L’Open 35 de Saint-Malo a connu une évolution impressionnante ces dernières années. Pouvez-vous nous raconter son histoire et son développement ?
Thierry Cardona Gil. L’Open de Saint-Malo a été créé en 1996, mais sous une forme bien différente. Il s’agissait à l’origine d’un tournoi féminin, organisé à Taden, en Côtes-d’Armor. Lors de la liquidation du club qui l’accueillait, la Fédération française de tennis (FFT) a cherché à lui trouver un nouveau point d’ancrage. C’est ainsi que Saint-Malo a récupéré l’événement, en signant un accord avec la FFT. À l’époque, le tournoi affichait une dotation de 100 000 dollars, mais il a dû repartir de zéro lorsque nous l’avons repris en 2009. La Fédération nous a confié un tournoi ITF (International Tennis Fédération, Fédération internationale de tennis, ndlr) à 15 000 dollars et nous avons gravi les échelons pas à pas. Aujourd’hui, nous sommes en WTA 125 (Women’s Tennis Association, association des joueuses de tennis, ndlr) avec une dotation de 125 000 dollars.

L’Open 35 de Saint-Malo revient du 27 avril au 4 mai 2025 ©Open 35 de Saint-Malo
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Baptiste Guermeur. La progression a été constante, mais elle s’est accélérée en 2020, lorsque la WTA nous a contactés pour intégrer le circuit principal. Passer de l’ITF à la WTA impliquait des exigences bien plus élevées, tant sur le plan financier que logistique. Nous avons dû professionnaliser l’organisation, trouver davantage de partenaires et structurer notre modèle économique pour garantir la pérennité du tournoi.
Justement, quels sont les enjeux financiers pour atteindre ce niveau ?
TCG. Le passage en WTA a considérablement augmenté nos besoins en financement. Par exemple, nous sommes tenus d’héberger les joueuses dans un hôtel trois étoiles minimum et d’assurer leur restauration. Ce sont des dépenses qui n’existaient pas lorsque nous étions en ITF. Nous devons aussi embaucher davantage de personnel médical, avec trois kinés, un ostéopathe et un médecin sur site. Tous ces coûts, ajoutés aux exigences en termes d’infrastructures, ont doublé notre budget, qui est aujourd’hui d’environ 500 000 euros.
« Il y a quelques années, décrocher un sponsor à 5 000 euros était relativement aisé. » – Baptiste Guermeur.
BGu. Nous avons aussi dû faire face à un changement dans la nature des financements. Il y a quelques années, décrocher un sponsor à 5 000 euros était relativement aisé. Aujourd’hui, les entreprises sont plus frileuses et préfèrent fractionner leurs investissements. Nous devons multiplier les rendez-vous pour obtenir des engagements parfois bien moindres. Heureusement, nous avons fidélisé 115 partenaires, ce qui nous permet de limiter les risques liés à la perte d’un gros sponsor.

Loïs Boisson, vainqueure de l’an dernier ©Patrick Boren
Vous parliez de sponsors et de partenaires. Quelle est la répartition entre financements privés et subventions publiques ?
BGu. Les subventions publiques représentent environ 150 000 à 200 000 euros, soit un tiers de notre budget. Elles sont principalement issues de la Ville de Saint-Malo, de l’agglomération, de la Région et de la FFT. Cependant, certaines subventions, comme celle de la FFT, ont baissé ces dernières années, ce qui nous pousse à chercher d’autres sources de revenus.
« Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est un partenaire titre qui pourrait investir 70 000 à 100 000 euros. » – Thierry Cardona Gil.
TCG. Le privé reste essentiel. La billetterie, par exemple, ne représente que 15 000 euros, soit à peine 3 % du budget. Nous avons donc besoin de sponsors pour assurer l’équilibre financier. Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est un partenaire titre qui pourrait investir 70 000 à 100 000 euros et offrir une stabilité à l’événement. Actuellement, nous avons une large base de petits et moyens partenaires, ce qui nous protège en cas de départ d’un sponsor, mais qui nous oblige à un travail commercial constant.
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En quoi le tournoi représente-t-il une opportunité pour les entreprises partenaires ?
BGu. Le sponsoring d’un tournoi WTA offre une visibilité internationale. Un logo sur le court central, des vidéos diffusées sur écran géant, des retransmissions TV : l’exposition est significative. Mais au-delà de la visibilité, il y a aussi une opportunité de réseautage. Les entreprises qui sponsorisent l’événement se retrouvent, échangent et peuvent générer du business ensemble. C’est un véritable club de partenaires où les collaborations se développent naturellement.
TCG. : Il y a aussi un engagement sociétal. Le tournoi est labellisé Agenda 21, ce qui signifie qu’il intègre une démarche écoresponsable avec des actions concrètes : recyclage, utilisation de produits locaux, partenariats avec des associations comme « Dans les Pas du Hérisson » qui accompagne des jeunes adultes autistes. Une entreprise qui nous soutient associe donc son image à un événement sportif féminin international et responsable.

Chloé Paquet, seconde du tournoi l’an dernier ©Patrick Boren
Comment sélectionnez-vous les joueuses qui participent à l’Open 35 de Saint-Malo ?
TCG. Nous sommes la deuxième semaine d’un Master 1000, ce qui signifie que les dix premières joueuses mondiales sont obligées de s’y inscrire et ne peuvent pas venir chez nous. Nous accueillons donc des joueuses classées à partir de la 11e place mondiale. Elles choisissent leur tournoi en fonction de leur calendrier et des points qu’elles peuvent gagner pour leur classement. Il y a aussi un système de wildcards, qui nous permet d’inviter des joueuses de haut niveau, comme Svitolina ou Stephens ces dernières années.
« Nous accueillons donc des joueuses classées à partir de la 11e place mondiale. » – Thierry Cardona Gil.
BGu. Le positionnement du tournoi, trois semaines avant Roland-Garros et sur terre battue, attire des joueuses en quête de préparation optimale. Certaines passent par Saint-Malo avant d’atteindre les quarts ou les demi-finales à Roland-Garros, ce qui prouve la qualité du plateau.
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Quelles sont les perspectives pour l’Open 35 dans les années à venir ?
BGu. L’objectif principal est de sécuriser le tournoi financièrement, notamment avec un naming. Cela nous permettrait de franchir un cap en termes de qualité d’accueil et de communication. Nous aimerions aussi étoffer les animations autour du tournoi, renforcer les événements partenaires et continuer à améliorer l’expérience des joueuses et des spectateurs.
TCG. Nous avons prouvé notre capacité à monter en gamme. Désormais, nous voulons stabiliser notre modèle économique pour pérenniser l’événement et continuer à attirer les meilleures joueuses mondiales à Saint-Malo. Nous avons une marge de progression énorme et nous comptons bien l’exploiter.