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Musée des Beaux-Arts de Quimper. Pierre de Belay (1880-1947) : le tourbillon de la couleur

Artiste complet, le Quimpérois Pierre de Belay s’inscrit dans les grands courants de la peinture moderne, tout en privilégiant une approche réaliste, dans les sujets bretons comme dans les scènes croquées à Montmartre et Montparnasse. Chantre de la couleur pure, il excelle à la faire vivre sur la toile. Le musée des Beaux-arts de Quimper, qui conserve le fonds de son atelier (1 000 œuvres) rend hommage à sa palette chatoyante, dans une rétrospective présentant 200 œuvres peu connues ou inédites, à voir jusqu'au 30 septembre 2024.

La fête du 14 juillet en Bretagne, 1923 ©musée des Beaux-Arts de Quimper, photo Frédéric Harster

De l’effervescence de la vie parisienne à la Bretagne

Grâce à Max Jacob, ami de sa famille, Pierre de Belay découvre le bouillonnement culturel du Paris 1900. Proche de l’avant-garde littéraire et artistique de Montmartre, Max Jacob facilite ses rencontres avec Picasso et Apollinaire, l’occasion pour le peintre de découvrir le Fauves et les Cubistes. À l’effervescence de Montmartre succède celle de Montparnasse qui lui inspire scènes de café, acrobates et clowns du Cirque Médrano, danses au Bal Tabarin.
Si le bruit des fêtes résonne dans ses toiles, Pierre de Belay n’oublie par l’envers du décor : la misère des exclus dans le contexte de la crise de 1929.
Plus de la moitié des œuvres de Pierre de Belay ont pour sujet la Bretagne. L’artiste passe ses étés en Cornouaille. Il installe son chevalet sur les quais d’Audierne, de Concarneau, de Douarnenez pour en saisir l’animation et faire chanter les couleurs des coques et des voiles de bateau. Non loin, buvettes et cafés accueillent ses marins habillés de vareuses, portant le béret et chaussés de sabots.
Dans les petites villes de Cornouaille, Pierre de Belay est un fidèle des pardons, comme celui de Saint-Anne-La-Palud, avec le déploiement des costumes et des bannières au son de la bombarde. C’est le thème retenu pour les cinq compositions de la salle à manger de l’hôtel Ker-Moor à Bénodet en 1923. Un décor joyeux, haut en couleur, des personnages bien découpés, des ombres bleues, des rouges, des verts et des jaunes bien tranchés. Épaisse, déliée ou posée en aplats, parfois zébrée, la touche irradie de pigments purs.

Trait pour trait : gravure et treillisme

Pierre de Belay s’intéresse à la gravure dès les années 1920. Chaque année, il propose des eaux-fortes, des aquatintes, des tirages ne dépassant jamais 100 numéros, proposés dans les galeries. Un moyen de rendre son art accessible à tous. Les sujets bretons sont nombreux, comme cette ondée dans la rue de Kéréon à Quimper, suggérée par les traits du burin.
De la pratique de la gravure découle, en 1940, une nouvelle technique de peinture : le « treillisme », consistant à dessiner en croisant des traits de couleurs, comme le Jardin du Luxembourg et les Courses à Deauville en 1942 et 1943.

Scènes de palais et arts appliqués

De 1932 à 1939, Pierre de Belay se passionne pour les grands procès comme l’affaire Stavisky. Attentif à la gestuelle des acteurs de cette tragédie moderne, il renoue avec Honoré Daumier pour brosser une galerie de portraits d’avocats très vivante, jouant des couleurs sépia des fonds et du mouvement des robes noires relevées d’un jabot blanc.
Le goût pour l’illustration remonte aux années 1920. En 1942, il est sollicité par Pierre Benoit pour ses romans : La châtelaine du Liban et Le Roi lépreux. Ses décors pour le Bal Bullier lui valent d’être approché, en 1939, par le directeur du théâtre Folkan à Stockholm. Il imagine des décors et des costumes pleins de fantaisie mais la guerre coupe court à leur réalisation. Après 1945, Pierre de Belay contribue au renouveau de la tapisserie et crée plusieurs cartons sur le thème de la chasse à courre, des compositions traitées en larges aplats de couleurs, rayonnant d’allégresse !

Musée des Beaux-arts de Quimper (29)

60 place Saint-Corentin ; tel. 02 98 95 45 20 ; www.mbaq.fr

Monographie Pierre de Belay. Le tourbillon de la couleur. Éditions du musée des Beaux-Arts de Quimper, 2024. 96 pages, 18 €.