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La loi Climat et Résilience : enjeux et outils

La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 s’inscrit dans un contexte d’urgence climatique. Deux objectifs ressortent de la loi « Climat et Résilience », la réduction des émissions de gaz à effet de serre mais aussi la résilience, l’adaptation, l’accompagnement. La loi s’est inspirée des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, rédigées par 150 citoyens tirés au sort. Elle consacre au sein de son titre V « Se loger » deux chapitres dédiés à la rénovation thermique des bâtiments et à la réduction de la consommation d’énergie.

Maîtres Aurélie Grenard, Nadia Chekkat, Béatrice Bobet, avocats au barreau de Rennes et Madame Emilie Guillaume, élève-avocat, climat

Maîtres Aurélie Grenard, Nadia Chekkat, Béatrice Bobet, avocats au barreau de Rennes et Madame Emilie Guillaume, élève-avocat ©DR

En matière de copropriété

La loi Climat et Résilience modifie la définition du Diagnostic de Performance Energétique (DPE) et renforce son opposabilité.

Elle rend également obligatoire dans certains cas l’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux aux fins d’économies d’énergie qui sera remis à l’acquéreur lors de la signature de la promesse de vente.

Aucune sanction expresse n’est prévue à défaut d’élaboration d’un projet de plan pluriannuel. Toutefois, dès lors que cette élaboration constitue une obligation pesant sur le syndicat de copropriété, sa responsabilité pourrait être recherchée par un copropriétaire bailleur qui n’aurait par exemple pas la possibilité d’augmenter ses loyers ou de mettre son bien en location faute de travaux d’isolation sur les parties communes.

La loi crée quelques retouches au contenu du Diagnostic Technique Global qui devra comprendre notamment un état technique de l’immeuble et faire apparaitre une évaluation sommaire du coût et une liste des travaux nécessaires à la :

  • Conservation de l’immeuble ;
  • Préservation de la santé et de la sécurité des occupants ;
  • Réalisation d’économies d’énergie.

À compter du 1er janvier 2023, l’obligation de constituer un fonds travaux s’appliquera à toutes les copropriétés de plus de 10 ans sans dispense.

Ce fonds est destiné à faire face aux dépenses résultant :

  • De l’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux et, le cas échéant, du diagnostic technique global,
  • De la réalisation des travaux prévus dans le plan pluriannuel de travaux adopté par l’assemblée générale,
  • Des travaux décidés par le syndic en cas d’urgence,
  • Des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité́ des occupants et à la réalisation d’économies d’énergie, non prévus dans le plan pluriannuel de travaux.

Désormais les sommes versées au titre du fonds de travaux sont attachées aux lots et entrent donc définitivement dans le patrimoine du syndicat de copropriété. Elles ne donnent donc plus lieu à remboursement par le syndicat de copropriété à l’occasion de la cession d’un lot.

En matière de vente et de location

À compter du 1er janvier 2022 pour les logements qui appartiennent à la classe F ou à la classe G, du 1er janvier 2025 pour les logements qui appartiennent à la classe E et du 1er janvier 2034 pour les logements qui appartiennent à la classe D, lors de la vente d’un ou plusieurs logements non soumis au statut de la copropriété, un audit énergétique devra être réalisé et annexé à la promesse de vente au côté du DPE et, à défaut, à l’acte authentique de vente.

L’objectif de l’audit énergétique est de proposer un parcours de travaux cohérents, par étapes, pour atteindre une rénovation énergétique performante.

L’audit fournit des ordres de grandeurs des coûts associés à ces travaux et indique les

aides publiques existantes destinées aux travaux d’amélioration de la performance énergétique.

Cette loi, en incitant à faire réaliser des travaux de rénovation énergétique, va entrainer une importante augmentation de l’activité des entreprises du bâtiment.

La loi Climat et Résilience se veut donc le moteur d’une croissance verte.

Pour les constructions ou les travaux de rénovation faisant l’objet d’une demande de permis de construire ou d’une déclaration préalable déposée à compter du 1er janvier 2023, un carnet d’information sur la performance énergétique du logement devra être transmis à l’acquéreur lors de toute mutation.

La loi Climat et Résilience tend à interdire progressivement la location des passoires énergétiques.

Elle prévoit désormais un classement des bâtiments ou partie de bâtiment existant à usage d’habitation en 7 classes : la classe A pour extrêmement performant à la classe G pour extrêmement peu performant.

En France métropolitaine, la mise en location des logements classés G sera interdite à partir de 2025, il en sera de même pour les logements classés F à partir de 2028 tout comme les logements classés E en 2024.

Avec ce classement, différentes restrictions vont peser sur les propriétaires de logement de la classe F ou G désirant à compter du 24 août 2022 conclure ou renouveler des baux d’habitation.

À compter de 2025, si le logement loué ne respecte pas le seuil minimal de performance énergétique devenu un critère de décence, le locataire pourra demander au propriétaire la mise en conformité du logement par la réalisation de travaux de rénovation énergétique et d’isolation. À défaut d’accord amiable ou à défaut de réponse du propriétaire dans les deux mois, le locataire pourra saisir la commission départementale de conciliation sans toutefois constituer un préalable obligatoire à la saisine du juge.

La loi Climat et Résilience instaure des sanctions judiciaires lourdes. Si le juge constate que le logement ne satisfait pas au seuil minimal de performance énergétique requis, il pourra :

  • Contraindre le propriétaire à faire réaliser les travaux nécessaires ;
  • Imposer une réduction de loyer ;
  • Condamner le propriétaire à indemniser son locataire.

En matière de construction

Un droit de surplomb est instauré et permet au propriétaire d’un bâtiment existant procédant à son isolation thermique par l’extérieur de bénéficier d’un droit de surplomb du fonds voisin de 35 centimètres de large au plus mais ce, uniquement lorsqu’aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un résultat équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessive.

Le propriétaire voisin peut s’opposer à l’exercice de ce droit de surplomb sur son fonds « pour un motif sérieux et légitime tenant à l’usage présent ou futur de sa propriété ou à la méconnaissance des conditions » d’application du droit de surplomb.

En contrepartie de ce droit, une indemnité doit être préalablement versée au propriétaire du fonds servant.

Lorsque les propriétaires s’entendent, un acte authentique est dressé et publié pour l’information des tiers au fichier immobilier.

Il convient de souligner que des mécanismes de contrôle et de sanction existent et permettent de veiller au respect des normes de construction.

Le code de la construction et de l’habitation donne pouvoir à des agents assermentés, comme la DDTM, de dresser des procès-verbaux d’infraction aux normes techniques réglementaires et notamment à la RE 2020. Ces procès-verbaux doivent être transmis au parquet qui peut décider de poursuites pénales donnant lieu à des sanctions parfois très lourdes qui peuvent aller jusqu’à la démolition de la construction non réglementaire.

Des enjeux ambitieux, des mesures louables pour un avenir incertain.

 

Expertise par Me Aurélie Grenard, Nadia Chekkat, Béatrice Bobet, avocats au barreau de Rennes, et Emilie Guillaume élève-avocat.