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ENTRETIEN. Entreprise : comment éviter le risque routier ?

Le risque routier est la deuxième cause de mortalité au travail. Selon les données les plus récentes, 485 personnes sont décédées en France lors d'un déplacement lié au travail en 2022, à la fois lors des trajets domicile-travail (75 %) et lors de déplacements professionnels (25 %). Au-delà de ces cas tragiques, le risque de contentieux routier, accentué par l'obligation de désignation du conducteur, est une réalité incontournable pour les entreprises gérant des flottes de véhicules. Une approche combinant prévention et gestion est essentielle pour minimiser ce risque et protéger les salariés. Tour d’horizon avec Maître Adrien Pujol, avocat à Rennes.

Me Adrien Pujol dans son cabinet rue de Redon à Rennes

Me Adrien Pujol dans son cabinet rue de Redon à Rennes ©SB_7Jours

Quels documents un employeur peut-il demander ?

Adrien Pujol. Il peut exiger un permis de conduire valide si la mission de travail concernée en nécessite un. Cela peut être une clause du contrat de travail. En revanche, il est interdit de solliciter, de son employé, le relevé d’information intégral, l’historique du permis de conduire et d’éventuelles infractions. Autrement dit, dans le cadre de l’utilisation de son véhicule personnel pour des déplacements professionnels, l’employeur peut demander si le contrôle technique est bien à jour réalisé mais il n’y a aucune obligation de le fournir, ainsi que l’assurance couvrant spécifiquement l’usage professionnel du véhicule personnel. À ce titre, il existe des contrats dits « assurance-mission » qui permettent directement à l’employeur de s’acquitter de sa part en matière d’assurance pour l’usage professionnel.

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Les principaux risques pour les flottes d’entreprise ?

A. P. Les infractions routières courantes : excès de vitesse, conduite sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, non-respect des temps de conduite et de repos (code du transport, défaut d’entretien des véhicules). En cas d’accidents de la route, l’entreprise peut être tenue pour responsable en cas de manquements à ses obligations de sécurité. Les impacts sur l’entreprise peuvent être multiples : amendes et frais de justice, augmentation des primes d’assurance, temps consacré à la gestion des contentieux, risques pour l’image de l’entreprise.

Un véhicule d’entreprise peut-il être saisi par la police en cas d’infraction ?

A. P. Seulement en cas de faute caractérisée de la personne morale elle-même, ou lorsque celle-ci sera jugée de mauvaise foi (notion fluctuante en jurisprudence pénale) et consciente des infractions commises en son nom par le conducteur.

Quel est le principe de désignation du conducteur ?

A. P. Depuis 2017, le Code de la route impose une obligation de désignation du conducteur pour les personnes morales propriétaires de véhicules. 45 jours après la réception de l’avis d’infraction, l’employeur est obligé de désigner le conducteur. Le représentant légal peut s’auto-désigner s’il était lui-même le conducteur. Il est conseillé de tenir un tableau de bord de la flotte avec le nom des conducteurs, voire de créer la possibilité d’une réservation numérique des véhicules. Après la désignation, le salarié en question reçoit l’amende et dispose de 45 jours pour payer ou contester. En cas de contestation, il faut apporter la preuve devant le tribunal de police. Évidemment, ce principe peut poser des cas moraux aux chefs d’entreprise. Mais ils n’ont rien à gagner à refuser de désigner. Le non-respect de cette obligation entraîne une amende de 1 875 euros par infraction non-dénoncée pour la personne morale et 675 euros pour la personne physique par infraction supplémentaire.

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Quelles peuvent être les procédures en matière de droit routier ?

A. P. Suspension du permis par voie administrative sous l’autorité du préfet, comparution devant le tribunal correctionnel, ou des procédures rapides telles que la CRPC, la composition pénale ou l’ordonnance pénale délictuelle (procédure non contradictoire, sans audience, un jugement automatisé pris sur réquisition du procureur). Il convient donc parfois de défendre ses droits et ses chances face à l’appareil judiciaire.

Quels conseils donner aux entreprises pour prévenir et gérer le risque ?

A. P. Assurer un entretien régulier des véhicules mis à disposition, véhicules de location compris. La flotte de véhicule fait partie de l’entreprise au même titre que la masse salariale. Il est possible de tenir un tableau de bord des dates de contrôles techniques. Il faut sensibiliser aux risques spécifiques liés à la conduite professionnelle, tels que la somnolence. Je conseille d’établir une procédure claire pour la désignation rapide des conducteurs, de former le personnel administratif à la gestion des avis de contravention et mettre en place un suivi rigoureux des délais de désignation.

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Et aux salariés ?

A. P. Connaître son solde de points – depuis 2023, il est consultable en ligne via Mes Points Permis ; limiter sa vitesse ; respecter les temps de pause – la fatigue multiplie le risque d’accident par six. Ne pas consommer d’alcool ni de stupéfiants.

Appel national des employeurs en faveur de la sécurité routière

En Ille-et-Vilaine, 54 employeurs l’ont déjà signé : le CHU de Rennes, Samsic, groupe Pigeon, Tourny Meyer, Cerfrance Brocéliande, Convivio, etc.

En Morbihan : Baxter, Kerpape, Venetis, Transport Gicquel.

Et aussi : groupe Even, Crédit Mutuel Arkéa, etc.