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Nouvoitou : L’improbable réussite du Cabaret Moustache

Cabaret, music-hall, et autre French cancan… Voilà l’univers du Cabaret Moustache, qui en décembre 2017, a posé ses strass et monté son estrade à Nouvoitou, pour accueillir danseurs, danseuses, et toutes leurs plumes. Un show qui fait vivre une trentaine de personnes et fait vibrer 30 000 spectateurs cette saison. Cette aventure humaine et collective s’est bâtie autour de Mickaël Coelo, l’heureux chef d’orchestre de ce tableau haut en couleur. Rencontre

Nouvoitou, Cabaret Moustache, Mickaël Coelo

Mickaël Coelo dirigeant du Cabaret Moustache © Franck Boisselier

Et pourquoi trouver un Cabaret à Nouvoitou serait-il improbable ? Dans un sourire Mickaël Coelo est prompt à rappeler des faits : « Il existe 3 000 cabarets en France ! On pense aux enseignes parisiennes du Lido, Moulin Rouge, et Paradis Latin, mais en fait beaucoup sont en région. » Et le public répond présent « Les 7 premiers mois d’activité, nous avions fait 70 représentations et accueilli 9 000 personnes… Quatre ans plus tard, pour la saison qui s’étend de septembre 2021 à juin 2022, nous devrions faire 140 représentations pour 30 000 spectateurs. » Il faut dire que l’on ne trouve pas un tel lieu à 150 km à la ronde !

Costumes, bijoux, chaussures : des pièces uniques et sur mesure

« La création d’une revue, c’est 300000 € d’investissement, et une année de préparation. Pour le prochain spectacle qui sort en septembre 2022, nous avons commencé à travailler l’été dernier. Pas moins de 6 mois de travail à temps plein sont nécessaires à la création des costumes (à raison de 3 à 6 costumières), pour habiller les 12 danseurs-danseuses et chanteurs dans chaque tableau. La bijouterie et la plumerie sont aux mains de l’artisan Nicolas Deschaux. Et la Maison Clairvoy façonne les chaussures – c’est un bottier emblématique qui chausse aussi le Moulin Rouge ! » Quand à l’idée de création du show, un travail collégial s’opère autour de Mickaël Coelo, où l’on retrouve auteur, parolier, comédien, et deux chorégraphes, « on décline ainsi une dizaine de tableaux, et ensuite c’est encore collectivement avec les danseurs et danseuses que le spectacle prend du coffre et s’enrichit. » Actuellement la revue « Eizh » jouée sur scène, décline 8 péchés capitaux… le huitième étant l’amour bien sûr !

Parmi l’équipe on retrouve Renaud Dallerac et Aurélie Koudou les chorégraphes ; Frédéric Renaudin compositeur et arrangeur musical ; Anna Le Reun, chef costumière ; Baptiste Graton, parolier, comédien et auteur.

Nouvoitou, Cabaret Moustache, Mickaël Coelo

Cabaret Moustache © Franck Boisselier

Le public

Les comités d’entreprise et les clubs des aînés font bien sûr partie du public du Cabaret, en lien avec des autocaristes notamment.

« Nous ne comptons finalement que 50 % de notre public issus de ces groupes, les 50 % restants sont des individuels. Assez souvent les personnes venues par le biais d’une soirée entreprise reviennent avec des amis, leur compagne ou compagnon. » Entre 190 et 230 personnes sont accueillies, en fonction de la configuration de la salle, pour une soirée comprenant repas (Matto traiteur du Rheu) et show, avec magicien dans la salle. Et pour les soirées spéciales de Noël et de la Saint-Sylvestre la jauge est abaissée de 150 personnes… « On refuse 500 personnes tous les ans sur ces soirées spéciales ! ». En décembre, période faste, les artistes répartis en deux équipes enchaînent midi et soir, pour 30 dates en 15 jours.

Développement de l’événementiel !

Et les idées ne manquent pas au Cabaret Moustache, et Mickaël pense notamment à deux axes de développement, en événementiel : « Nous pouvons accueillir dans ce lieu à Nouvoitou des lancements de produits, des défilés, des remises de trophées, des soirées spéciales, et même des mariages puisque l’été la revue est au repos. Et nous pouvons aussi exporter le show, pour qu’il joue dans d’autres lieux, à la demande, dans d’autres espaces. Nous jouons d’ailleurs le 31 décembre à la salle Zéphyr de Châteaugiron. »

L’épisode confinement

« Avec l’épisode Covid, ce furent 15 mois de fermeture… compliqués. Avec des charges fixes de 12 à 15 000 euros chaque mois. On est encore là aujourd’hui, grâce aux aides. Ce sont alors 10000 personnes pour lesquelles il a fallu reporter les réservations. À la réouverture, on a enchainé 21 représentations en 1 mois et demi… Aujourd’hui si on me dit qu’il faut passer à une jauge de 50% je ferme, ce n’est pas rentable. Mais nous accueillons en configuration assise, tables séparées, personnes regroupées en cercle familial, masquées… ici ce n’est pas difficile d’avoir les gestes barrières. »

Nouvoitou, Cabaret Moustache, Mickaël Coelo

Cabaret Moustache © Franck Boisselier

La folle idée de Mickaël Coelo

Ces histoires de vie, avec des plumes et des strass, naissent toujours de la passion. « Dès petit je voyais les cabarets à la télé, et je trouvais ça magique, c’était du rêve. » Autre passion de Mickaël Coelho, le monde de la restauration. Formé à l’école hôtelière de Granville, il passe 3 ans entre les saisons au Mont-Saint-Michel l’été et la montagne l’hiver. Puis il débarque à Rennes, travaille en salle chez Léon Le Cochon quelque 3 ans. « Je me retrouve à organiser les anniversaires de Léon, avec des prestataires extérieurs… puis en interne : on décide de monter un show, on recrute des danseurs (sur minitel 3615 Paris Danse !), on monte à Paris pour les tissus… Une première soirée est ainsi montée en février 2002, avec 5 danseuses, 3 danseurs, 2 transformistes, un évènement salle du Ponant à Pacé pour fêter les 8 ans de Léon le Cochon. »

Mickaël s’éclipse ensuite à Paris, logé chez une amie danseuse, fait de l’intérim dans la restauration, passe 8 ans comme maître d’hôtel puis intendant dans différents ministères et à la préfecture de Paris. « En parallèle je développais une revue de danse, via une société de spectacle. On allait jouer partout en France, en Tunisie, en Italie… » En 2014 retour à Rennes, un passage rapide à la direction artistique du Strass bd Mermoz, qui ferme de manière abrupte en 2015… « Il était temps que je me lance et que je devienne mon propre chef ! » Il visite alors plus de 100 lieux à Rennes et ses proches alentours, « J’ai vraiment vu de tout… et puis il y a ce hangar, à Nouvoitou, dans une zone artisanale, un ancien atelier de soudure industrielle. Le propriétaire est d’accord pour qu’il soit transformé, le maire est aussi d’accord pour accueillir une activité de cabaret sur la commune. » C’est acté. On est fin 2016, un an plus tard le lieu ouvre : une année pour faire les travaux, créer la revue, recruter les danseurs, lancer la prospection commerciale… « Ça a été une course folle contre la montre. Le permis n’a été validé qu’en septembre 2017, les artisans ont été fabuleux, les danseuses répétaient dehors sur le parking pendant qu’à l’intérieur on posait encore le placo et la laine de verre… On a ouvert le 1er décembre 2017 : on était complet. » Et depuis 4 ans ce lieu vit de strass, de dîners, de paillettes. À Nouvoitou, 10 minutes au sud de Rennes.

Une histoire de famille

Nadine, la mère de Mickaël, passe près de nous alors que l’interview se déploie et que les anecdotes se succèdent. Elle dépose la caisse sur le mange-debout, s’enquiert des costumes de la veille, il est 10h30 il faut se mettre en place pour le show du midi. « Le cabaret Moustache c’est aussi une incroyable histoire de famille » indique Mickaël Coelo dans un sourire. « En fait, pour financer ce projet, j’ai fait un tour de table dans ma famille, pour composer le capital social. On est 10 à avoir mis des billes, chacun à sa mesure. Et on se retrouve 1 fois par an, pour faire les comptes et les résultats… lors d’un show au Cabaret Moustache bien sûr ! »