Élysée, Matignon, Versailles… Ils sont peu nombreux à pouvoir intervenir dans des lieux aussi prestigieux. Les ébénistes des ateliers Jean-Baptiste Chapuis font partie de ceux-là. De ces privilégiés qui peuvent intervenir sur un patrimoine national exceptionnel. Dernière commande en date, le portail de l’hôtel de Matignon, 57 rue de Varenne, Paris VIIe arrondissement. Démontés cet été, les deux vantaux datant de 1854 aux dimensions imposantes (4,70 m de haut pour 1,70 m de large et un tympan de 3,40 m) sont actuellement en cours de restauration à Muzillac. Des mois de travail étant nécessaires, les ébénistes ont posé un portail provisoire devant les « bureaux » du Premier ministre.
Un ancêtre « ébéniste mécanicien »
Créée en 1979 à Muzillac, la société de Jean-Baptiste Chapuis emploie aujourd’hui 30 salariés et occupe quatre ateliers dans la zone industrielle du Hinzal. L’entreprise est la digne héritière de la tradition familiale. Jean-Joseph Chapuis, l’ancêtre né en 1765, quitte la Savoie avec son cousin pour Paris, afin de faire son apprentissage auprès d’un célèbre maître artisan en menuiserie, Georges Jacob, « Fournisseur des Meubles du Roy ». Vers 1795, il installe son atelier à Bruxelles et y conçoit de nombreux meubles à combinaisons et à mécanismes pour la cour, d’où son appellation d’« ébéniste mécanicien ». Jean-Joseph Chapuis arrête son activité « fortune faite » en 1830. Sept générations plus tard, Jean-Baptiste Chapuis reprend le flambeau et les outils de ses ancêtres.
Jusqu’à 14 couches de peinture
L’ébénisterie d’art est toujours au chevet du patrimoine historique et culturel. « Il nous faudra plusieurs mois de travail pour restaurer ce portail qui a subi les outrages du temps et ceux des hommes : on a compté jusqu’à 14 couches de peinture par endroits, explique Jean-Baptiste Chapuis en touchant le bois mis à nu dans l’atelier morbihannais. On savait que cela nous prendrait du temps mais on découvre toujours des détails qui complexifient le chantier. » David, le sculpteur décorateur, s’affaire sans lever la tête. « Des mains comme ça, c’est extrêmement rare, dit le taulier. Il faut les laisser bosser. » Seul l’architecte en chef des monuments historiques sera en mesure de juger sur pièces.
Pendant que certains ébénistes travaillent sur le portail de Matignon, d’autres restaurent les 130 fenêtres du domaine de Kerguéhénnec à Bignan, et autant de volets… Impossible d’évoquer tous les chantiers en France comme à l’international. La famille Chapuis a de l’or entre les mains comme le prouvent les restaurations d’un cartel Louis XV, d’un berceau Charles X ou d’une statue de Joseph jalousement conservés à l’abri des regards.