Pourquoi quittez-vous Olga ?
Solenn Douard. Pour me consacrer à un retrait créateur. J’ai beaucoup réfléchi sur ce que signifie être une entreprise régénératrice, c’est-à-dire une entreprise ayant un impact et un rôle sociétal. Désormais, c’est en tant que dirigeante, individuellement, que je veux comprendre ce que signifie porter un projet régénératif. Je veux prendre le temps de découvrir certains endroits du monde, me ressourcer, m’inspirer et réfléchir. Aujourd’hui, je ressens un sentiment d’accomplissement, je me sens nourrie et grandie. Une entreprise est vivante ; il n’y a pas d’homme ou de femme providentielle. Les équipes peuvent continuer sans moi, ce qui leur laisse vraiment de la place.
Votre départ provoque-t-il des inquiétudes en interne ?
SD. Je ne ressens pas d’inquiétude. Nous accompagnons la transition. Nous n’avons pas de comité de direction, mais 40 managers porteurs de la culture d’entreprise. Un nouveau dirigeant apporte aussi une nouvelle énergie.
Je ressens un sentiment d’accomplissement, je me sens nourrie et grandie.
Vous cédez* l’activité traiteur du groupe et les ateliers de fromage. Maintenant votre départ. Doit-on y voir des signes de difficultés ?
SD. Non, pas du tout. Nous avons été confrontés à l’augmentation du coût des matières premières, de l’énergie et à la baisse des ventes de produits biologiques. Nous avons dû nous ajuster et utiliser nos ressources différemment. Avant le Covid, nous avions renoué avec une dynamique économique et pris des précautions financières qui nous ont permis d’amortir les difficultés. Nous n’avons pas eu à licencier ou aller au tribunal de commerce comme d’autres acteurs de la bio. Mais certaines activités mettront du temps à retrouver un niveau de contribution satisfaisant à la performance du groupe. Nous étions très diversifiés, un besoin de simplification a émergé pour poursuivre notre trajectoire régénératrice. Nous ferons moins, mais mieux.
Olivier Clanchin. Ces activités n’ont pas atteint la taille critique, avec la présence sur le marché de très gros acteurs et de nombreuses start-up très spécialisées. C’est un renoncement, y compris pour l’actionnaire. Mais nous nous mettons en configuration pour préparer de gros investissements et porter notre vision 2035.
*Le groupe Olga se sépare de sa partie traiteur (moins de 5% de l’activité), cédant notamment son site de fabrication de Châteaugiron en Ille-et-Vilaine, à l’entreprise Ariv, du groupe morbihannais Mireolian. Cette cession s’inscrit dans une restructuration plus large, qui inclut la vente des ateliers de fromage « de tradition » et l’arrêt des fromages Merzer et Petit Breton.
Marques : Sojasun, Vrai, Petit Billy, Sojade, Grillon d’Or…
Chiffre d’affaires : 340 millions d’euros avant la cession, 295 millions après
Effectifs : 1 350 avant cession, 1 200 après
Sites : 18 avant cession, 13 après
Quels investissements prévoyez-vous ?
OC. Des investissements concernant la gestion de l’eau et de l’énergie ; l’obsolescence des outils industriels ; le transport, nous essayons un nouveau carburant, le HVO (Huile Végétale Hydrotraitée) ; de nouveaux matériaux et le travail avec l’amont agricole. Nous voulons créer un centre R&D pour travailler sur les filières, les produits et les emballages. Il y a aussi les aspects d’économie circulaire et le travail des co-produits.
Solenn Douard, de quoi êtes-vous la plus fière ?
SD. D’avoir construit ensemble un modèle unique en s’écoutant les uns les autres. Nous agissons au service d’une cause commune. Co-construire ensemble offre une reconnaissance différente d’un titre ou d’un salaire. Cela crée un attachement au projet, attire et fidélise. Lors de la mise en œuvre d’un projet, cela fait toute la différence.
En 2021, vous avez opéré une réorganisation profonde de l’entreprise, la divisant en 30 business units. À vous écouter, cela semble avoir été facile et naturel pour tous.
SD. Nous ne vendons pas des promesses. Nous croyons que tout passe par l’expérience. La question est : comment aborder la complexité ? La peur est la première des résistances, il faut donc la traiter. Il faut travailler sur soi, accepter que l’on n’embarquera pas tout le monde et que ce n’est pas grave. Notre conviction n’est pas forcément celle de l’autre à un moment précis, mais cela peut évoluer.
OC. Cela prend du temps. C’est d’abord une invitation et il faut s’appuyer sur ses alliés. Nous avons fait de nombreuses formations pour nos collaborateurs.
SD. Poser un cadre aide à passer le cap aussi. Plus on libère d’énergie, plus il faut un cadre et des règles. Bien sûr, nous nous sommes parfois trompés, mais c’est en faisant qu’on apprend.
Vous avez signé un contrat de licensing avec un géant laitier chinois fin 2023 et les premiers produits Sojasun devraient être commercialisés à compter de septembre en Chine. L’international est-il un axe de développement ?
OC. Absolument, nous avons des discussions en cours avec plusieurs pays intéressés par notre savoir-faire sur le soja, l’extraction végétale et la fermentation.
Qui reprend le flambeau et à quoi avez-vous été particulièrement attentifs dans le choix du prochain directeur général ?
SD. L’annonce sera faite lors de la prise de poste officielle, fin août.
OC. Nous avons cherché quelqu’un qui favorise le mouvement collectif, avec une expérience dans l’industrie et le commerce, conscient des enjeux à l’international. Il est important que ce soit quelqu’un qui comprenne la dimension familiale de l’entreprise et sa logique de transmission. Je suis la 3e génération et je prépare la 4e.
Le mot de la fin ?
SD. Je suis inquiète de la situation actuelle du monde, qui entraîne de nombreuses tensions. Chez Olga, à notre échelle, nous avons traversé des crises et aurions eu toutes les raisons de nous renfermer. Mais au contraire, le rôle du dirigeant est de faire circuler l’énergie. Pour cela, il existe un levier très puissant : la confiance inconditionnelle.