Un mot sur le contexte actuel ?
Clément Villeroy de Galhau. Pour 2024, le nombre de procédures collectives ouvertes au tribunal de commerce de Rennes est en augmentation de 45 % par rapport à 2023, et concerne, à date, 904 salariés. Il s’agit d’un effet de rattrapage, après la période Covid. Nous avons traité plusieurs grands dossiers régionaux, comme le réseau rennais de magasins Biocoop Scarabée, qui s’est terminé de manière exemplaire puisque nous avons adopté un plan de continuation ; les neuf points de vente bretons de la marque de vêtements Superdry appartenant à la société Superlang (Saint-Grégoire) placée en liquidation ; l’enseigne de déstockage Max Plus (L’Hermitage), liquidée puis reprise à la barre du tribunal. Mais aucun de ces dossiers n’atteint l’envergure du cas Doux, par exemple (après la liquidation judiciaire en 2018 du groupe volailler criblé de dettes, ses activités ont été scindées : l’élevage étant repris par le consortium Yerr Breizh et l’abattage, l’export et la marque détenus par France Poultry, ndlr). En ce qui concerne le bâtiment, la situation est contrastée. Certes, le contexte est tendu et la construction traverse des difficultés, mais le secteur de la rénovation se porte bien et la commande publique est plutôt dans un bon cycle. Ce n’est pas encore l’effondrement annoncé, mais nous restons très vigilants.

Clément Villeroy de Galhau, président du tribunal de commerce de Rennes ©Studio Carlito
La nature du contentieux est-elle variée ?
Alexis Contamine. Cela concerne toutes les tailles d’entreprise, tous les secteurs. Cela va d’une voiture de location qui tombe en panne sur l’autoroute à l’exportation de tonnes de poulets, qui font le tour de la terre et arrivent avariés au Bangladesh. En Ille-et-Vilaine, j’ai le souvenir d’un cultivateur de tomates qui avait un problème avec des graines importées de Taïwan. Une expertise a révélé que les plants de tomates taïwanais étaient pollués par des orchidées. CVG. Une chose est sûre, plus l’activité est bonne, moins il y a de contentieux.
Nous ne nous amusons jamais à liquider une entreprise.
La justice commerciale contribue-t-elle au bon fonctionnement de la vie des affaires, ou exerce-t-elle simplement un pouvoir de vie ou de mort sur les entreprises ?
AC. Depuis mon arrivée, nous avons réduit le nombre de dossiers en stock de 1 450 à 500. J’y tiens, je suis attaché au monde des affaires. Une justice économique efficace et de qualité apporte une sécurisation et contribue à l’attractivité d’un pays. C’est d’ailleurs un critère scruté par les entreprises étrangères qui envisagent de s’implanter en France. La mission qui nous est donnée par le législateur, c’est d’empêcher les entreprises d’aller trop loin dans le creusement d’un passif. Pour cela, un cadre procédural très précis s’impose à nous. Nous ne nous amusons jamais à…