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Décret tertiaire : le défi de la rénovation énergétique

Avec pour objectif d'inciter les propriétaires de bâtiments tertiaires à œuvrer pour la réduction de leurs consommations énergétiques, le décret tertiaire entre en 2022 dans sa mise en œuvre opérationnelle. Exemple avec DLJ Gestion, syndic de copropriété à Rennes, qui sensibilise ses clients sur l’importance de cette mise aux normes.

Murielle Trichasson, DLJ

Murielle Trichasson, dirigeante associée de DLJ ©DR

Les propriétaires et locataires de bureaux rennais devront s’adapter. La loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), promulguée en novembre 2018, a fixé des objectifs ambitieux quant à la réduction de la consommation d’énergie finale des bâtiments tertiaires. L’article L174-1 du Code de la Construction et de l’Habitation issu de cette loi, prévoit une réduction de la consommation d’énergie finale de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010. Un décret du 23 juillet 2019 dit « décret tertiaire » en précise les modalités d’application. L’obligation s’impose aux bailleurs comme aux locataires, en fonction du périmètre de chacun défini par une clause du bail.

L’impact sur la valorisation des centres d’affaires rennais

Dans le portefeuille de clients rennais de DLJ Gestion, syndic de copropriétés, une quarantaine d’immeubles sont concernés. Muriel Trichasson, dirigeante associée du cabinet, a fait de l’information au sujet du décret tertiaire un de ses chevaux de bataille. « Nous avons à cœur de suivre les nécessités écologiques et, en tant que professionnels, nous avons un devoir de conseil auprès de nos clients. » Des clients qui se montrent coopératifs. « Au début, ils soufflent, mais au final ils comprennent que les passoires thermiques sont du passé », confie Muriel Trichasson.

Au-delà de l’aspect environnemental, la professionnelle y voit également une opportunité de redonner une plus-value à des bâtiments anciens, un levier pour valoriser le patrimoine. « L’ancien rénové se vend bien mieux que l’ancien non rénové qui, lui, n’attire plus. Ne rien faire, c’est rester avec des m2 qui ne se louent plus et ne se vendent pas bien. Sur du non-rénové, même un tarif imbattable de 900 euros du m2 se vend plus difficilement que du rénové à 1 500-1 600 euros du m2. » Des bâtiments refaits plus attractifs et en phase avec l’obligation de publication des performances énergétiques des entreprises. « Le locataire potentiel ne souhaitera pas afficher une mauvaise notation énergétique sur son site internet. Pour des questions de réputation, il préfèrera partir et trouver des locaux plus écologiques ».

À Alphasis, 600 000 euros de travaux par bâtiment

Au sein du centre d’affaires Alphasis à Saint-Grégoire, les 15 bâtiments administrés par DLJ Gestion sont concernés. Les bâtiments F, G et I ont déjà subi des travaux de mises aux normes : remplacement des menuiseries, isolation thermique par l’extérieur, isolation et réfection de la toiture ou encore remplacement des ventilations mécaniques contrôlées. Un quatrième, le bâtiment E, est en cours de rénovation. Les travaux devraient s’achever au plus tard en avril. La réfection du bâtiment C est en phase d’étude et devrait suivre sans trop attendre. Coût des opérations ? Les rénovations avoisinent les 600 000 euros par bâtiment. 571 000 euros pour l’immeuble G, 660 000 euros pour le E. « Sur des immeubles datant des années 1990, les tarifs des travaux de rénovation peuvent s’élever de 400 à 800 euros du m2 », constate Muriel Trichasson.

Si les contraintes et le calendrier imposés par le décret semblent « tenables » pour la dirigeante, elle nuance : « il ne faut pas traîner, heureusement que nous avons commencé dès la publication de loi ELAN ». Ce qui est loin d’être le cas de tout le monde d’après elle : « Nous avons récupéré la gestion d’un immeuble récemment à Rennes et les bailleurs n’avaient pas du tout entendu parler du décret et de ses implications ».

Chaque année, les publics concernés, devront renseigner OPERAT, la plateforme de recueil et de suivi de la réduction de la consommation de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), avec les données de consommation relatives à l’année précédente. En théorie, les déclarations de consommations énergétiques de l’année 2020 devaient être effectuées avant le 30 septembre 2021, mais un retard à l’allumage a entraîné un report de cette échéance au 30 septembre 2022.

 


Nombre de bâtiments concernés

10 000 bâtiments environ en Ille-et-Vilaine

4 000 bâtiments à Rennes

Tous les bâtiments ou partie de bâtiments hébergeant des activités tertiaires, marchandes ou non marchandes, de plus de 1000 m2 sont concernés.

Entrent dans le champ du décret, les monuments historiques et les entreprises industrielles ou agricoles disposant de bureaux à usage tertiaire de plus de 1 000 m2, par exemple un siège social.

Rennes, les zones les plus impactées

Le centre-ville, la zone d’activités Ouest, l’écopole Sud-Est, la zone d’activités Nord, Atalante Champeaux, Henri Fréville-Alma, Le Gast, et la zone d’activités Saint-Sulpice.

Calendrier

Suite à un report de la première échéance, les propriétaires et exploitants de bâtiments ont jusqu’au 30 septembre 2022, pour déclarer leurs consommations d’énergie 2020 et 2021 sur la plateforme OPERAT, gérée par l’Ademe.

« Un report qui ne générera aucune notation Eco Energie Tertiaire afin de prendre en compte les activités impactées par la crise sanitaire. L’année 2022 correspond à une année d’apprentissage du dispositif et à la déclaration des données de consommation », précise la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Bretagne.

L’année de référence sera fixée au 30 septembre 2022. Il revient à l’assujetti de choisir 12 mois consécutifs entre 2010 et 2019.

En cas de question ?

Les entreprises peuvent consulter la foire aux questions de la plateforme OPERAT ou le site internet du Centre d’études et d’expertise sur les risques l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA).

Pour des questions plus spécifiques, il est possible de solliciter la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) : ddtm-eco-tertiaire@ille-et-vilaine.gouv.fr

« Des webinaires d’information à destination du grand public cible ont été organisés par la DREAL et la DDTM, avec l’appui du CEREMA, des conseillers en énergie partagée, du Syndicat Départemental d’Energie 35 et de Batylab « , détaille la DREAL Bretagne.

 

Décret tertiaire : ce qu’il faut savoir en 4 points

Quels bâtiments sont concernés précisément ?

Tous les bâtiments ou parties de bâtiments hébergeant des activités tertiaires, marchandes ou non marchandes, de plus de 1000 m2 sont concernés. Entrent dans le champ du décret, les monuments historiques et les entreprises industrielles ou agricoles disposant de bureaux à usage tertiaire de plus de 1 000 m2, par exemple un siège social.

Réduire la consommation énergétique, mais par rapport à quoi ?

Par rapport à une année de référence comprise entre 2010 et 2019. Le choix de l’année de référence doit correspondre à l’année où il y a eu le plus de consommation d’énergie finale du bâtiment, à conditions climatiques lissées.

Obligation de résultat ou de moyens ?

S’il s’agit avant tout d’une obligation de résultat, les objectifs à atteindre pourront être modulés en fonction des contraintes techniques, des indicateurs d’intensité d’usages ou en cas de disproportions entre les coûts des actions d’amélioration, la déduction faite des aides perçues, et les gains énergétiques.

Quel risque est encouru en cas de non-respect des obligations ?

Si les données de consommation ne sont pas transmises dans un délai de six mois, le préfet peut mettre en demeure le propriétaire et, le cas échéant, le locataire. En l’absence de transmission de ces informations dans un délai de trois mois, il sera procédé à la publication, sur un site internet des services de l’État, du document retraçant les mises en demeure restées sans effet. Si, sans justification, le propriétaire (le cas échéant, le locataire) manque toujours à son obligation, une seconde mise en demeure lui sera adressée avec obligation de présenter un plan d’action et un plan de financement. Sans cela, une amende administrative pourra être prononcée, au plus égale à 1 500 euros pour les personnes physiques et à 7 500 euros pour les personnes morales.