Quelle est la spécificité du CJD ?
Alan Guervilly. Nous prônons le respect de l’individu et du vivant en général. En tant que dirigeants, nous avons une importante responsabilité envers nos collaborateurs que nous pouvons inciter à être plus vertueux. Cela passe par l’exemplarité du dirigeant. Nous avons tous envie de bien faire, sans être des bisounours. Aujourd’hui, il est difficile de recruter ; l’ambiance générale d’une entreprise fait la différence, pas un baby-foot dans une salle de pause, cela ne marche qu’un temps.
À titre personnel, qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir être un dirigeant vertueux ?
A. G. J’ai été un salarié malmené. Je travaillais dans l’univers des travaux publics, je suis homosexuel, j’ai eu à faire face à des difficultés et des écarts de salaire à compétences égales. Maintenant, j’ai la chance de mener mon entreprise et de travailler comme je le souhaite. Quand j’entends certains jeunes homosexuels qui ont du mal à trouver du travail, je trouve cela inadmissible.
Le CJD se définit comme l’école des dirigeants. Concrètement, pourquoi ?
A. G. On ne naît pas dirigeant, on le devient. Nous avons beaucoup de formations grâce au CJD, sur le développement personnel, des aspects techniques de gestion… J’ai commencé comme chauffeur routier. J’ai participé à des formations sur la lecture d’un bilan, sur le poker management… Les deux premières années après la création de ma société, c’est mon expert-comptable et mon avocat qui géraient mon entreprise. À un moment, je me suis dit que ce n’était plus possible. La stratégie, c’est moi, en tant que dirigeant, qui dois la conduire. Aujourd’hui, je peux leur dire non. Eux sont là pour border.
Quelles sont les préoccupations récurrentes des jeunes dirigeants en ce moment ?
A. G. L’emploi ! Le CJD est un laboratoire. Actuellement, la vice-présidente du CJD Bretagne, Catherine Radenac, teste la semaine de quatre jours dans son entreprise, Orignal Communication à Lorient. Elle est ravie de l’expérimentation. C’est l’idée du CJD : une idée, une mise en pratique pour tester. Sur le thème de l’emploi, une plénière du CJD des Côtes d’Armor se tient fin juin sur le thème « Retour vers les seniors ». On oublie qu’un salarié reste en moyenne 5-6 ans dans une entreprise, donc pourquoi se refuser de recruter un senior à 5-6 ans de la retraite ? Alors que ce sont des profils expérimentés. C’est une manière différente d’accompagner les personnes et c’est positif pour l’entreprise.
D’autres sujets qui reviennent souvent ?
A. G. La RSE, l’entreprise à missions. Mais, au CJD, nous sommes à la limite de « passer à autre chose » car nous avons été en avance sur ces sujets-là donc beaucoup de JD (jeunes dirigeants) ont déjà mis en place des choses dans leur entreprise. Au-delà des préoccupations transversales, au CJD, il y a des Groupes d’aide à la décision (GAD), soit 5 ou 6 JD se réunissent de façon confidentielle autour de la problématique d’un JD. Quand j’ai eu des difficultés de rentabilité, j’ai sollicité un GAD. Je ne me suis pas du tout senti jugé et je suis ressorti avec des réponses. Après le GAD, j’ai changé ma charte graphique, mes outils informatiques et j’ai retravaillé mes tableaux de bord. Une des forces du CJD, c’est que ce n’est pas corporatiste. Des JD de secteurs différents ont beaucoup à s’apporter.
Qu’est-ce que le CJD vous a apporté d’autre ?
A. G. Des amis, des pairs avec qui je peux échanger sans filtre. Il y a des choses qu’il faut vivre pour comprendre. Cela m’a aidé à accepter ma légitimité. Au départ, je n’avais pas forcément conscience de mon rôle de chef d’entreprise. Quand on me sollicitait pour partager mon expérience, je me demandais pourquoi moi. Je me sentais moins légitime que des dirigeants de très grandes entreprises. Cela a aussi renforcé mon ouverture d’esprit. Les coprésidents nationaux sont très engagés sur le thème de l’écocitoyenneté. À travers leurs suggestions de lectures et nos échanges, ils ont fait naître une vocation en moi. Je suis très curieux d’écouter Cyril Dion qui intervient pendant le congrès. J’aime me confronter à des gens différents de moi.
Pour un dirigeant, rechercher la contradiction est-ce salutaire ?
A. G. C’est la seule façon pour une entreprise d’avancer. D’ailleurs, en interne, il ne faut jamais mal accueillir une idée. Une mauvaise idée d’aujourd’hui peut être une bonne idée de demain.
Qu’est ce qui caractérise les jeunes dirigeants bretons ?
A. G. Une envie constante de faire mieux, que ce soit en matière environnementale, auprès des collaborateurs.
Le CJD Bretagne en chiffre ?
A. G. 600 adhérents, toujours en croissance, répartis dans neuf sections. La dernière créée est à Auray. Les CJD de Lorient et Vannes rencontrent tellement de succès que pour garder un lien de proximité, il fallait ouvrir une autre section. La plus grosse section est Rennes, avec une centaine d’adhérents, suivie de près par Lorient, Vannes et Brest. Nous avons même un groupe en Centre Bretagne, Loudéac-Pontivy, C’est une section plus petite que les autres, l’avantage, c’est que tout le monde se connaît bien et que cela crée une belle dynamique. Mention spéciale à la section de Quimper, partie en vélo depuis dimanche, pour rejoindre Rennes le jour du congrès.
Pourquoi le congrès national se tient-il cette année en Bretagne ?
A. G. C’est le premier congrès national en Bretagne, cela fait 70 ans que nous l’attendons (rires). Nous sommes dessus depuis trois ans, nous avons dû déposer un dossier de candidature auprès du CJD national. Nous avons travaillé la thématique du festival, nous sommes en Bretagne ! D’ailleurs, les participants seront accueillis au son d’un bagad et, pour la soirée, au Roazhon Park, nous avons voulu une ambiance fest noz, galettes saucisses… Un vrai esprit breton !
Qui est Alan Guervilly ?
« Je suis originaire de Paimpol (22). J’ai 44 ans, j’ai commencé comme chauffeur routier et cela fait 12 ans que j’ai créé BSM dans le secteur de la signalisation. L’entreprise compte dix salariés. L’an dernier, j’ai créé Koveris, une entreprise de peinture en bâtiment thermo réflective et isolante, avec un salarié de BSM qui commençait à tourner en rond dans son poste. C’est une super aventure ! «
Bonus
Une personne inspirante ? Un dirigeant qui a été à mes côtés depuis le début, François Landais qui a une concession automobile à Paimpol. Il a été la première personne à m’accompagner et à éponger mes pleurs de chef d’entreprise qui débutait. Je dirai aussi mon ex-mari ; avoir le soutien de sa famille est hyper important.
Un film ? Erin Brockovich, de Steven Soderbergh, qui montre bien comment, même si personne n’a confiance en toi, grâce à la ténacité, c’est possible de devenir quelqu’un et de faire bouger les lignes.
Un lieu ? Paris pour deux jours. J’aime la culture, j’ai fait du théâtre pendant 30 ans. Dernièrement, j’ai visité le Musée d’Orsay, que je ne connaissais pas encore. J’ai vu la pièce Le Bracelet avec Isabelle Mergault.
Un conseil à un jeune dirigeant ? Se tourner vers des professionnels, un avocat fiscaliste, un expert-comptable, qui va l’aider dans les grandes lignes, poser de bonnes fondations. Ensuite, se tourner vers d’autres dirigeants qui pourront l’aider à développer.
Vie des sections bretonnes
Tous présents à Rennes à l’occasion du congrès national, quatre présidents de sections bretonnes du CJD reviennent sur leur mandat :
Aurore Guihard et Jean Bazire, coprésidents du CJD Rennes (110 membres)
À mi-mandat, le trio de présidents qu’ils forment avec Simon Aillard porte le thème de la solidarité et l’action. « Notre défi est que tous les membres du CJD à Rennes s’engagent dans une action de solidarité, explique Jean Bazire. Nous proposons des initiatives concrètes afin de permettre à chacun de sortir de sa zone de confort. Le CJD appelle à se transformer, pour bâtir une entreprise durable et responsable et agir pour inspirer. Dans cette optique, nous avons organisé des plénières avec des intervenants tels que Jean-Yves Le Drian, Jean-Marc Potdevin (fondateur de l’association Entourage, qui crée des liens avec les personnes sans-abri), un ancien détenu, ou Chris Ballois, kitesurfeur handisport. »
Ludovic de Fombelle, président du CJD de Lorient (90 membres)
Président depuis un an, il a déjà mis en place, accompagné par sa vice-présidente, Sabrina Trécant, plusieurs actions : « Nous sommes fiers de plusieurs initiatives. D’abord, la création d’une commission dédiée à l’organisation de la vie du dirigeant, abordant des aspects comme la santé, la retraite, la vie patrimoniale et le décès. Une autre commission s’est penchée sur la prévention des difficultés d’entreprise, avec le président du tribunal de commerce de Lorient, Loïc Cueff. Nous avons également mis en place des actions dans les collèges de quartiers défavorisés pour proposer des stages de 3e. Une rencontre avec la force maritime des fusiliers marins et commandos de Lorient a été un autre succès, permettant une confrontation entre l’organisation de l’entreprise et celle de l’armée sur des questions de ressources humaines, de débriefing, de gestion du stress et des risques. »
Nicolas Petit, président du CJD Côte d’Émeraude (61 membres)
Le thème de son mandat, qui touche à sa fin, était l’engagement : « Je suis très heureux de la plénière, organisée en présence de Thierry Marx, sur le sujet « Oser l’engagement ». Nous avons aussi mis sur pied une opération pour valoriser l’apprentissage avec le CFA de Saint-Malo. »