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La pêche française en quête de soutien aux assises de Lorient

Le soutien politique, faire face à une concurrence internationale, s'engager dans la durabilité, le rôle des ONG de défense de l’environnement… Autant de thèmes évoqués à l’occasion de la 14e édition des Assises de la pêche et des produits de la mer, qui se déroulait fin juin au palais des congrès de Lorient, et qui montre que la filière française de la pêche et des produits de la mer est en proie aux doutes.

Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne, Fabrice Loher, maire de Lorient et président de l’agglomération et Maël de Calan, président du conseil départemental du Finistère aux 14e Assises de la mer à Lorient

Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne, Fabrice Loher, maire de Lorient et président de l’agglomération et Maël de Calan, président du conseil départemental du Finistère aux 14e Assises de la mer à Lorient ©LorientAgglo

13 000 emplois directs en France, environ 45 000 indirects et un chiffre d’affaires de près de deux milliards d’euros… Voilà ce que pèse la pêche en France. Pour la seule Bretagne, on estime à 1 200 bateaux en activité et un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros. La pêche est donc une filière importante de l’économie française et locale mais les professionnels s’interrogent néanmoins sur leur avenir. La part des poissons importés ne cesse de grandir. Aujourd’hui, près de 70 % des poissons présents sur les étals sont d’origines étrangères : saumon, thon et crevettes. Les poissons locaux ont vraiment du mal à se frayer un chemin jusqu’aux assiettes, principalement à cause du prix.

Le monde politique au chevet de la pêche

« La pêche française doit être défendue, dit Loïg Chesnais-Girard, président de la Région. Nos marins sont des artisans qu’il faut absolument dissocier de l’industrie lourde off-shore qui a cours à l’étranger et qui fait travailler des quasi-esclaves. » Les mots sont forts mais seront-ils suffisants pour calmer la tension dans la filière ? « Nous devons gagner la bataille de l’opinion, dit Fabrice Loher, maire de Lorient et président de l’agglomération. Nous avons encore du chemin à faire quand on voit qu’une association environnementale radicale a réussi à entraîner la fermeture à la pêche du golfe de Gascogne. »

Jérôme Fourquet, directeur de l’institut de sondage Ifop, commente les chiffres de l’étude sur les produits de la mer.

Jérôme Fourquet, directeur de l’institut de sondage Ifop, commente les chiffres de l’étude sur les produits de la mer. ©LorientAgglo

Opposant associations « environnementalistes » et professionnels de la mer, les politiques régionaux n’hésitent pas à monter au créneau : « J’ai signé la tribune pour sauver la pêche bretonne lors de la fermeture du golfe de Gascogne, car les fondamentaux sont bons et nous devons souligner les vertus de notre modèle, dit Maël de Calan, président du conseil départemental du Finistère. Et je suis prêt à aller devant le Conseil d’État à l’automne si une telle mesure est reconduite ! J’appelle d’ailleurs à la création d’un collectif breton pour défendre la pêche. » L’élu admet, en parallèle, qu’il est nécessaire d’investir massivement dans la rénovation des infrastructures et annonce un plan de 140 millions d’euros sur sept ports et six criées. Fabrice Loher estime, quant à lui, à 40 ou 50 millions d’euros les investissements nécessaires sur son territoire. En guise de conclusion, Loïg Chesnais-Girard rappelle « que cela fait des années que je demande à l’État de nous transférer cette compétence. Ensemble, nous pourrons trouver des solutions. De toute manière, nous devons risquer notre peau pour sauver la pêche ».

Le rôle de la grande distribution ?

À la tribune, les représentants marée des enseignes Leclerc et Auchan. Tous reconnaissent un changement récent de comportement chez leurs clients : la mode du fait maison née pendant le Covid s’est évaporée, la demande aujourd’hui concerne principalement les plats préparés et le prêt à consommer. Du vite fait et des barquettes. D’ailleurs, la consommation de produits industriels (tous confondus) a augmenté de 62% depuis 2014. « Chez nous, le rayon traiteur de nos poissonneries représente entre 30 et 45 % du chiffre d’affaires », dit Benoît Denni, directeur de Scapmarée E.Leclerc. Et la fermeture du golfe de Gascogne de revenir sur le devant de la scène. « Les clients pensaient qu’il n’y avait plus de poissons, dit Xavier Labergère, responsable Achat Marée chez Auchan. Nous en avons tout de même trouvé, mais trois fois plus cher. » Si l’on en croit les représentants de la grande distribution, les poissonniers ont joué sur leurs marges pour amortir les prix. Mais impossible de concurrencer les produits d’import, peu chers, déjà « portionnés » et faciles à cuisiner.

Le poisson est-il trop cher ?

« Le prix est devenu un facteur déterminant, constate Hélène Keraudren, déléguée générale de France Filière Pêche. Pour preuve, les volumes de saumon et de cabillaud ont chuté respectivement de 24 et 27% depuis 2022. « Le prix est devenu un vrai frein, confirme Ingrid Caro, poissonnière à Paris. Surtout pour les produits français. Nous avons été obligés de nous rabattre sur de la sole hollandaise et du turbot étranger. » Et le directeur de l’organisation de producteurs FROM Sud-Ouest, Julien Lamothe, de souligner que « les prix ont augmenté de 13 % depuis la mi-2023 et d’environ 30 % en trois ans ».

Les Français et le poisson, sondage Ifop 2024

Jérôme Fourquet, directeur de l’institut de sondage Ifop, commente les chiffres de l’étude réalisée en mai 2024 sur les produits de la mer et leur consommation.

« Nos concitoyens apprécient et consomment toutes les semaines du poisson à 57 % et des coquillages et crustacés à 24 %. Ils ne sont que 11 % à manger du poisson seulement une fois par semaine et 4 % à ne jamais en manger. Mais ce qui est plutôt marquant, c’est la nature des produits choisis : crevettes (67 %), thon (66 %), saumon (66 %) et cabillaud (60 %). Les produits d’importation écrasent ceux proposés par la pêche française. Ils sont très présents dans les commerces et coûtent beaucoup moins chers. Et le prix est le premier frein à l’achat de produits français, pour 71% des sondés en 2024, même s’ils sont 81 % à considérer que les produits français sont de meilleure qualité. »