Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 s’inscrit dans une stratégie de redressement des comptes publics, pour ramener le déficit à 5% du PIB dès 2025 et sous les 3% à l’horizon 2029. Pour y parvenir, le gouvernement vise un effort budgétaire de 60 milliards d’euros d’économies, dont les deux tiers devraient provenir de réductions des dépenses publiques.
Les PME innovantes, grandes perdantes ?
Dans ce contexte, les dispositifs de soutien à l’innovation des petites et moyennes entreprises (PME) sont sur le grill et pourraient bien être rabotés de façon significative. La première version du PLF 2025 prévoit notamment la suppression de l’exonération de charges sociales pour les Jeunes entreprises innovantes (JEI) et la non-reconduction du Crédit impôt innovation (CII), qui expire fin 2024. La balle est dans le camp du Parlement, où le débat court, laissant les entrepreneurs dans l’incertitude, puisque ces mesures, si elles étaient adoptées, pourraient avoir des conséquences pour de nombreuses PME innovantes et start-up.
« Les JEI, qui n’ont pas anticipé le retour à un taux normal de cotisations patronales dans leurs prévisions 2025, pourraient être contraintes de reporter, voire d’annuler des embauches prévues, remarque Laurent Brilland, expert en innovation chez e-care. Certaines entreprises, qui attendent avec impatience le remboursement du CII, risquent de se retrouver en difficulté financière. » Selon Daniel Gergès, directeur général de la French Tech Rennes Saint-Malo, entre 30 à 50 % des startups françaises bénéficient du statut JEI dans leurs huit premières années, un ratio applicable à l’écosystème breton. « 50% dans des écosystèmes deeptech comme Rennes », précise-t-il.
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Une répartition inéquitable de l’effort ?
Ces deux dispositifs concernent exclusivement les entreprises de moins de 250 salariés. Les exonérations de charges sociales représentaient environ 248 millions d’euros par an – dispositif concernant quelque 4 000 entreprises employant 20 000 personnes dédiées à la recherche. Quant au CII, qui bénéficie à 10 000 entreprises, essentiellement des PME et des start-up, il est d’un montant total d’environ 360 millions d’euros par an. Leur suppression représenterait donc 600 millions d’euros d’économies, contre 6 milliards pour le Crédit impôt recherche (CIR), qui bénéficie largement aux grandes entreprises et semble échapper – pour le moment – au coup de rabot. CIR dont l’efficacité réelle a été régulièrement sous le feu des critiques.
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Jean-François Bohn, expert-comptable et fondateur d’e-care, s’interroge : « Pourquoi l’effort ne serait-il pas réparti de manière équitable entre toutes les entreprises ? Surtout à l’heure où la durabilité et l’écoconception sont au cœur des préoccupations, il semble paradoxal de freiner l’innovation des acteurs qui œuvrent dans ce sens. Cette situation met en lumière le déséquilibre entre l’influence des PME et celles des grands groupes. Les experts-comptables, partenaires privilégiés des plus petites structures, doivent porter leur voix. J’invite aussi les entrepreneurs à écrire aux élus pour les alerter sur le sujet. » Et Laurent Brilland d’ajouter : « Les JEI, jouent un rôle dans la recherche à long terme, souvent en collaboration avec la recherche publique. Elles permettent également de retenir en France de jeunes docteurs qui pourraient être tentés de partir à l’étranger. »

Jean-François Bohn, expert-comptable et gérant de e-care, installé à Chartres-de-Bretagne (35), et Laurent Brilland, consultant innovation au sein du cabinet ©e-care
Des pistes de compromis
Selon les experts, face à ces enjeux, des solutions intermédiaires pourraient être envisagées, telles que réduire la durée d’exonération des cotisations sociales pour les JEI, actuellement fixée à huit ans, ou abaisser le plafond de l’exonération, qui s’applique aujourd’hui sur la fraction de rémunération brute inférieure à 4,5 Smic.
D’autres incertitudes en suspens
D’autres questions restent en suspens. Notamment l’avenir de l’agrément « prestataire en innovation », délivré par le ministère de la Recherche, qui permet aux entreprises bénéficiaires du CII de faire profiter leurs clients de cet avantage fiscal. Le devenir du statut de Jeune entreprise de croissance, issu du rapport Midy, reste incertain.