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Marché des véhicules automobiles d’occasion : quels recours en cas de litige ?

En France 84% de la population dispose d’un véhicule (1) et le parc roulant est de 33 020 000 véhicules (2), dont les 2/3 ont plus de 5 ans. Les diverses mesures gouvernementales outre le contexte économique ont développé le marché de l’occasion, lequel a atteint, en 2020, 5,589 millions d’unités (3). Si la plupart des ventes se déroulent sans aucune difficulté, il arrive que venant d’acquérir un véhicule, ce dernier tombe en panne et devienne inutilisable, quoi de plus énervant ? Quels recours l’acquéreur dispose-t-il, et ces recours sont-ils les mêmes en cas d’achat auprès d’un professionnel ou d’un particulier ?

Maître Sabrina Guérin, avocate au barreau de Rennes véhicule

Maître Sabrina Guérin, avocate au barreau de Rennes ©Marni Spring Photographe

L’obligation de délivrance conforme, quand le véhicule a été acheté à un professionnel

Le particulier qui a acquis auprès d’un vendeur professionnel un véhicule d’occasion est protégé par les dispositions du code de la consommation, qui impose au vendeur une délivrance du bien conforme au contrat.

Ainsi, le bien doit correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que le vendeur a présentées à l’acheteur (véhicule avec des options, sans défaut, le bon modèle, la bonne couleur…)

À titre d’exemple, l’obligation de délivrance d’un bien conforme au contrat impose au vendeur de remettre à l’acheteur les documents permettant de faire modifier le certificat d’immatriculation (certificat de cession, précédent certificat d’immatriculation, contrôle technique favorable).

La garantie légale des vices cachés, dans tous les cas

Le particulier qui a acquis auprès d’un vendeur professionnel ou particulier un véhicule d’occasion peut se prévaloir de la garantie dite « légale des vices cachés », qui permet d’obtenir un remboursement total ou partiel de l’achat et une indemnisation en cas de dommage.

Ainsi, le bien ne doit pas au jour de la vente, avoir de dommage, inconnu par le vendeur et l’acquéreur.

Pour pouvoir mettre en œuvre cette garantie, il faut que quatre conditions cumulatives soient réunies :

  • Le véhicule doit présenter un défaut, qu’il faut démontrer ;
  • Le défaut doit exister lors de l’achat (il ne peut pas être apparu après, mais il peut préexister)
  • Le défaut doit être un défaut caché, c’est-à-dire non apparent et inconnu lors de l’achat : par exemple une mauvaise couleur de voiture n’est pas un vice caché puisque l’acquéreur n’a pas pu l’ignorer lors de la vente, un dommage dont est informé expressément l’acquéreur lors de l’achat n’est pas un vice caché : il achète en connaissance de À ce titre, la jurisprudence apprécie le caractère apparent ou non du vice en fonction de la qualité de l’acheteur :
  • S’il s’agit d’un acheteur non-professionnel, on considère que le vice est caché s’il n’est pas décelable lors d’une vérification élémentaire ou d’un examen superficiel de la chose ( Plén. 27 oct. 2006). Il convient néanmoins d’être raisonnablement vigilant.
  • S’il s’agit d’un acheteur professionnel et de la même spécialité, le caractère caché du défaut est plus sévèrement apprécié puisqu’il est présumé connaitre les vices du bien acquis ( 8 oct. 1973). Ainsi un garagiste qui acquiert un véhicule automobile sera supposé savoir déceler un problème d’embrayage ou de boite de vitesses lors d’un simple essai routier, ce que n’est pas supposé pouvoir déceler un acheteur lambda.
  • Le défaut doit rendre le bien inutilisable ou diminuer fortement son usage (ce qui implique de tenir compte de la nature du bien vendu) : pour un véhicule il s’agit d’un défaut qui ne lui permet pas de circuler normalement (défaut d’embrayage, défaut de boite de vitesses…). En revanche un véhicule ancien et non entretenu, ce dont a connaissance l’acquéreur, ne peut pas être en bon état de fonctionnement ( 1re, 19 mars 2009), il n’y a donc pas de vice caché.

Le vendeur peut donc échapper à la garantie légale des vices cachés s’il prouve que l’acheteur avait connaissance du vice ou qu’il a fait un usage anormal de la chose.

Le « dol », quand il y a tromperie

Si le dommage était connu du seul vendeur lors de la vente, lequel aurait « omis » d’en informer l’acquéreur, il s’agit d’un dol, et non plus d’un vice caché.

Chaque partie doit être de bonne foi, la garantie des vices cachés supposant que le dommage soit inconnu du vendeur lors de la vente, s’il s’abstient volontairement d’en informer l’acquéreur pour le convaincre d’acheter, il y a une forme de tromperie.

Le fait de cacher volontairement à l’acquéreur une information importante et déterminante affectant le véhicule justifie une demande d’annulation de la vente au titre du dol.

Cette condition suppose dans le cadre d’une vente entre particuliers de démontrer, en plus des conditions pour vice caché précédemment exposées, que le vendeur avait connaissance du vice affectant le véhicule (par exemple embrayage défaillant, FAP déconnecté…), ce qui n’est pas facile, sauf à justifier d’un devis d’un professionnel antérieur à la vente.

En présence d’un vendeur professionnel, la jurisprudence inverse la charge de la preuve rappelant que ce dernier « est tenu d’une obligation de renseignement à l’égard de son client et qu’il lui incombe de prouver qu’il a exécuté cette obligation ».

À titre d’exemple, le fait de cacher que le véhicule ait été antérieurement accidenté est une faute du vendeur, dont il aurait dû informer d’acheteur.

Quelles demandes peuvent être faites en cas de litige justifié ?

Si le vendeur professionnel a manqué à son obligation de délivrance conforme ou s’il existe un vice caché, l’acheteur a le choix entre :

  • Garder le produit et demander une réduction du prix
  • Rendre le produit et demander le remboursement de l’intégralité du prix et des frais occasionnés par la vente.

En cas d’action fondée sur le dol, il pourra être sollicité en plus des dommages et intérêts au vendeur.

Dans quel délai intervenir ?

Le délai d’action est de deux ans à compter de la découverte du défaut, limitée à 5 ans après l’achat. Évidemment, plus le défaut apparait tôt, plus il est facile de démontrer l’existence d’un vice caché.

Quelles précautions prendre avant d’engager une procédure ?

Même si les dispositions légales sont relativement protectrices des acquéreurs, il convient de s’assurer de la préparation du dossier avant d’engager une procédure judiciaire. Dans un premier temps, il convient d’adresser un courrier au vendeur afin de l’informer du dommage et de tenter de négocier un accord.

À noter que depuis le 1er janvier 2020, tous les litiges dont l’enjeu est inférieur ou égal à 5000 euros doivent obligatoirement faire l’objet d’une démarche de conciliation préalable avant de saisir le Tribunal.

Dans un second temps, en cas d’échec de la phase amiable, il est possible de saisir le Tribunal.

Comment prépare-t-on un dossier ?

Avant de saisir la juridiction, il convient de :

  • Réunir en amont les preuves du dommage, pour cela il est utile de prendre l’attache d’un professionnel de l’automobile (un garagiste qui va effectuer un diagnostic et établir un devis)
  • Se méfier des contrôles techniques vierges de toute anomalie, alors que le véhicule semble mal fonctionner et ne pas hésiter à solliciter un nouveau contrôle technique auprès d’un autre centre.
  • Faire appel à un expert automobile, pour effectuer une expertise amiable (parfois prise en charge par la protection juridique) qui permet d’avoir un avis technique complet sur le défaut qui affecte le véhicule et d’envisager sereinement les suites à donner au dossier.

Une expertise judiciaire pourra aussi être demandée au Tribunal, permettant au magistrat d’avoir l’avis éclairé d’un technicien sur le dommage, ses causes, sa date d’apparition, ses conséquences et le coût des réparations.

Néanmoins, une telle démarche a un coût non négligeable, et rallonge de manière importante la durée de la procédure, il convient donc de faire preuve de parcimonie et d’apprécier l’intérêt d’une telle expertise au regard de l’enjeu du litige.

Quelle juridiction compétente ?

La juridiction compétente dépendra du montant de l’enjeu du litige (plus ou moins de 10 000€) et de la qualité du vendeur (professionnel ou particulier).

En cas de contrat conclu entre particuliers, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de la livraison ou du lieu de l’exécution de la prestation.

En cas d’achat à un professionnel, l’acheteur peut saisir la juridiction du lieu où il demeurait le jour de l’achat

Cette option n’est pas négligeable lorsque le vendeur réside loin, en termes de coût de la procédure.

Dans les faits, les litiges en matière automobiles, même s’ils restent marquants, représentent une faible part des ventes automobiles d’occasion. Il convient donc d’être raisonnablement vigilant sans être excessivement suspicieux et en s’entourant des conseils avisés de professionnels.

Expertise par Me Sabrina Guérin, avocate au barreau de Rennes.

1 Source INSEE 2018

2 Source CCFA 2019

3 Source ministère de la transition écologique 2020

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