Annie Berthelot irradie, dans sa veste orange sanguine. Un choix de couleur, reflet d’une femme à l’énergie débordante. De l’énergie, il lui en aura fallu pour mener à bien treize déménagements. Le dernier en date qui l’a conduit à poser ses cartons à Rennes est « le dernier », dit-elle, d’un ton assuré et définitif. Annie Berthelot est partie à l’Est pour revenir peu à peu vers l’Ouest.
La Chine d’abord, à Wuhan, bien avant que la ville ne soit le funeste berceau du Coronavirus, où elle occupe la direction générale de Faurecia (groupe PSA) de 2000 à 2002. Là-bas, elle a appris quelques rudiments de mandarin et surtout, l’art de lâcher prise : « C’est une autre planète. Il faut accepter de ne pas tout maîtriser. » De la Chine, elle est revenue en Europe, avec une escale en Slovaquie. À la fin de l’année 2004, elle prend la tête de la filiale slovaque de Veolia Environnement, Sloveo, qui vient de signer un contrat avec PSA pour l’exploitation d’un contrat multiservice sur le site industriel de Trnava. À son retour, elle passe trois ans à Paris, chez Veolia toujours, puis arrive en 2012 en Bretagne, pour un premier tour de piste chez BCI, comme chargée d’affaires. Un poste qu’elle occupe presque cinq ans.
De l’énergie, il lui en aura fallu aussi pour compenser sa dyslexie, qu’elle ne diagnostique véritablement qu’à 40 ans. De stratégie de contournement en persévérance, elle mène son parcours scolaire sans embûches, à l’exception de quelques dictées ratées. De quoi atterrir en Classe préparatoire technique au lycée Joliot Curie à Rennes, où elle est née, et intégrer les Arts & Métiers à Angers, « à une époque où le volet technique n’attire pas les femmes. Même encore aujourd’hui, il n’y a que 20 % de femmes. C’est un vrai enjeu pour moi. La faible représentativité des femmes amène des biais dans la société, dans les organisations, dans le numérique, des sujets qui me tiennent à cœur ». En 2016, elle soutient la naissance de l’association Elles Bougent, pour encourager la place des femmes dans les carrières scientifiques, techniques, technologies et d’ingénierie.
Chine, Slovaquie, Espagne. L’adaptation est une seconde nature.
Le ton de l’échange est chaleureux, même si, en évoquant l’idée d’un portrait, elle s’est demandé : « Qu’est-ce que je pourrais raconter ? ».
« Les modèles féminins manquent », assure-t-elle pourtant. Considère-t-elle en être un ? « Non, pas vraiment. » Les questions de légitimités ne l’épargnent pas. Clin d’œil à l’actualité régionale avec le lancement de la plateforme digitale Les Expertes. De quatre années vécues en Espagne, où elle œuvre pour Kreskin International, elle retient « un climat avec davantage de sororité et de cooptation ». Un large sourire barre son visage à l’évocation de ces deux années en Galice, « la Bretagne espagnole ». Elle n’avait pas choisi la destination, s’y retrouvant au gré d’une mobilité de son mari, qui travaille dans le secteur automobile. Mais comme toujours, elle s’est adaptée et sa famille aussi. Chez les Berthelot, l’adaptation est une seconde nature.
En 2020, elle quitte l’Espagne pour une autre péninsule, la Bretagne. Retour à ce qui pourrait s’apparenter à des ports d’attache, Rennes et BCI. D’abord chargée d’affaires Industrie, elle fait ses preuves jusqu’à la direction générale, à laquelle elle est nommée en 2023. Aujourd’hui à la tête d’une équipe de 35 personnes, elle insuffle de « la motivation » et veut « accepter chacun dans sa singularité ». Elle se consacre à être au service des entreprises bretonnes exportatrices, au sein d’un organisme financé conjointement par la CCI et la Région Bretagne. Pour trouver de la sérénité, elle marche souvent sur les plages de Saint-Malo ou dans le golfe du Morbihan.
Quand on lui demande si elle se considère comme féministe, elle hésite. Annie Berthelot préfère que ce soient les autres qui jugent. « Ce dont je suis sûre, c’est que je suis fière du positionnement de mes fils sur ces sujets-là », confie-t-elle. Féministe, sans doute. Pugnace, souvent. Énergique, toujours.
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