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Accidents du travail & maladies professionnelles : gestion et diminution du coût risque

Le système de tarification des accidents du travail et les maladies professionnelles (AT/MP) a été réformé ces dernières années, afin d’en simplifier les règles et de renforcer l’incitation à la prévention. Cela reste néanmoins complexe et encore insuffisamment connu des entreprises.

David Kerboul, Juriste en Droit Social, responsable pôle social chez Talenz Toadenn, travail

David Kerboul, Juriste en Droit Social, responsable pôle social chez Talenz Toadenn ©LM-7J

Compte tenu des enjeux, financiers (coûts liés aux cotisations AT/MP) mais aussi humains (préservation de la santé et de la sécurité des salariés, améliorations des conditions de travail), les entreprises ont tout intérêt à mettre en œuvre une démarche visant à mieux maîtriser les risques professionnels des AT/MP.

Enjeu social et économique

La survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut générer un coût financier significatif pour les entreprises du fait notamment de l’augmentation de ses taux de cotisation AT/MP. Il est donc indispensable de gérer ses dossiers d’accident du travail et de maladie professionnelle et de suivre l’évolution de la tarification AT/MP de ses établissements.

Plus de 700 000 dossiers en 2019

Selon le rapport annuel 2019 de l’Assurance maladie – Risques professionnels, le nombre d’accidents du travail reconnus s’élevait à 655715, celui des maladies professionnelles prises en charge était de 49505. En 2020, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles a subi une baisse importante.

La tarification accidents du travail / maladies professionnelles

À la charge exclusive de l’employeur, la cotisation AT/MP est calculée à partir d’un taux qui est fixé annuellement pour chaque établissement et qui varie en fonction du secteur d’activité de l’entreprise, de son effectif, et de la sinistralité propre à l’établissement.

Il existe trois modes de tarification :

  • La tarification collective est applicable aux entreprises de moins de 20 salariés ou pour les établissements créés depuis moins de trois ans (hors reprise). Le taux est commun à l’ensemble des entreprises d’un même secteur d’activité. Calculé en fonction de la sinistralité du secteur, plus celle-ci est forte, plus le taux est élevé.

Toutefois, les entreprises d’au moins 10 salariés qui relèvent de la tarification collective et qui ont connu un ou plusieurs accidents du travail sur une période récente subiront une majoration forfaitaire du taux de cotisation. Cette majoration s’appliquera la première fois aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2023.

  • La tarification mixte est applicable aux entreprises de 20 à 149 salariés. Le taux est déterminé par la CARSAT en fonction de la sinistralité propre à l’entreprise (taux individuel) et en partie en fonction de la sinistralité du secteur d’activité (taux collectif). Plus l’effectif de l’entreprise s’approche de 149 salariés, plus la part du taux individuel est importante par rapport à celle du taux.
  • La tarification individuelle est applicable aux entreprises de plus de 149 salariés. Le taux est déterminé annuellement par la CARSAT en fonction des résultats statistiques des trois dernières années connues, propres à l’établissement.

Rappels et définitions

L’accident du travail est, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, à une personne travaillant pour un ou plusieurs employeurs, à quelque titre et en quelque lieu que ce soit (art. L 411-1 du Code de la sécurité sociale).

Trois conditions cumulatives doivent être réunies pour caractériser l’accident du travail :

  • un fait accidentel soudain, ayant date et heure certaines,
  • une lésion corporelle (physique ou psychologique),
  • un lien avec le travail et le fait accidentel.

L’accident du travail doit être distingué de l’accident de trajet qui est celui survenu à un salarié pendant le trajet aller et retour entre :

  • son lieu de résidence et son lieu de travail,
  • son lieu de travail et son lieu de restauration habituel à L’accident doit survenir pendant l’horaire normal de trajet eu égard à l’horaire de travail et alors que le contrat de travail du salarié est en cours et non suspendu.

Le salarié victime d’un accident de trajet bénéficie d’une protection particulière.

Il n’existe pas de définition légale de la maladie professionnelle.

Contrairement à l’accident du travail qui suppose un caractère soudain, la maladie professionnelle est caractérisée par son aspect lent et évolutif.

La maladie est présumée d’origine professionnelle dès lors qu’elle figure sur l’un des tableaux des maladies professionnelles annexés au Code de la sécurité sociale, et contractée dans les conditions mentionnées dans le tableau.

Si une ou plusieurs conditions ne sont pas remplies, un système complémentaire de reconnaissance est mis en place pour déterminer l’origine professionnelle de la maladie. Cette procédure repose sur l’expertise médicale et est confiée à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

La reconnaissance d’une maladie professionnelle permet à la personne qui en est atteinte de bénéficier des mêmes prestations que celles accordées en cas d’accident du travail.

En matière de risques professionnels, un système assurantiel garantit aux salariés une indemnisation en cas d’accident ou de maladie qui sont reconnus d’origine professionnelle par la CPAM. Ce système est financé par les entreprises par le biais de la cotisation patronale appelée « cotisation AT/MP ».

L’accompagnement des entreprises

Une bonne gestion des AT/MP implique la mise en œuvre de procédures adaptées et l’adoption de bons réflexes. C’est à cette fin que les équipes du pôle social de Talenz Toadenn accompagnent au quotidien les entreprises dans la gestion et la diminution du coût risque AT/MP.

L’accompagnement intervient lors de la phase déclarative mais aussi à travers d’actions d’audit et de veille.

La phase déclarative est une étape primordiale. Tout accident du travail, dès lors qu’il a été porté à la connaissance de l’employeur, doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). La déclaration d’accident du travail (DAT) est effectuée par l’employeur au moyen d’un imprimé Cerfa, sous pli recommandé avec demande d’avis de réception ou via le site internet net-entreprises, dans les 48 heures de la connaissance par l’employeur du fait accidentel.

Après le recueil et l’analyse des faits, nous accompagnons l’employeur dans la rédaction de la DAT. Le contenu de la DAT est important, il peut influer sur la procédure suivie par la CPAM pour statuer sur l’origine du fait accidentel.

La DAT peut être assortie de réserves, à condition qu’elles soient motivées, c’est-à-dire qu’elles portent sur les circonstances de temps et de lieu de l’accident ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. Ces réserves doivent intervenir dans un délai de 10 jours à compter de la DAT, elles peuvent faire l’objet d’un courrier additif joint à la déclaration.

Formuler des réserves est une nécessité pour l’employeur qui souhaite s’opposer à la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident. En cas de réserves motivées de l’employeur, la caisse sera contrainte d’initier une instruction, elle devra ainsi impérativement, avant sa décision, envoyer à l’employeur et à la victime de l’accident un questionnaire portant sur les circonstances de l’accident ou la cause de celui-ci ou procéder à une enquête auprès des intéressés.

L’instruction du dossier par la caisse doit être menée de manière contradictoire. La caisse est à cet effet tenue par des obligations en termes d’information, de communication et de prévenance. Le non-respect de l’une de ces obligations par la caisse rend la décision de prise en charge de l’accident inopposable à l’employeur.

Au stade de l’instruction, nous vérifions ainsi, aussi bien pour l’accident du travail que pour la maladie professionnelle, que le principe du contradictoire est bien respecté : transmission du questionnaire à l’employeur, information sur la possibilité de consulter le dossier constitué par la caisse…

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L’audit et la veille

Le deuxième axe d’accompagnement, c’est la mise en œuvre d’actions d’audit et de veille.

Lors de la notification annuelle du taux de cotisation AT/MP de l’entreprise par la CARSAT, il convient de s’assurer que les règles de tarification n’ont pas été appliquées en la défaveur de l’entreprise.

L’audit consiste en pratique à consulter le compte AT/MP de l’employeur, en particulier la feuille de calcul, afin de contrôler l’exactitude des informations : les effectifs, le secteur d’activité, code risque, la valeur totale des risques, la masse salariale, les sinistres imputés… En cas d’identification d’anomalies ou d’erreurs de calcul, l’employeur dispose d’un délai de deux mois pour contester le bien-fondé du taux AT/MP.

En complément de l’audit, nous assurons, pour les employeurs soumis à un taux individuel ou à taux mixte, un suivi permanent des sinistres en cours. Il s’agit du suivi administratif des dossiers d’accidents du travail et des maladies professionnelles, de la vérification en temps réel de toutes les mentions qui sont portées sur le compte AT/MP de l’employeur, mais aussi la détermination des impacts financiers d’un sinistre. Si après analyse nous jugeons qu’il y a un intérêt à contester, nous remettons le dossier entre les mains d’un cabinet d’avocats partenaire.

1er levier : la prévention

En conclusion, n’oublions pas que le levier essentiel à la diminution des risques professionnels, c’est la prévention. C’est une obligation qui incombe à l’employeur. Ce dernier doit prendre

« les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (art. L 4121-1 du Code du travail). Cette obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur est d’autant plus importante qu’elle sera appréciée dans l’éventuelle reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Pour remplir ses obligations en matière de prévention, l’employeur doit mettre en œuvre différentes mesures comme la formation, l’information des salariés, et en particulier identifier, évaluer et suivre les risques professionnels dans l’entreprise. Les résultats de cet inventaire doivent être retranscrits dans un document : le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). L’identification, l’analyse et le classement des risques permettent ainsi de définir les actions de prévention les plus appropriées. Ce document est obligatoire dans toutes les entreprises dès l’embauche du premier salarié. Il est mis à jour au moins une fois par an, lors de toute décision modifiant les conditions de travail ou impactant la santé ou la sécurité des salariés, ou lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie.

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