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RH. « Vouloir être chef et que son équipe se débrouille seule » ou l’ambivalence du dirigeant !

Vouloir être chef, c’est désirer que ses décisions soient suivies d’effet sans avoir à y revenir. C’est ne pas avoir à se faire la remarque : "Je leur avais bien expliqué pourtant ! Pourquoi ont-ils fait ça comme ça !" Vouloir être chef, c’est aussi s’attendre à ce que le changement s’enclenche quand les moyens ont été alloués. Vouloir être chef, c’est encore s’attendre à ce que « ses » managers, chefs d’équipe, responsable de service, reviennent vers vous au moment opportun. Et pourtant…

Emmanuel Giovanni, conseil RH & Management, accompagnements Cadres & Dirigeants – Cabinet Persona Novo (Rennes) ©ChristopheLecrenais

Emmanuel Giovanni, conseil RH & Management, accompagnements Cadres & Dirigeants – Cabinet Persona Novo (Rennes) ©ChristopheLecrenais

Vouloir que son équipe se débrouille seule, c’est s’attendre à un large degré d’autonomie de ses cadres et, en particulier, des membres de son comité de direction. C’est s’attendre à ce que son équipe pense solutions plutôt que problèmes ; projets plutôt que contraintes. C’est encore s’attendre à des prises d’initiatives et à des prises de décisions. Et pourtant…

Quel que soit le secteur d’activité, la taille de l’organisation, à un moment ou un autre, apparaît cette étape pour toute personne qui dirige une équipe, d’avoir à dépasser cette contradiction apparente de « vouloir être chef et vouloir en même temps que son équipe se débrouille seule ».

Dans des contextes professionnels toujours plus complexes, bien vivre cette ambivalence induit d’avoir intégré et de faire vivre plusieurs réalités, au risque de rester prisonnier de ses frustrations2 : démythifier le rôle de « chef », clarifier ce qu’autonomie veut dire, établir et réévaluer les processus de décision.

Démythifier le rôle de « chef »

Que veut dire « manager », « diriger », aujourd’hui ? Chacun peut immédiatement percevoir la multitude des représentations que suscite ce rôle. Qui plus est, il induit des biais ! Puisqu’il est chef, il détient forcément l’information et une vision stratégique claire. Il a forcément le pouvoir pour et devrait. « Il y a dans toute fonction attribuant du pouvoir une part de réalité et une part de fantasme »3. Comment en sortir ? Et faut-il en sortir ? A minima, pour un dirigeant, en avoir conscience et oser parfois tomber le masque de son statut peut constituer une voie. C’est par exemple, ce directeur général, fondateur de l’entreprise, qui décide de se faire accompagner, lui et son équipe de direction, pour faire évoluer son style de management « en étoile » qui favorise un fonctionnement en silos, insuffisamment fédérateur.

Clarifier ce qu’autonomie veut dire

L’étymologie d’autonomie : agir selon sa propre loi. Ce qui est devenu : être capable de se débrouiller seul. Cependant, obtenir des comportements dits autonomes peut s’avérer complexe « tant l’autonomie n’est pas une réalité en soi, elle s’apprécie toujours dans le contexte d’une relation »4. Combien d’autonomies apparentes restent des dépendances réelles ? Motivées par la peur de mal faire, la crainte de remarques, de déplaire, de ne pas se sentir important…
L’autonomie dans des missions confiées, à tout niveau, se vit alors par étapes et s’exprime continuellement dans l’interdépendance aux autres, à son environnement, aux objectifs évolutifs à atteindre, aux moyens alloués, etc. L’autonomie devient alors l’objet d’une négociation. Comme ce chef qui installe des points réguliers avec les membres de son équipe dans l’optique d’aborder les différents besoins pour bien fonctionner et clarifier ce dont chacun se sent dépendant et qui freinerait son action.

Établir et réviser les processus de décision

Pour un manager, s’entendre dire de la part de son supérieur : « Les décisions ne se prennent pas, elles se forment d’elles-mêmes ! » c’est plonger dans l’ambiguïté. C’est, au mieux, comprendre qu’une décision ce n’est pas seulement « oui ou non » mais souvent un processus de maturation, au pire, que cela laisse la place à toutes les formes d’influences, explicites comme implicites. Le flou n’étant bon pour personne, « vouloir être chef et que son équipe se débrouille seule » c’est apprendre à laisser les autres décider. Un préalable : établir et préciser en commun les processus de décisions.
En lien avec la culture interne, il s’agira ensuite de, périodiquement, réévaluer ces processus de décision, au sein du comité de direction, comme dans chaque service. Un « chef » qui rend autonome, c’est une personne qui, régulièrement, clarifie, autorise les remises à plat, pose à nouveau le cadre de fonctionnement et ainsi libère. C’est ce dirigeant, charismatique et omniprésent, après « une fronde » de son comité de direction, qui permet à ce même comité d’installer un nouveau mode de décision collégial et concerté.

« Vouloir être chef et que son équipe se débrouille seule », c’est rendre possible l’expression de ce que chacun attend de l’autre, chef et équipe. Progressivement, sans tabous. Cela ouvre une autre réalité : installer et faire vivre la confiance !

Notes

1,2,3Vincent Lenhardt : Les responsables porteurs de sens – l’approche « coach & team » – Culture et pratique du coaching et du team-building – Eyrolles.

4Daniel Chernet : Les apports de l’analyse transactionnelle aux organisations positives – Dans Actualités en analyse Transactionnelle 2017/3 (N°159) – Éditions Institut Français d’Analyse Transactionnelle.

Une expertise proposée par Emmanuel Giovanni, conseil RH & Management, accompagnements Cadres & Dirigeants – Cabinet Persona Novo (Rennes)

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