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Gravures de Jean-Pierre Pincemin à la galerie Oniris de Rennes : « Une écriture libre et rapide »

Les œuvres de Jean-Pierre Pincemin, disparu en 2005, sont rares et précieuses. La galerie Oniris, qui l’a souvent présenté à Rennes, lui rend hommage en mettant en lumière ses gravures et ses estampes de grand format reconnaissables à ce trait singulier, à la fois saccadé, libre et affirmé.

Jean-Pierre Pincemi à la galeire Oniris de Rennes, en mars 2003 ©DR

​Né en 1944 à Paris, Jean-Pierre Pincemin a commencé comme mécanicien tourneur avant de découvrir la peinture au Louvre. Sa première exposition remonte à 1968. Il expérimente alors toute une série de gestes éloignés de la pratique traditionnelle de la peinture au pinceau : pliages, empreintes sur tôle ondulée, empreintes de briques, de grillages, autant d’instruments et de manières de faire vibrer la toile. De 1968 à 1973, il se lance dans les « carrés collés » : plongée dans des bains de teinture, la toile est découpée et assemblée en figures géométriques, carrées ou rectangulaires. Et cela dans le droit fil du mouvement « Support-Surface » créé à la fin des années soixante pour affirmer la réalité physique du tableau, un travail de création initié par Matisse avec ses papiers gouachés et découpés, poursuivi par la Nouvelle Abstraction et le Hard Edge aux États-Unis, et en France, par Simon Hantaï et Claude Viallat. À la fin des années 1990, Jean-Pierre Pincemin se décide à « tout balayer et tout assimiler », en exécutant des sculptures polychromes à partir de morceaux de bois peint.

Pendant toutes ces années, la gravure tient une place essentielle dans ses recherches. Les estampes présentées dans l’exposition de la galerie Oniris font écho aux différents univers que l’artiste a explorés : tantôt abstraites, tantôt figuratives, en noir et blanc ou en couleurs, parfois rehaussées. Dans ses gravures, Jean-Pierre Pincemin ne cherchait pas à réaliser des copies de ses tableaux comme les graveurs d’autrefois. Il voulait en faire un moyen d’expression à part entière, avec des approches inédites et des techniques variées : empreintes, aquatintes au sucre rehaussées de peinture blanche, sérigraphies et collages sur papier, lithographies rehaussées à la main… Des estampes parfois inspirées d’œuvres littéraires : les sonnets de William Shakespeare, Micromégas, un conte philosophique de Voltaire, les Canti de Louis Dalla Fior…

« Une gravure, est réussie quand elle s’approche d’une sorte d’écriture très libre et rapide, où n’est exprimée qu’une seule idée à la fois comme dans une conversation. Le peintre retrouve des formes simples, directes ou plutôt figuratives. La gravure, sincère, authentique touche alors au plus intime de l’œuvre », expliquait Jean-Pierre Pincemin en 1997.

Pour la galerie Oniris, Florent Paumelle a porté son choix sur des gravures de grands et de très grands formats. L’exposition couvre 25 années de travail depuis les années 1970 avec les « Canti », peintures abstraites réalisées par l’artiste sur des pages choisies d’un ouvrage de Louis Dalla Fior en 1975 jusqu’aux estampes du début des années 2000.

Sans titre, aquatinte au sucre sur papier 366 x 332 cm, 1993

Sans titre, aquatinte au sucre sur papier 366 x 332 cm, 1993 ©DR

L’aquatinte pour jouer de toutes les nuances de gris

Jean-Pierre Pincemin avait une prédilection pour l’aquatinte. Mise au point en 1762 par François-Philippe Charpentier, l’aquatinte fait partie des techniques dites à l’eau-forte (acide nitrique) qui mettent en œuvre une plaque de cuivre recouverte d’un vernis puis gravée, avant d’être plongée dans un bain d’acide afin de creuser les sillons destinés à retenir l’encre. L’originalité de l’aquatinte tient à l’utilisation d’une poudre de résine fine et volatile (colophane) plutôt que d’un vernis de surface, ce qui permet d’obtenir un effet de points donnant un maillage velouté. La gravure au sucre (mélange de sucre et de gouache ou d’encre de Chine) consiste, avec le pinceau, à laisser des surfaces vierges pour l’eau-forte. L’aquatinte permet d’obtenir plusieurs nuances de gris, allant jusqu’au noir en fonction du temps de morsure de l’acide, en procédant à des bains successifs.

Dans ses aquatintes entre figuration et abstraction, Jean-Pierre Pincemin joue volontiers de tous ces contrastes, ainsi que du mouvement circulaire du pinceau, dans une geste ample et large, avec des effets de taches d’un noir profond. Il aime aussi multiplier les traits comme s’il voulait griffer le papier et brouiller notre vision avec la surprise de découvrir sous les entrelacs des silhouettes humaines, des animaux, des arbres, des oiseaux avec des références à l’Histoire de l’art… Dans les lithographies de la série Micromégas, place à la couleur et aux rythmes circulaires.

Jean-Pierre Pincemin pratiquait la gravure en toute liberté, avec tout ce que cela suppose d’expérimentations, d’investigations, de découvertes, d’accidents, de surprises, le hasard jouant parfois le rôle créateur.

 

Galerie Oniris, 38 rue d’Antrain à Rennes Exposition du 13 avril au 11 mai 2024. Du mardi au samedi, de 14 h à 19 h. Accueil le matin sur demande.

Tel : 02 99 36 46 06 email : galerie@oniris.art

www.oniris.art