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Musée des Beaux-arts de Rennes : une approche tactile de la sculpture avec Prière de toucher !

Prière de toucher ! Du jamais-vu dans les musées où les visiteurs, pour des questions de sécurité et de conservation, sont tenus à distance des œuvres d’art. L’exposition Prière de toucher, l’art et la matière, présentée au musée des Beaux-arts de Rennes du 23 novembre 2024 au 20 avril 2025, est une invitation à vivre une véritable expérience sensorielle. Découvrir la sculpture par le toucher à partir de reproductions d’œuvres des collections de sept musées du réseau Frame*, sur le thème de la figure humaine, de l’Antiquité à l’Art moderne.

Masque Ngongtang, 19e siècle, en bois et fibres végétales. Reproduction faite à Rennes par Michelle Cainjo de l’œuvre originale conservée au musée des Beaux-Arts de Rennes

Masque Ngongtang, 19e siècle, en bois et fibres végétales. Reproduction faite à Rennes par Michelle Cainjo de l’œuvre originale conservée au musée des Beaux-Arts de Rennes ©Loane Bercot/Musée des Beaux-Arts de Rennes

Le musée Fabre de Montpellier, les musées des Beaux-Arts de Lyon, Bordeaux, Lille, Nantes, Rouen et Rennes n’ont pas hésité à briser les codes de la visite au musée. Cela, pour montrer comment l’expérience du toucher offre une variété de sensations à même d’enrichir la perception et la compréhension des sculptures en les révélant dans leurs moindres détails : lignes, formes, volumes, matières, textures…

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La main qui ressent

Découvrir le monde avec ses mains n’est pas chose aisée. Elles sont si souvent sollicitées ! Reliées à notre cerveau par des milliers de terminaisons nerveuses, elles réagissent à la pression, l’étirement, la température, la douleur comme la caresse… Une merveille d’anatomie et de mécanique : 27 os, 14 phalanges, 15 tendons, 21 muscles innervés par 3 nerfs et vascularisés par 2 artères.

Jean-Antoine Houdon, « Voltaire assis » (1780-1790), détail. Reproduction en résine patinée de la sculpture originale en terre cuite, conservée au musée Fabre de Montpellier ©Musée Fabre de Montpellier

L’exposition s’ouvre par un éloge de la main et s’accompagne de dispositifs ludiques propres à éveiller le sens tactile : lisse, rugueux, moelleux, chaud, froid… La main accompagne les sens dans la connaissance du monde. Elle développe l’intelligence, les facultés d’apprentissage, elle véhicule des sensations qui procurent toutes sortes d’émotions. Le double sens du mot toucher est surprenant : toucher, c’est mettre sa main au contact de quelqu’un ou de quelque chose ; c’est aussi émouvoir, faire naître des sentiments. Et que de verbes rappellent que la main est essentielle pour prendre, saisir, tenir, effleurer, caresser, masser, soigner, pétrir, écrire, dessiner, modeler, sculpter…

Fruit d’une coopération exceptionnelle avec des personnes déficientes visuelles, l’exposition s’appuie sur leur approche de la sculpture pour inventer de nouvelles pratiques de médiation destinées à tous les publics. Les visiteurs sont invités à prendre en main les outils, les matériaux des sculpteurs, avant d’appréhender les œuvres par le toucher, en se bandant les yeux s’ils le souhaitent.

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Jean-Baptiste Carpeaux « La Rieuse », dite aussi « Bacchante aux roses » (vers 1870). Reproduction en résine et poudre de marbre de la sculpture originale en marbre conservée au musée des Beaux-Arts de Bordeaux ©Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

Galerie de sculptures à toucher

L’exposition raconte l’histoire de la sculpture en dix œuvres, inspirées par la figure humaine. De la Grèce antique avec la Koré du musée des Beaux-Arts de Lyon, à l’art moderne avec la Balance en deux de Marta Pan du musée des Beaux-Arts de Nantes. En passant aussi par des œuvres célèbres comme Voltaire assis de Jean-Antoine Houdon (1780-1790) et, du même artiste, L’Hiver (1783), dit La Frileuse et L’Été (1785) conservés au musée Fabre à Montpellier. Ou encore L’Ange déchu de Rodin, (1895), au palais des Beaux-Arts de Lille, La Rieuse de Carpeaux (1870) au musée des Beaux-Arts de Bordeaux et un masque NgongTang porté dans les rituels de deuil au Gabon au musée des Beaux-Arts de Rennes.

Jean-Antoine Houdon, « L’Été » (1785), œuvre originale en marbre, au musée Fabre de Montpellier ©Musée Fabre de Montpellier

Le portrait de Voltaire assis est d’un réalisme saisissant. La posture, les mains agrippées au fauteuil de style Louis XVI, le visage animé par des rides d’expression, le sourire et le regard pétillant, montrent un homme au corps fatigué mais à l’esprit encore vif. Il est coiffé du bandeau des philosophes et drapé d’une robe de chambre dont les plis profonds et réguliers évoquent une toge à l’antique.

En découvrant la sculpture par le toucher et à l’aveugle, d’autres détails sont perceptibles : une fossette sur la joue droite, un petit menton affaissé révélant une bouche sans dents, un nez mince, des mains fines et osseuses. L’expérience du toucher est tout aussi enrichissante pour ressentir la rondeur de l’épaule de la jeune fille qui incarne L’Été, la douceur de sa peau de marbre et le piquant des épis de blé qu’elle tient dans la main droite.

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La muséographie de cette galerie de reproductions en résine patinée ou chargée de poudre de marbre a été élaborée comme un parcours initiatique à l’éveil des sens : apprendre à toucher comme on apprend à voir pour accéder à toute la beauté du monde.

Exposition Prière de toucher, l’art et la matière du 23 novembre 2024 au 20 avril 2025.

Musée des Beaux-Arts, 20 quai Émile Zola, 35000 Rennes.

Du mardi au dimanche 10 h à 18h. Fermé le lundi et les jours fériés. Gratuit.

*French American Exchange Museum (Frame), coopération culturelle entre la France et les États-Unis fondée en 1999.