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DOSSIER. Entretien avec Cyril de Sousa Cardoso, fondateur de Polaria : « La Bretagne à la pointe » en matière d’IA

Alors que l’intelligence artificielle (IA) bouleverse les modèles économiques et industriels, la Bretagne s’affirme comme un territoire clé de cette révolution technologique. Cyril de Sousa Cardoso, fondateur de Polaria, groupe implanté à Brest (29), joue un rôle central dans cet écosystème en accompagnant les organisations dans leur stratégie IA. Présent à Rennes (35) le 22 janvier 2025 lors des voeux du barreau, il nous éclaire sur les grands enjeux de l'IA.

Cyril de Sousa Cardoso, fondateur de Polaria

Cyril de Sousa Cardoso, fondateur de Polaria ©7Jours/Bruneau

L’IA en Bretagne : un territoire à la pointe

Malgré l’absence de pure players spécialisés en IA, la Bretagne s’impose comme un territoire innovant. « On peut même dire qu’elle est à la pointe, notamment dans certains secteurs comme l’industrie, les télécommunications ou la marine », analyse Cyril de Sousa Cardoso. Des événements comme les AI Days, organisés à Brest par La French Tech Brest Bretagne Ouest et le Technopôle Brest-Iroise, mettent en lumière les initiatives locales. Ces journées permettent de sensibiliser, d’informer et de donner des clés concrètes aux entreprises pour s’approprier l’IA, tout en valorisant les acteurs régionaux.

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Une révolution aux multiples croisements

Pour l’économie bretonne, et au-delà, le croisement de l’IA avec les domaines classiques, comme les biotechnologies, la robotique ou encore la médecine, est un enjeu. Cyril da Sousa Cardoso souligne également l’importance des synergies, par exemple entre l’IA et la blockchain, ou encore les perspectives qu’ouvrira l’ordinateur quantique d’ici 2030. Ce dernier, capable d’explorer plusieurs solutions simultanément grâce aux qubits, représente une avancée majeure.

Cyril de Sousa Cardoso prône une approche « consciencieuse et joyeuse » de l’IA, qui représente une révolution industrielle d’une ampleur inédite : « On n’a jamais vu une vague technologique se diffuser aussi vite, cela va plus vite que l’informatique ou le smartphone. »

Selon le spécialiste, en seulement deux ans, l’adoption de l’IA par les professionnels est passée de 1 % en 2022 à près de 25 % aujourd’hui.

Pour les PME, Cyril de Sousa Cardoso voit une opportunité majeure : « Elles sont très agiles, avec une possibilité de passage à l’échelle très forte. Les ETI, quant à elles, doivent intégrer l’IA au cœur de leur chaîne de valeur. » Mais il insiste : « Il est urgent de s’emparer de l’intelligence artificielle pour les organisations, mais sans se précipiter. L’outil doit être au service de la valeur ajoutée. »

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L’Europe face à l’enjeu de l’IA

Dans un contexte mondial dominé par les investissements colossaux des États-Unis, l’Europe doit faire preuve « d’un réveil technologique et ne doit pas être qu’un territoire réglementaire. Elle doit créer et innover. On est, par exemple, totalement passé à côté des réseaux sociaux. »

L’IA soulève des questions majeures en termes d’impact environnemental, notamment en raison de la forte consommation énergétique des serveurs nécessaires à son fonctionnement.

« L’Europe, préoccupée par les questions d’éthique et d’impact écologique, doit néanmoins trouver un équilibre pour ne pas sacrifier l’innovation », tranche l’expert.

IA Act

L’IA Act est une réglementation européenne qui encadre l’utilisation de l’IA. « Le texte ne vise pas à régler la question de la responsabilité, mais à poser des règles pour les entreprises afin d’éviter un préjudice », introduit Victor Jourdren, doctorant et juriste chez Polaria. Entré en vigueur en 2024, l’application du texte va s’échelonner jusqu’en 2027.

Victor Jourdren, doctorant et juriste chez Polaria

Victor Jourdren, doctorant et juriste chez Polaria ©7Jours/Bruneau

L’IA Act classe les systèmes d’IA en fonction de leur niveau de risque :

Risque inacceptable : certaines applications sont interdites, comme la notation sociale basée sur le comportement ou le ciblage de personnes vulnérables.

Risque élevé : ces systèmes sont soumis à des obligations strictes et visent les IA qui pourraient entraîner des risques graves pour les personnes ou qui seraient utilisées dans des domaines sensibles tels que la justice, la régulation des frontières, l’enseignement…

Risque en matière de transparence : des exigences de transparence s’appliquent. Risque minimal : peu ou pas de réglementation.

Un autre volet du texte concerne les modèles d’IA. En cas de non-respect, les amendes peuvent atteindre 7% du chiffre d’affaires annuel d’une entreprise ou un montant minimum de 35 millions d’euros pour les infractions les plus graves. Le juriste se veut rassurant : « Pour les entreprises qui ne relèvent pas des modèles et du risque élevé, seule l’obligation de transparence s’applique. La charge ne sera pas si lourde. »

L’avenir de l’IA : entre éthique et pragmatisme

Alors que les États-Unis de Trump avancent sans trop se soucier d’éthique ou d’empreinte écologique, l’Europe cherche sa voie. Cyril de Sousa Cardoso rappelle : « L’innovation ne doit pas être sacrifiée, mais elle doit toujours être orientée vers la création de valeur. »

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Le groupe Polaria

Depuis sa création en 2023, le groupe Polaria, dirigé par Cyril de Sousa Cardoso, s’est imposé dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) générative et conversationnelle. Avec un chiffre d’affaires d’environ 1,5 million d’euros, quatorze salariés et une communauté de 40 experts, Polaria collabore avec des clients tels qu’Adidas, Michael Page ou encore l’armée.

Polaria Tech, née de la fusion avec Xenoapp (Vannes), est un éditeur de solutions IAaaS (Intelligence Artificielle as a Service)

GorIA, nouvelle filiale issue d’une joint-venture avec 6TM, spécialiste de la transformation numérique basé à Rennes (8 millions de chiffre d’affaires, une centaine de salariés), vise à démocratiser l’usage de l’IA dans les entreprises en offrant des solutions sur mesure.

Le groupe Polaria s’investit également dans la recherche et le développement grâce à la chaire Managia, en partenariat avec l’Isen Brest, l’école de design Strate, la CCI Finistère, le groupe Asten et le groupe Even.