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Transmettre son patrimoine : faire les bons choix au bon moment

Bien gérer son patrimoine et organiser sa transmission demande parfois du temps et des compétences. Pourtant, en anticipant à chaque âge de la vie, vous pourrez prendre des décisions qui vous permettront de faire profiter vos proches à moindre coût. Explications avec Maître Jean-François Jouan, membre de la Chambre des notaires d’Ille-et-Vilaine.

Me Jean-François Jouan, notaire à la chambre des notaires d’Ille-et-Vilaine, patrimoine

Me Jean-François Jouan, notaire à la chambre des notaires d’Ille-et-Vilaine ©DR

Pourquoi transmettre son patrimoine ?

La transmission de votre patrimoine peut se produire de deux manières : soit vous l’anticipez et la mettez en place de votre vivant (donation, etc.), soit vos héritiers reçoivent votre patrimoine lors de votre décès.

Le maître-mot est donc l’anticipation. Plus vous attendez, plus les taxes seront importantes, notamment pour vos héritiers. En échelonnant la transmission, vous profitez d’avantages fiscaux beaucoup plus intéressants. Mais attention, la fiscalité ne doit pas être le seul moteur pour prévoir sa succession. Le danger serait de donner trop tôt et de se retrouver démuni.

On dit souvent que le moment idéal est celui du départ à la retraite, car vous connaissez alors la consistance de votre patrimoine, le montant de votre future retraite ainsi que vos charges financières. Néanmoins, cette transmission peut aussi s’organiser en fonction des besoins de vos proches.

Le don manuel

Donner de l’argent à ses enfants s’effectue souvent sans formalisme. Si cela ne pose pas de problème au départ, ils peuvent apparaître lors de la succession.

Le don manuel est très facile à réaliser. Il vous suffit de remettre un chèque ou un objet à une personne. Attention : cet acte n’est pas anodin, car, au moment de votre décès, la personne qui aura bénéficié de votre don pourrait ne pas avoir intérêt à le révéler aux autres héritiers, qui réclameraient une égalité dans la répartition de la succession. Si vous souhaitez garantir l’équilibre entre vos héritiers, la meilleure solution est la donation par acte notarié, qui servira de preuve incontestable. Pour aller plus loin, la donation-partage vous permettra de régler à l’avance le partage de vos biens entre vos enfants, en les répartissant en fonction de critères personnels. Ainsi, la valeur des biens sera figée dans le temps contrairement à un don manuel. Cela évitera ainsi les querelles lors du règlement de votre succession et permet d’assurer à vos enfants que personne ne revienne sur la donation effectuée.

En transmettant à vos proches, vous pouvez bénéficier de plusieurs abattements (sommes plafonnées permettant une exonération d’impôts). Ils varient selon deux critères : le lien de parenté et la nature de la transmission (donation, succession). Ces abattements se renouvellent tous les quinze ans. Au-delà d’un abattement, l’administration fiscale perçoit un impôt appelé « droits de mutation à titre gratuit ».

patrimoine

Le conseil de Maître Jouan

Effectuer un bilan patrimonial auprès de votre notaire vous permettra d’analyser votre situation et avoir une vision d’ensemble afin de déterminer les stratégies patrimoniales à mettre en œuvre.

Le démembrement de propriété

Si vous n’avez pas l’intention ou les moyens de vous priver progressivement de l’usage de vos biens ou des revenus qu’ils vous rapportent, vous pouvez vous réserver l’usufruit de votre patrimoine et ne donner que la nue-propriété à vos enfants. C’est le démembrement de propriété. L’usufruit est le droit d’occuper un bien et d’en percevoir les revenus. La nue-propriété correspond au droit de devenir pleinement propriétaire à l’extinction de l’usufruit.

Ce mécanisme permet d’anticiper votre succession tout en profitant d’un cadre fiscal avantageux. Les droits de donation ne seront en effet calculés que sur la valeur de la nue-propriété. Cette valeur correspondra à une fraction du prix du bien.

La valeur de la nue-propriété est calculée en fonction de l’âge de l’usufruitier. Par exemple, si vous avez entre 61 ans et 70 ans au moment de la transmission, cette valeur sera égale à 60 % de la pleine propriété. Autrement dit, les droits à payer ne seront calculés que sur 60 % de la valeur des biens transmis. À votre décès, aucun droit de succession ne sera dû.

Attention, si vous conservez l’usufruit du bien, sa valeur totale sera toujours prise en compte pour le calcul de votre IFI.

À noter

Chaque parent peut ainsi donner, tous les 15 ans, jusqu’à 100 000 € par enfant sans qu’il y ait de droits de mutation à payer.

Si vous avez moins de 80 ans et que votre enfant a plus de 18 ans, vous pouvez compléter cette donation exonérée de 100 000 € par un don manuel d’argent de 31 865 €, lui aussi sans droits à verser à l’administration fiscale, et ce tous les 15 ans.

Diversifier votre patrimoine dans l’assurance-vie

L’assurance-vie est un contrat par lequel l’assureur ou la banque s’engage, en contrepartie du paiement d’une ou plusieurs primes, à verser un capital à une personne déterminée – le bénéficiaire – en cas de décès du souscripteur ou d’améliorer sa qualité de vie à la retraite.

Vous êtes libre de désigner le ou les bénéficiaires de votre choix et le faire à tout moment : soit le jour de la signature du contrat avec l’assureur, soit après… En pratique, cette désignation fait l’objet d’une mention écrite sur le contrat d’assurance même ou sur un autre document, tel un testament par exemple déposé chez votre notaire. En désignant le bénéficiaire par testament, vous garderez un secret absolu.

Avec l’assurance-vie, le capital-décès versé aux bénéficiaires de votre contrat à votre décès ne fera pas partie juridiquement de votre succession. Autrement dit, il ne devra pas être rapporté au patrimoine revenant à vos héritiers. Vous pouvez également désigner une personne avec laquelle vous n’avez aucun lien familial, pour éviter la taxation de 60 %, et lui transmettre ainsi un capital dans des proportions plus généreuses que par voie testamentaire.

Le conseil de Maître Jouan

Pour ne pas avoir à payer de droits de transmission, pensez bien à réaliser vos versements avant 70 ans. Ainsi, à votre décès, le capital – les primes versées ainsi que les intérêts – sera transmis hors droits de succession jusqu’à 152 500 euros par bénéficiaire et par contrat. Passé cet âge, vous ne pourrez verser que 30 500 €, tous contrats confondus, en franchise fiscale.

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