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La réforme de l’assurance chômage : les impacts sur les salariés et les dirigeants

Le premier volet de la réforme de l’assurance chômage est entrée en vigueur le 1er novembre malgré l’opposition syndicale. Durée minimale de travail, rechargement des droits, réduction de l'indemnité en fonction des revenus, les règles se durcissent pour les demandeurs d’emploi. Les démissionnaires et les travailleurs indépendants gagnent toutefois de nouveaux droits, mais les conditions d’accès restent restrictives.

La réforme s’annonce d’une ampleur inédite. Un allocataire indemnisé sur deux serait pénalisé, avance un rapport de l’Unédic publié récemment. De son côté l’exécutif, avance que les allocations seraient trop généreuses et décourageraient les individus de retrouver un emploi « Le système actuel dysfonctionne car les règles d’indemnisation incitent trop souvent au maintien d’emplois précaires, et pas suffisamment au retour à l’emploi » a ainsi argumenté le Premier ministre Édouard Philippe. Le gouvernement espère une économie de 3,4 milliards d’euros et une baisse du nombre de chômeurs de 150 000 à 250 000 euros sur les trois ans à venir. Des mesures d’accompagnement des demandeurs d’emploi sont également prévues ainsi que la mise en place d’un bonus-malus pour taxer les entreprises abusant de contrats courts. Mais la réforme ne passe pas auprès des syndicats et notamment du secrétaire général de la CFDT Laurent Berger qui dénonce « une des réformes les plus dures socialement qui s’est opérée ces vingt-cinq dernières années ».

Ce qui va changer concrètement pour l’indemnisation

Nouvelle règle d’éligibilité et de rechargement des droits, dégressivité pour les hauts salaires

Il faudra désormais avoir travaillé six mois sur les 24 derniers mois, au lieu de quatre sur 28 auparavant. Les conditions de rechargements des droits changent également : jusque-là, si un chômeur déjà indemnisé travaillait au minimum un mois (ou 150 heures), il pouvait prolonger sa durée d’indemnisation d’autant. Désormais, il lui faudra au moins six mois pour le faire. L’indemnité sera réduite en fonction du revenu. Les salariés ayant des revenus supérieurs à 4 500 € bruts par mois subiront une réduction de leur indemnité de 30 % à partir du 7e mois avec un plancher fixé à 2 261 € nets par mois.

Nouveaux droits pour les démissionnaires

Pour bénéficier de ce droit à l’allocation-chômage, le salarié démissionnaire devra d’abord pouvoir justifier d’au moins 5 ans d’activité salariée continue à la date de sa démission (chez un ou plusieurs employeurs). Ensuite, il devra avoir un projet de reconversion professionnelle réel et sérieux (formation ou création/reprise d’entreprise). Le niveau d’indemnisation sera le même que pour les autres demandeurs d’emploi. Avant la démission, le démissionnaire devra avoir sollicité un Conseil en évolution professionnelle (CÉP) auprès d’un des opérateurs dédiés pour élaborer son projet dont le caractère réel et sérieux devra ensuite être validé par la Commission Transition professionnelle régionale ou le Fongecif jusqu’à fin 2019.

Création d’une allocation pour les travailleurs indépendants

Les travailleurs indépendants auront désormais droit à l’assurance chômage, sans cotisations supplémentaires. L’indemnisation sera de 800 euros par mois pendant 6 mois. Pour en bénéficier l’activité professionnelle devra avoir généré un revenu minimum de 10 000 € par an sur les deux dernières années, avant liquidation judiciaire. En outre les ressources du travailleur indépendant ne devront pas être inférieures au montant forfaitaire mensuel du RSA pour une personne seule (soit 559,74 € depuis le 1er avril 2019).

Pour Kevin Blanchard, président de la CPME35 « Cette mesure peut être d’un bon secours dans une situation critique. Elle ouvre un droit sans cotisation pour le travailleur indépendant. Mais il faut rappeler au dirigeant que le mieux est d’anticiper et de contracter une assurance perte d’emploi privée qui lui procurera une meilleure protection. »

De son côté, Grégoire Leclercq, président de la FNAE (Fédération Nationale des Auto-entrepreneurs), interpelle dans une lettre ouverte la ministre du Travail sur l’incohérence, s’agissant d’un auto-entrepreneur, de débourser près de 3 000 euros en frais de liquidation pour percevoir une allocation-chômage de 4 800 euros.

Les prochaines mesures

Un accompagnement accru au 1er janvier 2020

À partir du 1er janvier 2020, pôle emploi prévoit un accompagnement spécifique pour les nouveaux inscrits et les travailleurs précaires. Tous les demandeurs d’emploi ayant reçu une proposition d’emploi stable mais qui doivent préalablement mettre à niveau leurs compétences pourront bénéficier d’une formation sur-mesure correspondant à la proposition. La formation sera assurée par Pôle emploi, via le financement du plan d’investissement dans les compétences (PIC). Mesure dont se félicite l’Union des entreprises de Proximité « il est indispensable d’accélérer la formation des chômeurs afin d’améliorer leur employabilité. Le PIC – Plan d’investissement dans les compétences – répond à cette priorité. »

Nouveau mode de calcul de l’indemnisation à compter du 1er avril 2020

Les règles d’indemnisation seront revues de façon à ce qu’il ne soit plus possible d’avoir une indemnisation chômage qui soit supérieure à la moyenne des revenus du travail. Les indemnités chômage ne pourront jamais être inférieures à 65 % du salaire net mensuel moyen et ne pourront jamais dépasser le montant du salaire net mensuel moyen. Les indemnités chômage seront désormais calculées sur le revenu mensuel moyen du travail, et non sur les seuls jours travaillés comme aujourd’hui.

Un système de Bonus-Malus à partir du 1er janvier 2021

Pour lutter contre la précarité et l’enchaînement des CDD ou des missions d’intérim, un système de bonus-malus pour les entreprises de plus de 11 salariés sera mis en place. Il couvrira dans un premier temps les 7 secteurs les plus concernés, représentant eux-mêmes 34 % des ruptures de contrat de travail. Après évaluation, le système pourra être étendu à l’ensemble de l’économie. Le bonus-malus fonctionnera de la manière suivante : plus le nombre de salariés qui s’inscrivent à Pôle emploi après avoir travaillé pour une entreprise est important par rapport à son effectif, plus une entreprise paiera de cotisations patronales à l’assurance chômage. À l’inverse, plus une entreprise fera d’efforts pour réduire le nombre de personnes qui s’inscrivent à Pôle emploi (moins de fins de CDD, de fins de mission d’intérim, de licenciements, de ruptures conventionnelles…), moins elle paiera de cotisations. Les cotisations varieront entre 3 et 5 % de la masse salariale, en fonction de la pratique de l’entreprise. De plus, les CDD d’usage se verront appliquer une taxe forfaitaire de 10 €, pour inciter les entreprises qui en abusent à proposer des contrats d’une semaine ou d’un mois plutôt que de quelques heures chaque jour. L’année 2020 servira d’année de référence pour calculer le taux applicable à l’entreprise.

Les 7 secteurs concernés sont :

  • fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac
  • autres activités spécialisées, scientifiques et techniques
  • hébergement et restauration
  • production et distribution d’eau-assainissement, gestion des déchets et dépollution
  • transports et entreposage
  • fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, et d’autres produits non métalliques
  • travail du bois, industrie du papier et imprimerie

l’UMIH premier syndicat représentatif de la branche CHR regrette dans un communiqué que « Cette réforme fasse supporter sur seulement sept secteurs le poids de la dette de l’assurance chômage en instaurant le bonus-malus. Cette mesure apparaît comme discriminatoire. Le recours au contrat court est inhérent au pic d’activité dans l’hôtellerie-restauration. »