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DOSSIER. Entretien avec le collectif vannetais WAAI : « La décision finale ne doit jamais reposer sur l’IA »

L’intelligence artificielle existe depuis de nombreuses années mais elle se déploie aujourd’hui de manière fulgurante et massive tant dans les activités professionnelles, tous secteurs confondus, que dans le grand public. L’IA générative est un outil formidable, à condition d’en maîtriser l’usage. Stéphane Buthaud et Bénédicte Lanfrey, du collectif vannetais WAAI, spécialisés en formation et sensibilisation à l'IA en entreprise, donnent des pistes pour comprendre en quoi l’IA peut-être utile en milieu professionnel.

Bénédicte Lanfrey et Stéphane Buthaud du collectif vannetais WAAi

Bénédicte Lanfrey et Stéphane Buthaud du collectif vannetais WAAi ©DR

L’intelligence artificielle semble être un phénomène nouveau mais elle est déjà partout, semble-t-il ?

Stéphane Buthaud. Oui, on connaît Chat GPT depuis le mois de novembre 2022 mais l’Intelligence artificielle existe depuis les années 1950. Depuis elle n’a cessé de se développer et de s’améliorer. Aujourd’hui il y en a partout et on n’en a pas toujours conscience. Chat GPT n’en est que la face la plus visible.

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Bénédicte Lanfrey. Pour ma part, spécialiste du marketing et du e-commerce, j’ai réalisé très tôt, surtout par curiosité, des tests de Chat GPT. C’est un partenaire de langage complètement fou ! C’est un outil parfaitement complémentaire et qui s’avère très impactant.

Avec quel degré de maturité les entreprises s’emparent-elles de cette technologie ?

S. B. On estime qu’environ un salarié sur deux utilise l’IA générative de sa propre initiative. Mais dans les entreprises ce n’est pas encore employé en masse. Dans l’histoire des innovations, il est d’ailleurs très rare que les salariés soient équipés avant les managers. Les entrepreneurs, quant à eux, ont conscience qu’il se passe quelque chose de très innovant mais ne ressentent pas l’urgence de s’en emparer. Peut-être ne voient-ils pas bien encore les opportunités que cela représente ? Je crois qu’ils ont besoin d’être éclairés, surtout en ce moment où on fait beaucoup de « bruits » autour de l’IA. Quoi qu’il en soit pour la plupart des dirigeants et des managers, la question n’est pas de savoir si on y va, mais quand.

B. L. Je compare souvent l’IA générative au logiciel Excel. C’est un outil qui a mis du temps à se généraliser dans les entreprises pour, aujourd’hui, être omniprésent. C’est aussi comparable en termes d’usage. Tout le monde sait faire une addition sous Excel, tandis que peu d’utilisateurs savent produire des choses ultra-complexes et vraiment utiles. Aujourd’hui, on joue encore à Chat GPT et c’est certainement pour cela que l’on constate une utilisation en grande partie individuelle. Mais c’est ainsi que les gens découvrent comment s’en servir, un peu à tâtons…

« On estime qu’environ un salarié sur deux utilise l’IA générative de sa propre initiative. »- Stéphane Buthaud

L’utilisation de l’IA n’est donc pas si intuitive qu’il y paraît ?

B. L. Effectivement, l’IA exige une vraie finesse de langage que les nouveaux utilisateurs ne possèdent pas toujours, ou pas encore. Être clair dans son besoin, utiliser une bonne syntaxe et un langage précis présente donc un avantage certain.

S. B. Si on s’en sert comme Google, avec seulement des mots-clés, c’est une expérience qui peut être très fortement déceptive. Les personnes « jeunes » s’en servent naturellement au quotidien mais souvent d’une manière assez « rudimentaire ». Une pratique qui génère un assez grand nombre d’erreurs…

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Les « vieux » ne seraient donc pas désavantagés par cette technologie ?

S. B. Mais pas du tout, il faut absolument démythifier ce cliché. Les personnes qui ont beaucoup d’expérience ont beaucoup d’atouts qui leur permettent notamment de formuler des « prompts » (la demande faite à l’IA, ndlr) d’une grande qualité, notamment avec un langage clair, un contexte précis, une intention, un ordre logique…

B. L. L’IA n’est pas une question de génération même si la nouveauté attire d’abord les plus jeunes. L’IA est d’une certaine manière magique sur des sujets complexes, à condition d’expliciter clairement les choses. Quand on sait interagir et choisir la bonne IA pour le bon usage, c’est un Sparring-Partner de travail impressionnant.

« L’IA n’est pas une question de génération même si la nouveauté attire d’abord les plus jeunes. »- Bénédicte Lanfray

C’est donc un outil pour « l’homme augmenté » ?

B. L. Souvent l’IA est présentée seulement comme un assistant virtuel qui nous fait gagner du temps. Mais c’est bien plus que cela. C’est aussi un coach qui nous challenge, un associé qui nous aide à l’analyse, une muse qui nous aide à créer sans souffrir du syndrome de la page blanche. On peut devenir un meilleur pro avec l’IA.

S. B. Nous avons aujourd’hui compris que l’IA n’est plus une option. Elle est là pour nous aider et non pour nous remplacer. Il va donc falloir s’assurer que les hommes ont envie de coopérer. N’ayons pas peur !

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Mais elle fait encore beaucoup d’erreurs. Comment s’en prémunir ?

B. L. Effectivement, cela nous oblige à rester concentrés et évaluer le résultat à l’aune de notre expérience. Nous sommes plus dans le contrôle que dans la production ex nihilo. La décision finale ne doit jamais reposer sur l’IA.

S. B. En passant d’une société du logiciel à celle de l’IA, notre rôle décisionnel est encore accru. C’est à nous, par exemple, de savoir si une production est légale ou non ! Son usage doit être encadré pour éviter toute tentative de manipulation. C’est la raison pour laquelle, l’emploi de l’IA doit être signalé, notamment pour la publication d’informations.