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Quels régimes fiscaux incitatifs pour votre entreprise et comment sécuriser vos demandes ?

Avec un coût budgétaire de plus de 6 milliards d'euros, le crédit d’impôt recherche (CIR) représente à lui seul les trois cinquièmes de l'ensemble des soutiens publics à l'innovation en France. Il traduit la volonté de l’État d’inciter les entreprises françaises à innover en vue d’améliorer notre performance économique mondiale. En Bretagne, ce sont près de 700 entreprises qui sollicitent déjà ce crédit d’impôt.

Maître Caroline André, avocat au barreau de Rennes, spécialiste en droit fiscal ©DR

Le CIR n’est toutefois pas le seul dispositif fiscal de soutien à l’innovation. Il est complété par le statut des jeunes entreprises innovantes (JEI), le crédit d’impôt innovation (CII) et le nouveau crédit d’impôt collaboration (CiCo).

Avez-vous la possibilité de revendiquer l’un de ces dispositifs ? Pour quel(s) avantage(s) ?

Quelle méthodologie mettre en œuvre pour sécuriser sa demande ? Et quelles sont les nouveautés de l’année en la matière ?

Quel dispositif pour mon entreprise, et pour quel avantage fiscal ?

entreprise

 

Une même entreprise peut donc revendiquer plusieurs de ces dispositifs. Par exemple, elle peut avoir le statut de JEI et solliciter un CIR sur un projet et un CII sur un autre projet. Toutefois les entreprises ne peuvent pas, au titre des mêmes dépenses, effectuer plusieurs demandes de crédits d’impôt.

Comment sécuriser vos demandes ?

Comme tout dispositif fiscal incitatif, il est primordial de sécuriser vos demandes pour éviter toute remise en cause ultérieure qui pourrait avoir des conséquences particulièrement négatives sur le développement de votre entreprise et le financement de ses projets d’innovation.

Le caractère déclaratif et les règles relativement complexes peuvent en effet induire un risque fiscal et financier très significatif qui ne peut être complètement géré par les entreprises en interne.

Si l’entreprise a la possibilité de vérifier que son projet peut bénéficier d’un crédit d’impôt par le biais d’un rescrit auprès de l’administration fiscale, mettre en place une méthodologie tout au long de la vie du projet de recherche ou d’innovation permettra de justifier plus facilement l’éligibilité des travaux menés à ces dispositifs fiscaux tout en cadrant ses travaux de recherche.

En matière de CIR, cette méthodologie devra en premier lieu passer par l’implication et l’explication des enjeux auprès des équipes recherches et comptables de l’entreprise. Elle nécessitera la mise en place d’outils de suivi des temps du personnel qui participe aux projets et de suivi des dépenses en lien avec ce dernier.

Il sera également nécessaire de rédiger des synthèses régulières des travaux réalisés en lien avec les projets (recherches bibliographiques, problématiques rencontrées, solutions envisagées, tests, prototypes, essais, etc.) sous forme de reporting écrit qui aideront à formaliser les dossiers justificatifs demandés par les services fiscaux lors des contrôles.

Enfin, il conviendra de conserver les articles de référence dans le domaine concerné et les éventuels indicateurs de R&D du projet (publication, dépôt de brevets, collaboration…).

Cette démarche doit être pensée pour donner un cadre à la réalisation des travaux de R&D en créant des points de passage à chaque étape qui pourront être utilisés lors de la rédaction de la documentation technique demandée pour justifier des crédits d’impôt sollicités.

Quelles nouveautés en 2022 ?

Chaque année le législateur apporte son lot de nouveautés en vue d’améliorer l’efficacité de ces dispositifs qui doivent sans cesse évoluer pour coller au plus près des besoins des entreprises et des comportements que l’État souhaite inciter. Cette année la loi de Finances prévoit :

  • Un allongement de la durée du statut de JEI de 7 à 10 ans

Entrant en vigueur le 1er janvier 2022, cette extension ne pourra bénéficier en pratique qu’à des entreprises créées entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2022 (en l’état de la législation, c’est aux seules entreprises créées sur cette période que le statut de JEI s’applique).

Cette réforme ne s’applique pas aux exonérations d’impôts locaux et de cotisations sociales.

  • Aménagement et prorogation de 2 ans du crédit d’impôt innovation

Les entreprises pourront en bénéficier pour leurs dépenses d’innovation engagées jusqu’au 31 décembre 2024 (et non plus jusqu’au 31 décembre 2022 comme le prévoyait la loi de finances pour 2020).

Les dépenses de fonctionnement sont désormais exclues de l’assiette du CII. En contrepartie, les taux du CII sont relevés, de 20 % à 30 % en métropole et de 40 % à 60 % dans les DOM. Le plafond des dépenses éligibles restant fixé à 400 000 €, le montant maximum du CII augmente donc dans les mêmes proportions, passant de 80 000 € à 120 000 € en métropole et de 160 000 € à 240 000 € dans les DOM.

Ces mesures s’appliqueront aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2023.

  • Création d’un crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative

Ce crédit d’impôt s’applique aux dépenses facturées par des organismes de recherche et de diffusion des connaissances (ORDC) dans le cadre d’un contrat de collaboration conclu entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Ces dépenses sont retenues dans la limite globale de 6 M€ par an et le taux du crédit d’impôt est de 40 % (ou 50% pour les PME).

Bénéficiant aux mêmes entreprises que celles visées par le crédit d’impôt recherche (CIR), il a pour objet de pallier la suppression du doublement des dépenses sous-traitées à des organismes publics en matière de CIR à compter du 1er janvier 2022. À cet égard, il est important de souligner que les entreprises ne peuvent pas, au titre des mêmes dépenses, bénéficier à la fois du crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative et du CIR.

Les ORDC doivent être agréés par le ministre de la Recherche et dépourvus de lien de dépendance avec les entreprises bénéficiaires. Le champ d’application de ce crédit d’impôt est limité par les conditions strictes auxquelles doit répondre le contrat de collaboration. Ce dernier se distingue du contrat de sous-traitance en ce qu’il vise au portage commun d’un projet de recherche dans lequel les deux parties effectuent des travaux et se partagent les résultats. Ce nouveau crédit d’impôt ne compense que partiellement la fin du doublement des dépenses de recherche confiées à des organismes publics en matière de CIR. En effet, son champ d’application est moins large et son montant est plus faible puisqu’il ne couvre que 40 % des dépenses (50 % pour les PME) alors que le doublement des dépenses de recherche confiées à un organisme public conduisait à un CIR de 60 % des dépenses engagées.

Expertise par Me Caroline André, avocat au barreau de Rennes.

* Rapport France Stratégie de Juin 2021

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