Protéger la mer : un vaste sujet qui n’est pas nouveau. Mais dans un nouveau contexte géostratégique, cet espace de flux commerciaux prend une dimension particulière, notamment quand entre 80 % et 90 % de tout ce que l’on consomme au quotidien passe par la mer. « C’est vrai à Saint-Malo, à Brest, à Boulogne, mais c’est aussi vrai à Strasbourg à Saint-Étienne ou Lyon. Il y a une impérieuse nécessité de devoir protéger ces flux maritimes », évoquait ainsi l’amiral Bernard Rogel, ex-chef d’État major particulier du président de la République, lors du Forum économique breton.
La nouvelle « ruée vers l’or »
Les flux maritimes ont quadruplé en près de 40 ans. Le monde s’est structuré dans les 30 dernières années comme un grand marché unique, structuré notamment autour de l’espace maritime. « En comparaison, la petite sœur de la mondialisation est la maritimisation du monde. » La mer est un enjeu majeur aujourd’hui en termes de sécurité des approvisionnements, mais aussi un espace de nouvelles frontières. « Il y a presque aujourd’hui une image de « ruée vers l’or » », selon l’amiral.
Un espace sur lequel pèsent des menaces. Car la mer, c’est avant tout un espace à protéger, notamment en matière environnementale. « Je suis très heureux que la France ait pris un rôle de leader sur le sujet. Les gens ont compris aujourd’hui que la mer est le deuxième poumon de notre planète avec les forêts équatoriales. »
Dans un autre registre, car la compétition est accrue pour les zones maritimes, pour des raisons stratégiques. D’où le développement de technologies. Ce nouveau paradigme géostratégique se caractérise par le retour des stratégies de puissance/de force avec comme conséquence sur la mer un réarmement naval d’ampleur (de nouvelles flottes plus modernes, puissantes). Les sous-marins prennent une part importante de ce réarmement. « Aujourd’hui, il y a plus de 500 sous-marins modernes dans le monde, répartis dans 40 pays. » Mais aussi par la fulgurance de la technologie et sa démocratisation (drones, missiles balistiques de nouvelles générations…).
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Attirer les talents
La problématique de ressources humaines est le principal enjeu à la fois dans l’industrie et dans la marine nationale. « Ce sont des métiers passionnants mais contraignants, un métier qui va à l’envers des tendances sociétales. En revanche, ce qui est attirant pour les candidats, c’est la mise à disposition de technologies pointues ; l’esprit d’équipe, du collectif, se mettre au service des autres. » Idem pour les métiers industriels : « Il y a quelques années, quand on proposait à de jeunes de travailler pour l’industrie de la Défense, ce n’était pas attractif. La France a beaucoup souffert de perte de compétences industrielles, l’industrie a mauvaise image. » Tout cela est en train de changer, l’industrie de Défense est maintenant un secteur qui redevient attractif selon Pierre-Éric Pommellet, PDG de Naval Group. « Il y a toujours du travail d’explications, mais les gens se rendent compte de l’importance de ces secteurs : la nécessité pour la protection de la mer et de la sécurité. »
Naval Group en chiffres
Naval Group, c’est un peu plus de 16 000 personnes, 90 % de sous-traitants en France 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires générés par an. C’est aussi un acteur économique important en Bretagne, avec plus de 5 000 emplois directs. À Lorient, le chantier de Naval Group permet la fabrication de deux frégates (bateaux de guerre) par an. Et le chantier de Cherbourg, la livraison, en deux ans, de deux sous-marins nucléaires d’attaque. « En livrer un par an, il n’y a pas beaucoup de nations capables de le faire. »
« La Marine Nationale est notre premier client, et de nombreuses Marines alliées de la France qui ont des accords de Défense, à qui nous vendons ces systèmes d’armes évoluées. Mis à part la France, nous avons vendu des sous-marins à la Malaisie, au Chili, au Brésil et à l’Inde. Mais nous avons plus d’une dizaine de campagnes actives. » Alors que les industriels n’ont pas le droit légalement de vendre un système d’armes, (sauf exception), « chaque fois que nous vendons, c’est une exception de l’État », termine Pierre-Éric Pommelet.