La réélection de Donald Trump pourrait modifier en profondeur les équilibres commerciaux à l’échelle régionale, mais faut-il pour autant céder à la panique ? Annie Berthelot, directrice générale de Bretagne commerce international (BCI), appelle à la prudence : « Il y a beaucoup d’effets d’annonce. Trump amorce avant tout des négociations commerciales plus larges. Il faut observer avant de réagir. » Si le protectionnisme est l’un des piliers de sa politique économique, ses précédentes actions ont montré des ajustements pragmatiques, notamment avec le Canada et le Mexique.
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« Il y a beaucoup d’effets d’annonce. Trump amorce avant tout des négociations commerciales plus larges. Il faut observer avant de réagir. » – Annie Berthelot, directrice générale de Bretagne commerce international (BCI)
La Bretagne n’est pas en première ligne des tensions commerciales entre Washington et Bruxelles. En 2023, ses exportations vers les États-Unis s’élevaient à 665 millions d’euros, dont 500 millions provenant du secteur industriel et 100 millions de l’agroalimentaire. « Contrairement à certaines régions viticoles françaises par exemple, nous sommes peu exposés aux surtaxes. Nos entreprises doivent rester attentives, mais sans surréagir », tempère Annie Berthelot.
Les secteurs qui pourraient tirer leur épingle du jeu
Si des menaces existent, elles s’accompagnent aussi d’opportunités. Certains secteurs bretons sont bien positionnés pour profiter d’une embellie économique aux États-Unis. « Nos entreprises de cybersécurité, de télécoms et de biotechnologies ont un savoir-faire reconnu. Le marché américain de la santé, très lucratif, est également un axe porteur pour les sociétés bretonnes », souligne la directrice générale de BCI. Les exportations bretonnes ont progressé de 5,5 % en un an et se concentrent sur des produits à haute valeur ajoutée. « Nous ne sommes pas sur du volume, mais sur des solutions innovantes qui nous distinguent de la concurrence », insiste-t-elle.
Aujourd’hui, 120 entreprises bretonnes possèdent des filiales ou des bureaux de représentation aux États-Unis.
L’implantation locale peut aussi constituer une stratégie d’atténuation des risques. Aujourd’hui, 120 entreprises bretonnes possèdent des filiales ou des bureaux de représentation aux États-Unis. Pour elles, l’incertitude se transforme en accélérateur. « Ces entreprises sont déjà sur place et bénéficient de leur ancrage. Elles seront plus réactives aux évolutions du marché », analyse Annie Berthelot.
Un marché exigeant, mais incontournable
Pour les sociétés bretonnes qui souhaitent s’attaquer au marché américain, la vigilance reste de mise. « Exporter aux États-Unis, ce n’est pas juste franchir une frontière, c’est aborder un continent entier », prévient Annie Berthelot. Les entrepreneurs doivent scruter l’évolution des taxes et barrières réglementaires. « Certaines filières, comme l’agroalimentaire, pourraient souffrir d’une hausse des droits de douane, rendant leurs produits moins compétitifs », avertit-elle.
« Exporter aux États-Unis, ce n’est pas juste franchir une frontière, c’est aborder un continent entier. »
D’autres pistes existent pour contourner ces obstacles. L’Europe demeure un marché porteur, tandis que l’Asie et le Moyen-Orient offrent des relais de croissance. La Chine, bien qu’en phase de ralentissement, reste une alternative à surveiller.
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« Il faut bien évaluer son potentiel, la répétabilité des ventes et les conditions d’accès au marché. Une implantation ne s’improvise pas. Elle demande du temps, des ressources et les bons partenaires », conclut la directrice générale de BCI. Si l’incertitude domine, la Bretagne dispose des atouts nécessaires pour tirer parti de la nouvelle politique économique américaine.