Quelle est la mission d’ID4Mobility ?
Notre ambition est claire : impacter positivement les mobilités terrestres futures en facilitant la réalisation de projets innovants, aussi bien des véhicules que des composants, et des infrastructures et services. Notre cluster a émergé du secteur automobile, puis il s’est étendu à tous les aspects de la mobilité terrestre (ferroviaire, logistique, etc.), avec une répartition équilibrée entre les activités liées aux véhicules et celles liées aux services et infrastructures.
Précision importante : nous ne définissons pas ce qu’est la mobilité de demain, mais nous aidons les porteurs de projets. Le pôle n’est pas un think tank, mais un do tank. Nous sommes des « faisous ». C’est aux pouvoirs publics de choisir les meilleures solutions. Nous pouvons amener de l’expertise, tel que nous le faisons au sein de l’Agence de l’innovation pour les transports, qui fait le lien entre le ministère des Transports et les acteurs de l’innovation, mais, encore une fois, nous ne faisons pas de choix. D’autant plus que le sujet est bien trop complexe pour y apporter une réponse unique.
Le pôle n’est pas un think tank, mais un do tank.
Quelle est l’organisation du pôle et son budget ?
L’organisation repose sur quinze salariés répartis sur quatre sites – Rennes, Nantes, Poitiers et Le Mans. Son conseil d’administration, composé de 30 entités représentées, dont 20 entreprises et 10 structures de l’enseignement supérieur, est présidé depuis 2018 par Vincent Chaillou, ancien directeur général d’ESI Group.
=> Avec un réseau de 480 membres, dont 400 entreprises, principalement des PME, le pôle bénéficie d’une solide assise dans le tissu économique.
Parmi les membres figurent de grands noms tels que Stellantis, Gruau, SNCF, Manitou, Fenwick, Claas Tractor et Arcade Cycles. 150 membres sont bretons. Nous comptons aussi 30 laboratoires affiliés aux écoles et universités. Ce qui distingue le pôle, c’est sa philosophie de la collaboration et de l’open innovation.
Notre seul militantisme : la coopération est la clé pour trouver la solution. Notre budget de 1,5 million d’euros est alimenté à 50 % de fonds publics, provenant de l’État, de la Région et de deux métropoles : Rennes et Le Mans. Les 50 % restants sont financés par les cotisations des membres et les rémunérations du pôle pour des missions spéciales.
Sur quels types de projets planchez-vous ?
La filière vélo de l’aire de Rennes Métropole, par exemple, qui doit franchir des montagnes rapidement pour se développer et rivaliser avec les compétiteurs asiatiques. Alors que le marché connaît une croissance absolue, la part modale du vélo en France peine à suivre.
La France a perdu une partie de son savoir-faire. ID4Mobility a soutenu Cygo, l’union des entreprises du Cycle Grand Ouest, qui matérialise la volonté de coopération des acteurs économiques du vélo du Grand Ouest. En Bretagne, des entreprises comme Velox, implantée à La Guerche-de-Bretagne, représentent l’espoir. (Velox est spécialisée dans l’assemblage de roue de vélo, jusqu’à 150 000 roues par an, ndlr).
La filière défense ?
ID4Mobility, avec SATT Ouest Valorisation, soutient le cluster ligérien Pilote qui collecte tous les projets susceptibles d’intéresser la sphère de la Défense, en collaboration avec l’Agence de l’innovation de défense (AID). Cela peut concerner le développement de véhicules terrestres émergents.
Le ferroviaire ?
Nous accompagnons des projets de systèmes de maintenance prédictifs, des outils de gestion et de planification ; des systèmes de sécurité, de détection automatisée de problèmes.
Vous parlez de mobilité off road, de quoi s’agit-il ?
Le machinisme agricole, par exemple, qui connaît des innovations telles que ManuRob, développé par le groupe M-Extend (siège à Acigné, en Ille-et-Vilaine, ndlr), premier robot de manutention agricole entièrement électrique et polyvalent.
Dans le domaine des travaux publics, se développent des engins à l’hydrogène et des fonctions d’automatisation. Nous travaillons avec Manitou. Une autre perspective pour la mobilité off-road est l’émergence de drones terrestres pour explorer des environnements complexes.
Enfin, la marche à pied, souvent sous-estimée, reste pourtant le premier ou deuxième mode de déplacement en France en termes de nombre de trajets. Là-dessus, nous soutenons des projets comme Open Marchabilité, en collaboration avec Someware, jeune pousse rennaise qui conçoit des outils numériques au service de l’accessibilité et de la marchabilité des villes.
En matière d’innovation, la culture dévore la stratégie.
Quels blocages rencontrent les projets ?
Des blocages juridiques : la phase réglementaire nécessaire pour lancer de nouveaux moteurs ou véhicules peut être coûteuse. Parfois, c’est même la réglementation qui n’est pas adaptée. De même, obtenir les autorisations pour mener des expérimentations sur l’espace public peut être complexe. Depuis cinq ans, il y a une levée progressive des carcans réglementaires, sans pour autant faire n’importe quoi, car le risque d’accident est réel.
Sur le plan financier, l’innovation industrielle nécessite d’importants investissements, ce qui peut poser problème dans un contexte où les fonds d’investissement sont plus enclins à financer des entreprises axées sur le numérique, que sur les objets. Il y a un effet ciseau : les dirigeants n’ont plus accès à l’endettement et n’ont plus de carburant pour passer les étapes suivantes. Donc, depuis 2023, des start-up crament plus vite. Le pôle enregistre un surplus de 30 % de désadhésions, liées à des procédures collectives.
Face à l’innovation, vous distinguez trois catégories d’entreprises.
Envisager l’ »après-demain » requiert une approche complexe et des ressources considérables. D’ailleurs, certaines entreprises n’ont pas de démarche innovation à moyen terme. Il est dit que la culture dévore la stratégie. C’est particulièrement vrai en innovation. Les entreprises les plus dynamiques sont celles qui intègrent cette culture dans leur ADN.
Parmi les acteurs clés figurent les leaders, ceux qui font de l’innovation leur priorité absolue. Qu’il s’agisse de start-up, de PME innovantes ou de groupes d’innovation au sein de grandes entreprises, leur succès dépend étroitement de leur capacité à innover. Ils peuvent rencontrer des obstacles, notamment en matière de financement. D’autres adoptent une approche plus prudente. Ces « conscients » pèsent les risques avant de s’engager. Enfin, il y a ceux qui font de la veille, pour rester connectés.
La Chine a pris une nette avance dans le domaine de l’électrique.
Vous êtes également partie prenante de projets européens ?
Parmi les initiatives européennes, le projet Tangeante développe une infrastructure numérique permettant de gérer les mobilités en milieu urbain. Nous pilotons les sites d’expérimentation de Manchester, Athène, Lisbonne, Rennes.
Parmi les autres projets, celui sur la logistique du dernier kilomètre, sur lequel nous travaillons avec FlexiModal, basé à Cesson-Sévigné, qui conçoit des solutions de cyclologistique.
Et le reste du monde ?
L’Europe affiche une trajectoire de décarbonation très forte, se positionnant dans la compétition de l’économie verte. Sur le plan réglementaire, elle se distingue par une impulsion que l’on ne retrouve pas sur d’autres continents. En innovation pure, l’Europe doit faire face à une concurrence acharnée.
La Chine a pris une nette avance dans le domaine de l’électrique. De même, les États-Unis se distinguent dans la digitalisation, avec des initiatives telles que les tests de taxis autonomes à San Francisco, même si des dysfonctionnements ont été constatés.
Bonus
Un mot sur votre parcours ?
J’occupais le poste de responsable programme chez un équipementier automobile, avant de rejoindre ID4Mobility (à l’époque ID4Car) en 2007, un des premiers recrutés, j’étais chargé des projets innovants. Puis, j’ai codirigé le pôle et pris la direction d’Excelcar (cocréé par le pôle, Excelcar est un fablab industriel installé à La Janais, ndlr) . En 2015, l’ancienne directrice et le conseil d’administration m’ont proposé la direction générale.
Un lieu ? J’aime tellement la nouveauté, que c’est le prochain que je vais découvrir.
Un film, une musique, un livre ? J’écoute des podcasts sur des thèmes comme la géostratégie, les rapports de force en économie, l’innovation… Thinkerview, Sismique, par exemple. J’aime aussi les biographies. Oppenheimer, j’ai adoré, car on voit bien l’influence de l’intime sur la vie professionnelle ; tout comme la biographie de Steve Jobs écrite par Walter Isaacson, où le journaliste vagabonde entre la sphère personnelle et professionnelle.
Un mantra ? « Ça va le faire ! » Il faut être optimiste dans l’innovation. Je crois en la capacité de surmonter les défis, sans pour autant verser dans un optimisme aveugle.
Une personne inspirante ? Je n’ai pas d’idole. J’admire le mental de gagnant de Michael Jordan, mais je trouve également de l’inspiration dans les parcours de ceux qui m’entourent. Chaque trajectoire m’intéresse. Ce que j’aime, c’est la rencontre.
Forum Mobilités Transitions à Rennes, seconde édition
Le 2 juillet, au Couvent des Jacobins, ID4Mobility propose un programme autour des enjeux de la mobilité terrestre. La première édition avait réuni 700 visiteurs et 60 exposants. Cette année, une cinquantaine d’exposants, 15 conférences, 20 démonstrations de véhicules innovants et des ateliers animeront la journée. Programme : forum-mobilites-transitions.fr