Couverture du journal du 02/12/2024 Le nouveau magazine

Barreau de Lorient : veiller sur l’égalité des droits

Entretien avec Me Alain Le Maguer, bâtonnier 2024-2025 au barreau de Lorient. Un barreau qui compte environ 140 avocats, « nous étions 85 il y a 20 ans ! » rappelle Alain Le Maguer qui a prêté serment en 1984 à Lorient. C'est l'un des neuf barreaux bretons, il s'étend sur une vaste juridiction allant de Pontivy à Auray, Quiberon, et Lorient qui concentre la majorité des avocats. 

Alain LeMaguer ©LM_7J

« Une bonne partie de l’activité de l’Ordre des avocats sert l’organisation de la défense pénale des justiciables. Avec les avocats commis d’office notamment, on s’aide de logiciels de gestion et de planning pour connaître les disponibilités de chacun. Rien que dans la brigade dédiée aux mineurs, on peut compter sur une quarantaine d’avocats. De plus en plus de justiciables morbihannais sollicitent l’aide juridictionnelle. »

Indemnisations des avocats

« Il y a un débat actuellement au niveau de la Chancellerie, sur le montant alloué aux assises. » En toile de fond, le procès des attentats du 13-Novembre, une procédure qui a coûté 50 millions d’euros en aide juridictionnelle. Un total très élevé en raison de la durée de l’audience (149 jours) et du nombre de parties civiles (plus de 2 500).  » On ne peut pas changer la règle à cause d’un procès exceptionnel ! La Chancellerie a pourtant lancé le débat sur la réduction des enveloppes de l’article 92 : l’indemnisation dévolue à l’avocat aux assises, qui peut être d’une journée, cinq jours, voire des semaines pour les dossiers de terrorisme. Bien que ces indemnités soient dégressives, cela semble trop cher pour la Chancellerie. C’est un point sur lequel il faut rester vigilant, il en est de l’accès aux droits à tous justiciables. »

« La présence de l’avocat en garde à vue a aussi changé. » Un plus large accès aux dossiers, la présence possible à toutes les auditions de la personne, dès le début de la garde à vue, « tous les jours il faut des avocats disponibles. Et, dans les affaires de stupéfiant avec plusieurs gardés à vue, il peut y avoir beaucoup d’avocats à devoir intervenir simultanément ».

14 recrutements au TJ de Lorient d’ici à 2027

Aux 25 recrutements à la cour d’appel de Rennes, s’ajoutent quatorze recrutements au sein du tribunal judiciaire de Lorient d’ici à 2027, a annoncé la Chancellerie : six magistrats, quatre greffiers, et quatre attachés de justice. « Ces chiffres peuvent sembler flatteurs, mais cela ne suffira pas, nous sommes les parents pauvres du budget de l’État depuis 20 ans. On est confronté à une pénurie de juges et de greffiers, or les besoins en droit augmentent, les délais de traitements des dossiers et de jugement augmentent. Et si l’amiable a un rôle à jouer, cela ne représente que 10 % des litiges ! Cela ne pourra en aucun cas être la solution de la pénurie de magistrats et de greffiers »

L’IA

« L’IA n’est pas – encore – la solution pour gagner du temps. En revanche, dans nos cabinets, cela se met en place notamment comme support pour trouver les jurisprudences, une aide à la rédaction, même si cela nécessitera toujours le contrôle et le regard du spécialiste. »

La spécialisation des avocats

« Nous sommes de moins en moins généralistes, car les domaines et matières sont de plus en plus complexes, il y a aussi une inflation législative ! »

Le procès Le Scouarnec

« En 2025, l’affaire du médecin Le Scouarnec, mis en examen pour de nombreux faits de viols et agressions sexuelles, se tiendra normalement devant la cour criminelle du Morbihan, ce qui mobilisera de nombreux avocats du ressort et le service public de la Justice. »

Conditions de détention

« Un mouvement national des bâtonniers a eu lieu début avril, pour contrôler les geôles accueillant les prévenus avant le procès dans les palais de justice. Elles sont correctes à Lorient. En revanche, en France, les conditions de détention dans les prisons restent indignes en raison de la surpopulation carcérale dénoncée régulièrement par la profession. C’est le cas de la maison d’arrêt de Ploemeur. C’est un vrai scandale de la république. On ne peut pas accepter, dans une démocratie qui se respecte, d’entasser ainsi des personnes. »

Le droit maritime à Lorient

« Il y a 40 ans, il y avait des saisies de navires toutes les semaines, des requêtes au Tribunal de commerce pour les fournisseurs, les coopératives, des saisies de cargaisons… ce n’est plus le cas : aujourd’hui cela se règle entre compagnies d’assurance internationales (Loyds). »

Le pôle course au large

« Lorient a longtemps été une ville de garnison, la base sous-marine de Keroman faisait vivre plus de 5 000 familles. Fermée dans les années 1990, l’activité s’oriente, depuis, vers la course au large. Écurie de course, équipages de marins, les avocats interviennent aussi auprès d’eux en conseil et en contentieux. »

Lorientais d’origine

Me Alain Le Maguer, 63 ans, a fait son droit à Vannes puis Rennes ; après le CRFPA (Edago). Il prête serment en 1984 devant la cour d’appel de Rennes et s’inscrit au barreau de Lorient, sa ville natale. Intéressé par les affaires ordinales, il est bâtonnier de Lorient une première fois en 1998-1999 ; président de la Carpa pendant dix ans ; président du Conseil régional de discipline en 2015-2016. Il crée son cabinet avec Maitre Rincazaux en 1998, à Lorient, puis le réseau régional Lexouest avec des cabinets d’avocats à Rennes, Vannes et Saint-Brieuc. Avec, aujourd’hui, à Lorient, cinq avocats associés et deux avocates collaboratrices, il développe une activité en contentieux bancaire et commercial, préjudice corporel, droit pénal, droit immobilier et des affaires familiales.