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Médiation : « Le remède au conflit »

Le médiateur joue un rôle crucial de facilitateur. Il aide les parties en conflit à rétablir la communication et les accompagne dans la recherche d'une solution qu'elles élaborent elles-mêmes. Mieux comprendre la médiation avec Céline Bourges Brun-Ney et Nicolas Frappier, du cabinet rennais Amyable.   

Nicolas Frappier et Céline Bourges Brun-Ney

Nicolas Frappier et Céline Bourges Brun-Ney ©S.B7jours

Qu’est-ce que la médiation ? 

Céline Bourges Brun-Ney. Le médiateur est là pour accompagner les parties, les médiés, à détricoter un conflit, leur permettre de se parler à nouveau pour aller aux racines du désaccord et aboutir à une issue. Les parties peuvent inventer leur solution. Nous intervenons dans trois grands types de conflits : interentreprises (exécution de contrats, paiement de facture…), intra-entreprise (différend entre associés, entre l’employeur et un salarié, entre des collaborateurs) et entre particuliers (patrimoine, succession, logement). La technique du droit ne permet pas de tout résoudre. Souvent, dans les dossiers, ce sont les facteurs humains et la communication qui coincent. J’ai accompagné le règlement d’un litige entre voisins autour de limites de propriété qui opposait un jeune couple et une dame âgée. Le nœud, c’était que la dame reprochait au couple de ne pas être venus la voir à la mort de son époux.

Nicolas Frappier. La question, c’est : comment retrouver un commun sur lequel s’appuyer – des valeurs, des souvenirs, etc – et trouver une issue ? Je me souviens de deux dirigeants dont l’un était à la tête d’une holding, l’autre à la tête d’une filiale de cette holding, et qui s’opposaient pour non-paiement de frais de holding, alors qu’il y a des années ils étaient amis. Ils ont pu reparler de ce temps-là et régler leur différend. 

Qui sont les prescripteurs ? 

CBBN. La médiation peut être proposée par un juge ou enclenchée à l’initiative des parties. ​​​​Les experts-comptables et les avocats sont les meilleurs prescripteurs. Certes, pour les avocats, c’est un changement de posture car ils doivent laisser les gens se responsabiliser par rapport à leur dossier mais ils ont envie d’aider les clients à sortir du conflit.  

Concrètement, comment se déroule le processus de médiation ?

NF. Lorsqu’un client nous est orienté, nous lui expliquons ce qu’est la médiation. Puis, nous prenons contact avec l’autre partie. Une convention de médiation doit être signée. Elle définit les règles du jeu, dont deux sont cruciales : la confidentialité et la liberté d’expression. Tout ce qui est dit en médiation ne peut pas être utilisé dans le cadre d’un éventuel procès ultérieur. Après avoir reçu les deux médiés séparément, pour un temps d’écoute, nous organisons une réunion collective de 2 à 3 heures en moyenne, avec ou sans les avocats. Nous y allons pas à pas, nous pouvons faire des pauses et des apartés avec l’un ou l’autre. Parfois, plusieurs réunions sont nécessaires. Une fois un accord trouvé, les avocats rédigent un protocole pour sécuriser la démarche. 

CBBN. Si les parties acceptent la médiation mais qu’elles ne veulent pas se voir, c’est possible. C’est un système plus anglo-saxon de médiation dite de la « navette ». Le médiateur rencontre en privé chaque participant et fait des allers-retours pour aboutir à un consensus.
 

NF. Cela m’est même arrivé d’en faire une en visioconférence. 

Comment bien choisir un médiateur ? 

CBBN. La profession reste encore non réglementée. Au vu du développement des modes amiables de règlement des différends, il est probable qu’elle le soit dans les années à venir. Néanmoins, les médiateurs sont soumis à un code de déontologie et peuvent adhérer à des associations ou fédérations professionnelles qui imposent des heures de supervision et de formation continue. Un bon médiateur est aussi un médiateur qui garde la bonne distance avec le désaccord pour le faire cesser. Ce n’est pas notre conflit : nous sommes le remède au conflit. 

« Les experts-comptables et les avocats sont nos meilleurs prescripteurs. »

Le cabinet Amyable 

Céline Bourges-Brun-Ney est juriste de formation, puis notaire pendant douze ans à Paris, elle arrive à Rennes en 2012. Elle occupe les fonctions de responsable juridique au sein de la structure de promotion immobilière du groupe Giboire pendant six ans, avant de se former à la médiation et de fonder Amyable en 2024.

Nicolas Frappier est entrepreneur depuis 25 ans (agence de communication et centre de formation), il a été président du réseau Entreprendre Bretagne de 2015 à 2018. En 2021, il devient juge au tribunal de commerce de Rennes, à la chambre des conciliations.