actes concrets, une visibilité forte pour inciter les jeunes à s’installer et croire encore en ce métier ».
Trois questions à… Arnaud Rousseau, président de la FNSEA : « L’agriculture française ne peut pas avancer avec des boulets aux pieds »

Arnaud Rousseau, président de la FNSEA. ©7Jours/Rolland
Qu’attendiez-vous de la venue de la ministre au Space ?
Arnaud Rousseau. Sa présence était d’abord un signe de respect, après une année 2024 sans représentant du gouvernement. Mais nous savions qu’elle ne pouvait pas faire de grandes annonces. L’essentiel, ce sont les trois grands sujets qui pèsent aujourd’hui. D’abord les relations internationales : Mercosur, États-Unis, Chine, Ukraine… C’est au président de la République de dire clairement comment il défend nos intérêts agricoles. Ensuite, nous attendons du futur gouvernement de Sébastien Lecornu qu’il aille au bout des promesses faites aux agriculteurs. Les décrets d’application de la loi Duplomb doivent sortir. Enfin, il y a la vision d’avenir. Voulons-nous encore que l’assiette des Français soit remplie de produits français durables, ou bien allons-nous importer massivement ?
L’agriculture française ne peut pas avancer avec des boulets aux pieds.
Le Mercosur apparaît comme un point de crispation majeur…
A.R. Oui. C’est très simple, nous refusons d’importer des produits qui nous sont interdits en France. C’est une question de santé publique et d’équité. Autoriser de telles importations, c’est tirer vers le bas nos filières, nos prix et nos efforts de durabilité. 1 % de viande sud-américaine en plus, c’est 5 % de baisse de prix pour nos éleveurs. Nous ne pouvons pas accepter cela.
Quel message adressez-vous aux jeunes agriculteurs présents en nombre au Space ?
A.R. Je veux leur dire que malgré les contraintes, ce métier a un avenir. Nous produisons des aliments de très haute qualité, avec un des niveaux de durabilité les plus exigeants au monde. Mais il faut que l’État tienne ses promesses et allège nos contraintes. L’agriculture française ne peut pas avancer avec des boulets aux pieds. Je crois profondément que si nous redonnons de la visibilité, de la confiance et des moyens, les jeunes prendront la relève avec passion et compétence.