Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Pêche : Encore des défis à relever

La filière pêche dans le Morbihan a bien résisté à la crise du Covid, mais certaines difficultés structurelles persistent. La conjoncture économique ne fait pas non plus de cadeaux aux pêcheurs avec l’augmentation du prix des carburants et la crise du recrutement. La situation est pourtant loin d’être désespérée, mais l’avenir reste incertain pour beaucoup de professionnels de la mer.

Port de pêche breton au petit matin

Ciel dégagé pour les marins pêcheurs ? ©DB-7Jours

 

« Nous, représentants de l’ensemble de la filière et des territoires de pêche bretons, présidents de collectivités, propriétaires ou gestionnaires de ports de pêche, représentants professionnels de la pêche, du mareyage, des entreprises de transformation, vous alertons sur les menaces que font peser le plan de sortie de flotte et la hausse du prix du gazole sur ce secteur économique majeur pour la Bretagne»… Le message est clair : sans une action rapide et vigoureuse, certains ports et certaines criées pourraient être privés de toutes activités ! C’est du moins ce qu’élus et acteurs de la pêche bretonne ont écrit à la Première ministre Elisabeth Borne dans un courrier daté du 6 décembre.

Un nombre de pêcheurs stabilisé

Mais où en est donc réellement la filière pêche aujourd’hui ? Force est de constater que l’ensemble du secteur est sur le fil du rasoir depuis de très nombreuses années. Mais de crises en « dégraissage », le nombre de bateaux et de pêcheurs s’est finalement stabilisé dans le Morbihan avec 1200 professionnels dont 150 pêcheurs à pied. Certains armements investissent même dans des fileyeurs ou caseyeurs neufs, preuve qu’ils croient en l’avenir.

Quel avenir ?

« C’est une très bonne nouvelle de voir ses nouvelles immatriculations dans le Morbihan, explique Jean Piel, chargé de communication, de la formation et de l’emploi au Comité départemental des pêches du Morbihan. Mais cela ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt, car les défis restent nombreux ! Notamment, le prix du gazole. » Les ristournes gouvernementales prenant fin en février, les pêcheurs se demandent comment ils arriveront à compenser.

Le gouvernement met 60 millions sur la table, mais ça ne suffira certainement pas ! 

Une question vitale quand on sait que le prix du gazole représente entre 25 et 40% du chiffre d’affaires d’un fileyeur ou d’un chalutier. Les équipages sont également fortement impactés par ces coûts supplémentaires, car la plupart sont payés à la part. Pour l’instant la situation reste figée, mais si elle persiste dans le temps, voire s’aggrave, les marins pourraient rejoindre la marine marchande ou quitter définitivement un secteur où les aléas sont devenus la norme.

70 dossiers de casse de bateaux à l’étude

Et le Brexit a encore empiré les choses. Résultat : pour la seule Bretagne, environ 70 dossiers de « Plan d’accompagnement individuel » sont actuellement à l’étude, visant à compenser la destruction de certains bateaux (anciennement appelé Plan de sortie de flotte, NDA). « Le Morbihan n’est pas le plus impacté, dit Jean Piel. Dans le Finistère, c’est près d’un tiers de la flotte hauturière qui pourrait être concerné. Le gouvernement met 60 millions sur la table, mais ça ne suffira certainement pas ! »

©DB-7Jours

Des quotas pluriannuels, une solution ?

Du côté de la ressource, les efforts de préservation semblent payer. En cette fin d’année, les négociations européennes se sont même achevées sur un accord sur les totaux admissibles de capture (TAC) et les quotas pour 2023. Un accord satisfaisant pour la France et qui répond à l’exigence de reconnaissance des efforts fournis pour la protection des ressources halieutiques. Et le secrétaire d’État chargé de la Mer, Hervé Berville ne boude pas son plaisir : « Cet accord préserve la capacité des pêcheurs à exercer leur métier, nous devons maintenant travailler à consolider ce secteur économique qui a souffert des différentes crises ces dernières années, grâce à la pluriannualité des quotas. » Actuellement à l’étude à Bruxelles, cette ancienne revendication des pêcheurs pourrait leur offrir des cycles d’activité plus longs et prévisibles… et quelques lendemains sans remise en question.

 

Quel impact du Covid sur la filière ?

Des chercheurs de l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) et de l’Ifremer (Institut de recherches sur la mer) se sont penchés sur les conséquences de la crise sanitaire sur la filière pêche. Les premiers résultats ont été publiés en décembre dernier.

« Globalement, les navires de pêche ont connu en 2020, comparativement à la moyenne des deux années précédentes, une baisse d’activité de 10% pour une baisse de production de 13% et des pertes de chiffres d’affaires de 126 millions d’euros, explique Olivier Guyader, économiste des ressources halieutiques à l’Ifremer ».

La crise du Covid a ralenti la vente de produits frais ©DB-7jours

La crise du Covid a ralenti la vente de produits frais ©DB-7jours

La crise a confirmé certaines tendances

L’impact a néanmoins été amorti (en partie) par des aides européennes et nationales : en 2020 et 2021, environ 25 M€ ont été alloués aux navires. Mais ce dispositif a plus été mobilisé pour les grands navires (65%) que pour la petite pêche (25%).

Du côté des criées, le manque à gagner est estimé à 30 M€ et, parmi les plus touchées, les criées bretonnes (à l’exception de Saint-Malo et Douarnenez) avec une perte supérieure à 18% par rapport à la moyenne annuelle des trois précédentes années.

En revanche, côté consommateurs, malgré la fermeture des frontières, le repli sur le marché intérieur ne s’est pas produit. C’est la vente de poisson « préemballé » qui a augmenté de plus de 40%. En fait, la crise a confirmé nos tendances de consommation plutôt qu’elle ne les a modifiées.