Le 15 février 2022, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a alerté sur les dangers de la sédentarité, en indiquant que « 95% de la population française adulte est exposée à un risque de détérioration de la santé, par manque d’activité physique ou un temps trop long passé assis ». [1]
Parallèlement, d’après le rapport annuel 2022 de la branche risques professionnels de l’assurance maladie [2], sur 44 217 maladies reconnues professionnelles par la CPAM au cours de l’année 2022, 38 286 relèvent des Troubles musculosquelettiques (TMS). Ces troubles représentent alors 86,59 % des maladies professionnelles reconnues dans le régime général (hors secteur agricole).
De plus, les maladies psychiques reconnues d’origine professionnelle (liées aux risques psychosociaux RPS) sont en augmentation de 16% par rapport à l’année 2021.
Les employeurs doivent tenir compte de ces données au titre de l’obligation de prévention qui leur incombe légalement. Ils doivent évaluer les risques existant dans leur entreprise et prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Depuis plusieurs années et plus encore en cette année olympique, les bienfaits du sport sont très largement vantés. Le ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques considère à ce titre que, « parmi les leviers identifiés pour […] améliorer [la qualité de vie au travail], l’activité physique et sportive en milieu professionnel (APS) est en tête du peloton ».
Ainsi, on constate que de plus en plus d’entreprises, notamment industrielles mettent en place des échauffements pour des salariés tandis que d’autres intègrent une salle de sport dans leurs locaux ou proposent des interventions de coachs sportifs.
Alors, le sport peut-il constituer un moyen de prévention de certains risques notamment des TMS et des RPS au sein de l’entreprise ? Si oui quelles sont les modalités de mise en place d’une activité sportive en entreprise ?
Le bénéfices d’une activité physique, en prévention des pathologies liées au travail
À la lecture des études sur le sujet, au terme sport, il est en réalité préféré le terme d’activité physique, notion plus large (et moins angoissante pour les allergiques au sport !). L’OMS définit l’activité physique comme « tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques qui requiert une dépense d’énergie. L’activité physique désigne tous les mouvements que l’on effectue notamment dans le cadre des loisirs, sur le lieu de travail ou pour se déplacer d’un endroit à l’autre. Une activité physique d’intensité modérée ou soutenue a des effets bénéfiques sur la santé ».
Toujours selon l’OMS, « il est prouvé qu’une activité physique régulière facilite la prévention et la prise en charge des maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, le diabète et plusieurs cancers. Elle contribue également à prévenir l’hypertension, à maintenir un poids corporel sain et à améliorer la santé mentale, la qualité de vie et le bien-être ». [3]
De manière générale, les bénéfices d’une activité physique sont les suivants : amélioration de la qualité de vie au travail et du bien‐être du salarié ; augmentation de la productivité et de la rentabilité de l’entreprise ; diminution des absences pour maladies et du turnover ; développement d’une image positive et de son attractivité ; réduction des dépenses de santé ; renforcement de la cohésion et de l’inclusion au sein des équipes (extrait de la Norme Afnor Spec S52‐416). Le Medef a d’ailleurs mis à disposition un outil permettant de calculer les bénéfices de la mise en place de la pratique sportive au sein des entreprises. [4]
C’est manifestement au vu de ces bienfaits que la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a complété la mission des services de santé au travail (Médecine du travail), en précisant qu’ils « participent à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, dont […] des actions de sensibilisation aux bénéfices de la pratique sportive. » (C. trav. L.4622-2).
Plus spécifiquement, concernant les TMS et le risque de burn-out, l’Académie nationale de médecine a constaté, dans un rapport de mars 2022, les bénéfices de l’activité physique sur la prévention des pathologies liées au travail. À titre d’exemple, elle indique qu’une pratique régulière d’activité physique permet de réduire de 45% le risque relatif de survenue d’un épisode lombalgique aigu. Elle fait également état des effets positifs de l’activité physique sur le bien-être psychique des salariés. [5]
Au vu de ces éléments, l’activité physique peut manifestement figurer parmi les moyens de prévention de certains risques professionnels au sein de l’entreprise.
Toutefois, il faut impérativement conserver à l’esprit qu’il ne s’agira que d’un moyen complémentaire aux moyens de prévention collective que l’entreprise doit mettre en place (notamment concernant l’organisation du travail et l’ergonomie au travail pour les TMS) : l’activité physique du type échauffement ou exercices préalables à l’embauche ne pourra en aucun cas être le seul moyen de prévention mis en place.
Les modalités de mise en place de l’activité physique dans l’entreprise
L’entreprise peut choisir différents degrés d’implication en termes d’activité physique, qui supposent des modalités de mise en place différentes.
Elle peut choisir de faire de l’activité physique une partie de la journée de travail des salariés. C’est le cas, par exemple, des entreprises qui ont intégré les échauffements ou autres exercices physiques dans le temps de travail des salariés : lors de leurs prises de poste, les salariés bénéficient d’un temps d’échauffement destiné, comme pour le sportif, à se mettre en condition physiquement et mentalement avant la pratique de son activité. Dès lors que ces échauffements sont obligatoires, ils doivent faire partie du temps de travail effectif et être rémunérés comme tel.
Cela peut faire partie des sujets de négociation portant sur la qualité de vie au travail (obligatoire dans les entreprises comptant une section syndicale). Il faut bien sûr faire état de cette mesure dans le document unique d’évaluation des risques.
Mais l’employeur doit aussi s’assurer que les exercices mis en place sont compatibles avec l’état de santé de chaque salarié et donc solliciter l’avis du Médecin du travail avant leur instauration. Il doit également s’assurer que la personne ayant la responsabilité de ces exercices a les compétences à ce titre.
Il peut également choisir d’inciter les salariés à la pratique d’activité physique, en se fondant sur les différents types d’actions préconisées par la norme Afnor précitée.
Il peut ainsi s’agir de mettre en place des actions de sensibilisation et de communication à destination des salariés : des affichages dans l’entreprise portant sur les bienfaits du sport, la mise en place d’actions de sensibilisation auprès des salariés (comme l’organisation de réunions debout, l’envoi de messages pour interrompre le temps assis, la diffusion de test sur le niveau d’activité et de sédentarité, la formation du référent santé sécurité sur le sujet…).
L’entreprise peut également décider d’aller plus loin et de mettre à disposition des salariés des moyens matériels ou financiers pour leur permettre de pratiquer une activité physique : il peut s’agir de matériels de bureaux adaptés (bureau assis/debout par exemple) qui figurent parmi les dispositifs les plus efficaces pour lutter contre la sédentarité selon Santé Publique France [6], de mise à disposition de douches et vestiaires permettant aux salariés de faire du sport sur le temps du midi par exemple, d’organiser un challenge d’entreprise, de participer au financement d’activités sportives, d’organiser des cours de sport ou encore de mettre à disposition des salariés des équipements sportifs…
À ce titre, la direction de l’entreprise doit être vigilante : si l’entreprise est dotée d’un Comité social et économique (CSE), ce dernier a un rôle à jouer. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, le CSE devrait, selon le Code du sport, être associé aux démarches d’organisation des activités physiques et sportives. Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le CSE étant en charge des activités sociales et culturelles, il se verra confier la gestion de l’organisation d’activités physiques (ou la contrôlera).
S’agissant du financement, des dispositifs d’aide ont été mis en place pour inciter à la pratique sportive.
[2] https://www.assurance-maladie.ameli.fr/
[4] Outil ROI téléchargeable depuis le site https://www.sports.gouv.fr/
[5] https://www.academie-medecine.fr/
[6] https://www.santepubliquefrance.fr
Une expertise de Nolwenn Quiguer, avocat au barreau de Rennes