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Lorient : Musée de la Compagnie des Indes, le petit musée des grandes aventures

Niché au coeur de la citadelle de Port-Louis, le musée de la Compagnie des Indes de Lorient expose des objets rares dans une scénographie soignée. Histoire(s) de mieux connaître le commerce entre l’Orient et l’Occident aux XVIIè et XVIIIè siècles. Suivez le guide.

Brigitte Nicolas, conservatrice du musée de la Compagnie des Indes. Et le Soleil d'Orient, 1er navire construit à Lorient et qui donnera son nom à la ville ©7J-DB

La pluie ne les décourage pas. Des Américains, des Espagnols et une cinquantaine de touristes français patientent en file indienne sur le pont-levis de la citadelle de Port-Louis. L’affluence des visiteurs pour le Musée de la Compagnie des Indes est habituelle en période de vacances scolaires. Ce jour ne fait donc pas exception.

Inauguré en 1985, le musée municipal attire chaque année 75 000 visiteurs. Une assez forte fréquentation pour le seul musée en France qui traite des célèbres compagnies commerciales.
Un bel endroit aussi pour découvrir les liens entre les grandes puissances économiques européennes et l’Asie, l’Afrique et les Amériques.

Le « Soleil d’Orient » donnera son nom à la ville

Réparties sur 600 m2, les différentes salles du musée présentent la Compagnie des Indes Orientales et Occidentales, la banqueroute du financier Law, la Compagnie perpétuelle des Indes et enfin la Compagnie de Calonne et les différents comptoirs français en Inde, en Chine et en Afrique. La deuxième partie du musée évoque la construction navale de la Compagnie des Indes à l’aide de maquettes de plusieurs navires avec notamment des salles consacrées aux routes maritimes, à la santé et à l’hygiène à bord des vaisseaux, à la vie à bord et aux marchandises transportées.
On y trouve notamment la maquette du vaisseau le « Soleil d’Orient », 1er navire construit à Lorient et qui donnera son nom à la ville. Mais aussi celle du « Comte d’Artois », navire construit en 1765, et des dioramas des ports de Pondichéry et de Canton.
La collection de 450 porcelaines de la Compagnie des Indes « Bleu et blanc », « famille rose » et « famille verte » montre de véritables chef-d’oeuvres que les textiles indiens d’époque toisent sans honte…

Esclavage et commerces

La conservatrice a également voulu aborder de manière très pédagogique le thème de la « Traite atlantique », dont la dénomination ancienne de « Traite négrière » a été abandonnée récemment.
Deux salles dédiées attirent nombre de visiteurs et captent de manière évidente l’intérêt des enfants. « Nous ne pouvons parler du commerce aux XVIIè et XVIIIè siècles sans évoquer le commerce dont les hommes sont alors l’objet, explique Brigitte Nicolas, conservatrice du musée. C’est notamment grâce à 200 000 de ces personnes que la Compagnie a réussi à implanter le café à l’île Bourbon (La Réunion). » La Compagnie des Indes, c’était aussi le commerce des hommes.

Musée de la Compagnie des Indes (Port-Louis Morbihan) ©7J-DB

Musée de la Compagnie des Indes (Port-Louis Morbihan) ©7J-DB

3 exemplaires en Europe

Dans le même temps, et heureusement, les échanges commerciaux ont produits de belles histoires et des objets exceptionnels.
« Nous possédons une réserve d’une cinquantaine de textiles provenant des Indes et de Chine dont une pièce armoirée assez rare et une robe de cour en soie, se réjouit Brigitte Nicolas. Et parmi notre collection de porcelaines venue de Chine, nous avons la chance d’exposer des pièces vraiment exceptionnelles dont un bassin et aiguière armoirées ou un crack dont il ne doit rester que 3 exemplaires en Europe. Mais ceci n’aurait jamais été possible sans le legs de Maurice Loy. »
Le bienfaiteur a fait don de son exceptionnelle collection au musée en 2008 mais la conservatrice a dû patienter jusqu’en 2022 pour la dévoiler au public. Essentiellement pour des raisons administratives.

« Les prêts et dons exceptionnels font également la richesse de notre fonds, continue Brigitte Nicolas. Je peux citer notamment : l’armoire basse de Goa, un coffret de toilette en ivoire et argent, une écuelle ayant appartenue à Louis XV, ou une assiette en porcelaine montrant une chasse à la baleine…»
Dans une ambiance intimiste, le musée de la Compagnie des Indes met en scène des objets symboliques et historiques de la haute bourgeoisie européenne. Un musée qui prend place aujourd’hui là où trois cents ans plus tôt les navires commerciaux hissaient leurs voiles vers l’Orient.

De la Compagnie des Indes née Lorient

La Compagnie des Indes est créée en 1664 sous l’égide de Jean-Baptiste Colbert et s’installe au port du Havre. Cette même année la Compagnie acquiert les privilèges de la Compagnie de Madagascar fondée à Port-Louis par le maréchal de la Meilleraye. Cherchant alors un emplacement pour l’implantation d’un

nouveau chantier, la Compagnie des Indes décide contre toute attente de choisir Port-Louis sans doute pour sa position stratégique. Cependant, l’exiguïté de la presqu’île oblige les directeurs à trouver un lieu un peu excentré pour ses chantiers : ce sera la lande du Faouëdic le 31 août 1666, l’actuelle Lorient.

Les premières années sont caractérisées par une activité relativement faible et par des constructions provisoires en bois. Puis c’est la guerre de Hollande des années 1670 qui vient tout changer : le port du Havre n’est plus sûr et la Compagnie doit concentrer son activité sur Port-Louis et au « lieu d’Orient ». La ville grandit avec l’expansion de la Compagnie et autour de ses activités. Une nouvelle étape est franchie à la fin des années 1680. Lorient devient un port militaire royal comptant un véritable arsenal et pouvant construire des vaisseaux de guerre.