« Que ce soit dans la vie professionnelle ou personnelle, les litiges sont inévitables », introduit Bruno Cressard. Traditionnellement, seuls les tribunaux tranchaient ces différends. À présent, les parties disposent d’alternatives, connues sous le nom de Modes alternatifs de règlement des différends (Mard). Parmi eux, la médiation, la conciliation et l’arbitrage offrent des options plus rapides, souples et confidentielles. Contrairement aux autres Mard où un accord est recherché entre les parties, l’arbitrage tranche le litige.
1. Les usages
Historiquement, l’arbitrage était utilisé pour résoudre des litiges commerciaux internationaux. Son champ d’application s’est élargi avec le temps, incluant les conflits entre entreprises d’un même pays, puis les litiges entre particuliers. « Cette évolution a été permise par la confiance croissante des parties envers ce mode de résolution. Il offre des avantages non négligeables : la rapidité – la durée moyenne d’une procédure est de neuf à douze mois (versus plusieurs années pour une procédure judiciaire classique, ndlr), une souplesse dans la procédure et surtout la confidentialité », explique Bruno Cressard.
L’arbitrage bénéficie « d’une reconnaissance juridique solide », notamment de la part de la Cour de cassation. Les juges étatiques et consulaires collaborent parfois avec les arbitres, par exemple pour rendre une décision exécutoire. « Nous sommes complémentaires des juges, pas concurrents », résume le président de la FCA.
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2. L’arbitre : un juge particulier
Les arbitres sont majoritairement des professionnels du droit. « Avocats, anciens juges, professeurs de droit, notaires, mais également des experts-comptables ou des professionnels aguerris dans un secteur spécifique peuvent devenir arbitres. Paris est une place forte en matière d’arbitrage sur la scène internationale ; s’il existe moins de spécialistes dans les autres régions de France, l’arbitrage est cependant présent et de très bon niveau. »
3. Une justice contractuelle
Le recours à l’arbitrage est généralement prévu par les contrats. Les entreprises peuvent, lors de la rédaction de leur accord, inclure une clause compromissoire, stipulant que tout litige sera résolu par un arbitrage. « Même en l’absence d’une telle clause, les parties peuvent toujours se tourner vers l’arbitrage, à condition de formaliser cette décision dans un compromis d’arbitrage », souligne Bruno Cressard. L’arbitrage est ainsi utilisé dans des contrats commerciaux, notamment dans le cadre de franchises – des litiges entre franchiseurs et franchisés par exemple -, de cessions d’entreprises, de pactes d’associés ou encore de baux commerciaux.
4. Types d’arbitrage
Il existe deux formes principales d’arbitrage : l’arbitrage institutionnel et l’arbitrage ad hoc. Dans le premier cas, les parties s’accordent sur le choix d’un centre d’arbitrage spécifique qui sera chargé du suivi de la procédure et éventuellement de la désignation du ou des arbitres. À l’inverse, dans l’arbitrage ad hoc, chaque partie nomme un arbitre et le tribunal arbitral ainsi formé désigne son président. En règle générale, l’arbitrage se compose d’un ou de trois arbitres.
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5. Les coûts de l’arbitrage
L’une des critiques fréquemment adressées à l’arbitrage concerne son coût. Bruno Cressard reconnaît que « certains excès ont pu être constatés », mais « la facturation est désormais alignée sur les intérêts des parties et les centres d’arbitrage proposent des barèmes transparents », assure-t-il. En outre, il est d’usage que les parties renoncent à la faculté d’appel réformation et, dès lors, les honoraires liés à cette éventuelle étape disparaissent.
Une passion née de l’expérience
L’intérêt de Bruno Cressard pour l’arbitrage remonte à ses jeunes années d’avocat. Lors de son mandat de bâtonnier du barreau de Rennes (1999-2000), il eut aussi à trancher des conflits entre confrères, une expérience qui a nourri son goût pour le rôle de juge. Passer de la défense à la fonction de juger, pas si évident ? « Être arbitre m’a permis de voir la profession d’avocat sous un autre angle. Lorsque je suis conseil dans un arbitrage, j’apprécie le fait qu’il y ait plus de dialogue avec les arbitres que celui que nous pouvons traditionnellement avoir avec les juges et que le temps consacré permette un examen profond de l’affaire par les arbitres. Lorsque j’arbitre, le fait d’être avocat me permet d’aborder les dossiers avec une approche à la fois juridique et pragmatique, en ayant la connaissance du secteur concerné. »
Lors d’une conférence en octobre 2024 à Nice, il aura à répondre à la question : « L’arbitrage, justice incontournable du 21e siècle ? ». L’occasion d’exprimer sa conviction : « C’est une manière plus moderne et plus efficace de rendre la justice. »