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Entreprise agricole : quelle forme choisir ?

À l’heure où l’agriculture est devenue un enjeu majeur pour nourrir la planète tout en protégeant l’environnement, le secteur, pourtant réputé difficile et en crise, séduit de plus en plus de jeunes. Donner du sens à son quotidien par un retour à la terre fait également rêver de nombreux citadins. Alors, comment se lancer dans le monde agricole, et quels outils juridiques pour faire les bons choix ?
Expertise de Me Karine Patard, membre de la Chambre des notaires d'Ille-et-Vilaine.

Maître Karine Patard, membre de la Chambre des notaires d’Ille-et-Vilaine ©Corinne Targosz

Maître Karine Patard, membre de la Chambre des notaires d’Ille-et-Vilaine ©Corinne Targosz

Pourquoi créer une société agricole ?

L’agriculture se modernise sans cesse, y compris sur le plan juridique. Si vous êtes agriculteur, vous devez raisonner en chef d’entreprise afin de trouver des moyens juridiques et financiers pour mener votre activité à bien.
Dans le cadre de votre installation ou d’une consolidation de votre projet, il est souvent recommandé de créer une société. Que vous ayez une petite exploitation agricole ou bien un grand domaine, le statut juridique de votre entreprise ne sera pas le même pour parvenir à obtenir la meilleure rentabilité. Votre notaire pourra mener avec vous une réflexion globale en tenant compte des aspects économiques, humains, et des conséquences patrimoniales de votre projet. Il vous conseillera sur le choix de la structure la plus adaptée à votre situation.
Une mise en société permet ainsi de regrouper des moyens matériels, financiers et humains. Elle assure également la pérennité de l’entreprise. En effet, une fois que vous arrêtez votre activité, l’entreprise ne meurt pas.  Dans le cadre d’une société agricole, vous pouvez préparer la transmission de l’exploitation de façon progressive. Il est bien plus aisé de céder quelque part que de partager du matériel ou un troupeau.

Les chiffres clés 

  • 507 installations agricoles en Bretagne en 2021 (contre 437 en 2020), 
  • 41 % de personnes installées sont non issues du milieu agricole,
  • 48 % de ces installations interviennent hors cadre familial,
  • Les projets en agriculture biologique ont augmenté de 40 %.

Source : Chambre d’agriculture Bretagne

Quel statut choisir ?

Dans l’arsenal juridique, il existe différentes sociétés adaptées au monde agricole. Celles-ci permettent d’isoler le patrimoine privé du patrimoine professionnel. Le capital d’exploitation est également différencié du capital foncier.

Pour l’exploitation agricole, trois grands types de sociétés sont possibles.
Tout d’abord, les sociétés foncières. Le groupement foncier agricole (GFA) a pour objet la création ou la conservation d’un ou de plusieurs domaines agricoles. Il suppose au moins deux associés (mari et femme par exemple). Le GFA permet de conserver le patrimoine foncier en dehors de l’exploitation proprement dite.

Quant aux sociétés de gestion ou d’exploitation, elles ont pour objet la gestion et l’exploitation d’un domaine agricole ou la réalisation d’un travail en commun, parfois dans des conditions comparables à celles d’une exploitation familiale (notamment sur le plan social). Les plus utilisées sont la société civile d’exploitation agricole (SCEA), le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) et l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL). Deux associés suffisent (voire même un seul pour l’EARL), mais en GAEC, tous les associés doivent être exploitants. Ce qui n’est pas le cas en SCEA et en EARL où des associés non exploitants sont admis.

Enfin, les sociétés commerciales sont parfois utilisées en agriculture, tel le groupement d’intérêt économique (GIE), dont l’objet est de faciliter ou de développer l’activité de ses membres, la société en nom collectif (SNC), la société à responsabilité limitée (SARL) ou encore la société anonyme (SA).

Le conseil de Maître Karine Patard

Quelle que soit le type de société que vous choisirez, il est indispensable d’être bien conseillé. Il s’agit de choisir la forme la mieux adaptée en tenant compte de la spécificité de l’activité agricole. Attention, le statut d’auto-entrepreneur n’est pas autorisé pour les personnes qui exercent une activité agricole.

Quelles mesures prendre lorsque l’on travaille en couple ?

Simples coups de main ou temps plein, les conjoints sont nombreux à contribuer activement à l’exploitation agricole de leur époux, partenaire ou concubin. Là encore, cette activité ne peut s’exercer sans un cadre juridique.
Il faut alors donner un statut à votre conjoint pour ne pas rester dans le flou et formaliser la
relation de travail. Ce statut a pour principal avantage d’assurer une protection sociale à votre conjoint.
Celui-ci peut être salarié, avec l’avantage d’une protection maximale (assurance maladie, congé maternité…) et l’inconvénient du coût.
Votre conjoint peut également coexploiter l’exploitation individuelle ou être associé à l’exploitation en société ; chacun cotise alors pour son propre compte.
Enfin le statut de « conjoint collaborateur » auprès de la mutualité sociale agricole offre une protection sociale minimale, à moindre coût ; il donne accès aux indemnités d’accident du travail et ouvre des droits à la formation, mais attention, ce statut ne peut pas excéder 5 ans.
Le statut est donc à choisir en fonction de la situation et du degré de protection souhaité.
Si votre conjoint a une autre activité salariée, c’est le statut de conjoint collaborateur qui s’adapte à une activité salariée. Le conjoint collaborateur « à titre principal » travaille à 50 % de son temps au moins sur l’exploitation. « A titre secondaire », il peut travailler à temps plein ou à temps partiel pour un autre employeur.
Attention, car, si vous prenez le risque de ne pas créer de statut à votre conjoint, il s’agirait alors de travail dissimulé passible d’un redressement.

Est-on aussi bien protégé si l’on est pacsé ou en concubinage que si l’on est marié ?

Les différents statuts sont ouverts aux concubins et aux partenaires de pacs. Néanmoins, si vous êtes pacsés ou simplement concubins, votre partenaire ne pourra pas assurer la gestion courante de l’exploitation comme dans les couples mariés. Vous pouvez par exemple décider de rompre le bail rural, s’il est conclu à votre nom, sans associer votre partenaire ou concubin à cette décision, à la différence de l’époux ou de l’épouse. Le mariage est également plus protecteur en cas de séparation ou de décès de l’exploitant. Quant à la transmission du bail rural, elle est prévue au profit du conjoint et du pacsé, mais pas au profit du concubin.

Le conseil de Maître Karine Patard

Consultez votre notaire si vous envisagez de vous pacser ou de vous marier. En adaptant votre régime matrimonial, vous pourrez protéger votre conjoint en cas de décès : il est possible de prévoir, par exemple, qu’il sera prioritaire pour recueillir dans la succession les biens qui permettent de poursuivre l’exploitation. 

Pourquoi la société agricole favorise-t-elle la transmission ?

Lorsque l’on pense à la création de son entreprise, il faut inévitablement envisager sa transmission. Les parts sociales de votre entreprise peuvent être plus facilement cédées que l’exploitation elle-même, sans la morceler. Ces parts permettent d’alléger le poids de la reprise, d’organiser une transmission progressive et de répartir plus facilement les pouvoirs de direction et de gestion.
Les donations et les partages sont également facilités, tout en maintenant la pérennité de votre entreprise. Selon votre statut, des avantages fiscaux existent, notamment avec le couple GFA-bail à long terme, ou encore la mise en place d’un Pacte Dutreil.

Comment anticiper la transmission ?

L’anticipation est la clé pour réussir votre transmission. Vous devrez étudier tous les scénarios possibles en fonction de votre choix de céder votre entreprise par vente ou par donation (dans le cas d’une transmission familiale notamment). Une fois votre cessionnaire trouvé, vous devez envisager ou non la cession concomitante des terres et des bâtiments. Ensuite, il vous faudra étudier la fiscalité et rechercher les aides en matière d’installation. C’est avec votre notaire que vous pourrez mettre en place la stratégie de transmission la plus adaptée en tenant compte de votre situation familiale et patrimoniale.

Les 5 bonnes raisons pour s’installer

Selon la Chambre d’agriculture de Bretagne 

Un métier de passion, proche de la nature, en relation avec le vivant,

Plusieurs métiers en un seul : une diversité des activités : élevage, cultures, bâtiment et matériel, comptabilité, management et relations humaines…

Un métier de chef d’entreprise, qui peut apporter autonomie et liberté

Un métier qui a du sens : Nourrir les femmes et les hommes,

Un métier encré sur son territoire, qui rend acteur et permet de relever des défis passionnants : maintien des savoir-faire, défi du renouvellement et du maintien de territoires vivants, défi des transitions et de l’innovation…

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