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La Covid, Le Restaurateur et L’Assureur

Le restaurant RACINES (Rennes) gagne en justice.

Restaurant Racines

Photo©David_FERRIERE

Le tribunal de commerce de Rennes a rendu son jugement le 24 septembre : la compagnie d’assurance AXA est condamnée à payer au restaurant Racines, une provision de 60 000€, à valoir sur l’indemnité définitive qui sera évaluée par expertise judiciaire.
Un jugement sur le fond qui pourrait faire jurisprudence, celui-ci stipulant que la fermeture de l’établissement a bien pour origine une maladie infectieuse.

Le restaurant Racines à Rennes, une étoile au Michelin depuis janvier 2019, a dû fermer ses portes, comme tous les confrères restaurateurs, le 15 mars 2020, suite à un arrêté interdisant l’accueil du public dans les restaurants pour cause d’épidémie de covid-19.
À l’issue de cette période de confinement imposé, Racines a assigné sa compagnie d’assurance AXA devant le tribunal de commerce le 18 juin dernier, celle-ci ayant refusé de prendre en charge les pertes d’exploitation.
Le tribunal de commerce de Rennes a rendu son jugement le 24 septembre : la compagnie d’assurance AXA est condamnée à payer à la société RACINES restaurant de Rennes, une provision de 60 000 €, à valoir sur l’indemnité définitive qui sera évaluée par expertise judiciaire.

Jugement en référé / Jugement sur le fond

D’autres procédures concernant des restaurateurs et la compagnie d’assurance AXA sont passées devant les juges des tribunaux de commerce de France. La grande majorité des verdicts donnant raison aux restaurateurs. Il s’agissait jusqu’à présent de jugements en référé, qui ont permis des mesures provisoires et rapides. Dans cette affaire à Rennes il s’agit d’un jugement sur le fond, qui fait le lien entre la survenance de l’épidémie et la situation de la Société : Racines Restaurant est assurée contre le risque d’épidémie, et sa fermeture résulte du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 ayant pour origine une maladie infectieuse, selon le tribunal de commerce de Rennes.

L’affaire dans le texte

  • Le restaurant Racine mettait en avant l’impossibilité d’accéder aux locaux professionnels pour la clientèle du restaurant, résultant du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire qui fixe les conditions de l’ouverture des restaurants.
  • La compagnie d’assurance AXA FRANCE IARD faisait valoir que la garantie ne s’appliquait qu’en cas « d’épidémie dont l’établissement est à l’origine, même si par la suite elle se propage en dehors de l’établissement, ou, si l’origine est extérieure à l’établissement, elle ne touche que le seul établissement concerné par le contrat d’assurance. » Argumentant sa défense sur des exemples de fermeture administrative à la suite d’une épidémie de salmonellose, ou suite à épidémie de listériose, de gastro-entérite.

Mais « si ces exemples servent à montrer qu’il existe des épidémies ayant pour origine un problème d’hygiène alimentaire, ils ne démontrent en rien qu’il n’existe pas d’autres types d’épidémies susceptibles d’être garanties par le contrat d’assurance, » indique le tribunal, qui note par ailleurs que les exemples cités remontent à 1998, 2008, et 2014 et intervenus dans des pays divers, des cas « trop anciens, alors que la gérante du restaurant n’était pas encore en activité. »
« L’assuré de bonne foi pouvait penser qu’il était assuré contre les épidémies dues aux maladies contagieuses circulant à proximité de son établissement »

La clause d’exclusion : Cette clause du contrat exclue de l’indemnisation les pertes d’exploitations, « lorsque à la date de décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet sur le même territoire départemental, d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique »
Le tribunal a jugé que « la nécessité d’interpréter la clause d’exclusion de garantie, et son ambiguïté due à une rédaction pour le moins absconse, doit profiter au débiteur de l’obligation.Il convient de rappeler que le contrat d’assurance est un contrat d’adhésion dans la mesure où aucune négociation n’est intervenue, le contrat proposé étant un contrat « standard » élaboré par la compagnie d’assurance à l’usage des restaurateurs. »

__L’article 1188 du Code Civil dispose que :
« Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation ».
__L’article 1190 du Code Civil dispose que :
« Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé ».

Il ressort des débats qu’il n’y a pas de commune intention des parties qui ne s’accordent pas sur les risques assurés. Le contrat doit donc être interprété « dans le sens que lui donnerait une personne raisonnable ». De même que le doute créé par la rédaction confuse de la clause d’exclusion doit être interprété en faveur du débiteur et contre l’assureur qui l’a proposé.

C’est pourquoi le Tribunal estime que le contrat doit être interprété comme suit : la société Racines Restaurant est assurée contre le risque d’épidémie, à condition que les conditions générales du contrat rendent cette garantie applicable. Cette éventualité a été validée ci-dessus, la fermeture de l’établissement résultant du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 et ayant pour origine une maladie infectieuse.

7Jours N°5041_ 30 septembre 2020

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