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Dépendance : anticiper sa protection et celle de ses proches

Dans un contexte où la population des pays développés vieillit, que la natalité baisse tandis que l’espérance de vie s’allonge, le sujet du « bien vieillir » est devenu un enjeu sociétal. En 2030, un tiers de la population française aura plus de 60 ans. Avec l'âge, le risque de perte d'autonomie des personnes vieillissantes s'accroît, d’où l’importance d’anticiper sa protection et celle de ses proches. Maître HUPEL-DELAMARRE, membre de la Chambre des notaires d’Ille-et-Vilaine vous informe sur les démarches à suivre.

Maître HUPEL-DELAMARRE, membre de la Chambre des notaires d’Ille-et-Vilaine, vous informe sur les démarches à suivre

Maître HUPEL-DELAMARRE, membre de la Chambre des notaires d’Ille-et-Vilaine, vous informe sur les démarches à suivre

La dépendance de nos ainés est un sujet clé pour notre société. Comment l’expliquez-vous ?

En France, l’âge moyen des personnes en perte d’autonomie est de 83 ans. Environ 8% des plus de 60 ans sont dépendants. Cette tendance devrait continuer à augmenter, au même titre que l’espérance de vie, qui devrait atteindre 86 ans pour les hommes et 91 ans pour les femmes en 2060, selon l’INSEE. Bien sûr, la perte d’autonomie sévère ne touche pas que les personnes âgées ni toute la population. Néanmoins, nous sommes tous concernés par ce fléau individuel car le rallongement de l’espérance de vie en France accentue naturellement le nombre de personnes âgées ayant une altération de leurs facultés mentales et/ou physiques. La vulnérabilité est ainsi un sujet auquel les notaires sont de plus en plus confrontés et contre lequel chacun peut se prémunir.

Quel est le rôle du notaire dans la dépendance ?

Le notaire exerce une activité de conseil auprès des personnes qui souhaitent anticiper leur dépendance. Il tient même un rôle de lanceur d’alerte. En effet, il n’est pas rare d’avoir affaire avec une personne âgée en situation de dépendance dans le cadre de nos dossiers. Lorsque rien n’a été anticipé juridiquement, il arrive que la personne qui avance en âge ne soit plus en mesure de donner un consentement lucide. Il pourrait par exemple manquer de discernement, voire être sous l’emprise d’un tiers. La fragilité d’un senior n’est donc pas à prendre à la légère. En tant qu’officier public ministériel, le notaire sécurise les actes juridiques qu’il dresse. Il doit ainsi faire preuve d’une grande vigilance face aux éventuels signes de faiblesse de son client âgé au moment de la signature d’un acte juridique. Il lui incombe d’identifier des situations à risque en déterminant si un client est apte, ou non, à exprimer sa volonté de façon valable.

Dépendance : de quoi parle-t-on ?

La dépendance, c’est tout simplement la perte d’autonomie, c’est-à-dire l’incapacité d’une personne à effectuer seule les actes de la vie quotidienne sans l’assistance d’autrui. Bien souvent, cette perte d’autonomie est due au vieillissement qui peut entraîner des troubles cognitifs. Plusieurs signes peuvent vous permettre de détecter une perte d’autonomie. Elle survient la plupart du temps progressivement. Cela peut se traduire par une perte de mémoire sur des événements récents, des difficultés à s’exprimer ou à effectuer certaines actions simples…

Le conseil de Maître HUPEL-DELAMARRE
Soyez attentif aux personnes âgées de votre entourage pour déceler les premiers signes d’une perte d’autonomie. L’altération des capacités doit toujours être constatée médicalement. Les proches, le médecin traitant et le notaire ont donc un rôle de lanceur d’alerte.

Quels sont les premiers réflexes à avoir en cas de constat de perte d’autonomie ?

Dès lors que vous constatez les premiers indices de perte d’autonomie de votre parent (verbaux, comportementaux, cognitifs…), le réflexe à avoir est de consulter son médecin traitant. Vous pouvez également vous référer à la grille Autonomie Gérontologique Groupe Iso Ressources (AGGIR) qui permet d’évaluer le niveau de perte d’autonomie d’une personne allant de 1 (totale) à 6 (partielle). Une fois le diagnostic posé, diverses mesures se présentent à vous selon le degré de dépendance, allant du recours à un service d’aide à domicile pour assurer le suivi des tâches quotidiennes, à l’aménagement de son logement afin de faciliter ses déplacements, jusqu’à l’entrée en structure d’accueil pour maintenir un cadre familial. Des aides financières peuvent par ailleurs soulager le coût de l’aide à domicile, notamment l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) pour les personnes dépendantes de plus de 60 ans.
En situation de dépendance, il ne faut pas préserver seulement l’intégrité physique de votre proche. Il faut également protéger son intégrité morale ainsi que ses biens et ressources. Ces mesures lui garantiront une protection vis-à-vis de tiers qui pourraient être mal intentionnés, mais aussi vis-à-vis de lui-même.

Comment protéger juridiquement son parent dépendant ?

Selon le niveau de perte d’autonomie de votre parent, votre notaire saura mettre en place une solution adaptée à sa situation familiale, professionnelle et patrimoniale. Si votre proche est capable d’exprimer sa volonté, mais qu’il rencontre par exemple des difficultés à se déplacer ou à gérer certains aspects de sa vie courante (gestion financière des comptes bancaires…), la procuration au profit d’un proche de confiance permet d’administrer cet aspect. Elle peut viser certains actes juridiques ou être générale. L’intérêt est que le parent conserve toute sa capacité juridique et son pouvoir de contrôle, mais il peut déléguer à un proche de confiance si le besoin s’en fait sentir. Consultez votre notaire qui constatera que votre parent est en pleine possession de ses capacités, et pourra détailler avec vous les aspects de la vie du parent que ce dernier souhaite déléguer.

Le conseil de Maître HUPEL-DELAMARRE
La procuration est un outil très fréquemment utilisé pour son parent avançant en âge. Attention cependant à cesser impérativement d’en faire usage dans le cas où les facultés de votre proche se dégraderaient, sous peine de voir les actes juridiques passés remis en cause. D’autres solutions comme l’habilitation familiale ou une mesure judiciaire de protection seront plus adaptées en fonction du degré de dépendance constaté médicalement.

Dans le cas où votre parent dépendant serait incapable d’exprimer sa volonté et de pourvoir seul à ses intérêts, les mesures nécessitant l’intervention du juge des contentieux de la protection (anciennement juge des tutelles), devront être envisagées. Ces mesures interviennent à partir d’un certain seuil de gravité dans l’état de la personne dépendante.
La curatelle sera proposée à votre proche qui a besoin d’une assistance et une surveillance continue dans les actes de la vie courante, mais qui conserve un certain degré d’autonomie et une capacité à agir elle-même. Cette mesure d’assistance peut être simple ou renforcée en fonction du degré d’autonomie du parent. Vous pourrez y avoir recours par exemple si votre parent est atteint de la maladie d’Alzheimer à un stade peu avancé.

Si la maladie évolue, et que votre parent venait à perdre toute autonomie sur le plan intellectuel, alors il faudra envisager de mettre en place une tutelle. C’est le tuteur qui agira seul pour les actes de la vie courante de votre proche. Il percevra les revenus, paiera les factures ou encore, conclura un bail d’habitation. Il pourra par ailleurs intervenir pour des actes plus graves comme l’ouverture ou la fermeture d’un compte bancaire, avec l’autorisation du juge.

Notez que la tutelle et la curatelle sont des mesures très encadrées par le Code civil.  Si vous évoluez dans un contexte familial favorable et bienveillant, l’habilitation familiale pourrait vous correspondre. Plus souple, sa mise en place nécessite un consensus familial. La personne habilitée est forcément un membre de la famille restreinte, c’est-à-dire ascendant, descendant, sœur, frère, conjoint, partenaire ou concubin. Les pouvoirs qui sont conférés au mandataire peuvent être plus grands que dans le cadre d’une tutelle ou curatelle. Vous n’aurez pas non plus à rendre au juge de compte annuel automatique sur la gestion qui est faite des biens de votre parent protégé à la différence des deux autres mesures.

Pourquoi anticiper sa propre dépendance ?

On croit souvent que ça n’arrive qu’aux autres, mais pourtant, la dépendance peut survenir à tout âge, à la suite d’un accident de la vie ou d’une maladie. Le mandat de protection future est un contrat conclu au moment où vous êtes en pleine possession de vos moyens. Vous allez alors prévoir qui vous représentera en cas d’accident, de vieillissement, ou tout événement susceptible d’altérer vos capacités physiques et mentales, et qui vous empêcherait d’exprimer votre volonté. Ce mandat vous permettra d’organiser votre protection et celle de vos biens en décidant à l’avance par qui, comment et dans quelles conditions cette représentation aura lieu.
Le mandat de protection peut être réalisé sous seing privé, mais mieux vaut opter pour un acte notarié qui permettra une plus grande souplesse et des dispositions prises en fonction de votre situation familiale et patrimoniale. Il sera également conservé chez votre notaire et ne pourra pas être remis en cause concernant votre état de santé au moment de la signature. Enfin, en cas d’altération de vos capacités, ce mandat pourra être activé très rapidement auprès du greffe du tribunal en présentant sa copie ainsi qu’un certificat médical. Pas d’inquiétude toutefois, il vous est tout à fait possible de révoquer ou de modifier ce mandat tant qu’il n’a pas pris effet.

Bon à savoir
Le mandat de protection future est un excellent outil pour les entrepreneurs. Pour assurer la pérennité de votre entreprise, mieux vaut désigner à l’avance un ou plusieurs mandataires qui seront chargés de votre protection, mais également de la gestion de votre patrimoine professionnel. S’il devait vous arriver quelque choses, la bonne gestion de votre entreprise de pourrait attendre. Elle requiert fréquemment l’établissement d’actes de disposition (ventes d’éléments d’exploitation, nantissement, renouvellement de bail commercial…). La forme notariée du mandat est donc recommandée car seul l’acte authentique est d’application immédiate et confère des pouvoirs élargis, mais contrôlés permettant d’atteindre ces objectifs.