Votre regard sur le barreau de Rennes ?
Catherine Judéaux. Il s’agit d’un barreau honorable et de qualité, constitué de personnalités très compétentes, attachées à des valeurs morales et à leur serment.
Le barreau connaît une croissance importante, comment accompagner le millier d’avocats ?
C. J. Nous sommes 1 100, le 13e barreau de France, composé à 63% de femmes et les 4/5 du barreau ont moins de 40 ans. La physionomie du barreau a été au cœur de mes préoccupations pour bâtir mon programme.
Quel rôle le bâtonnier peut-il jouer dans l’accompagnement de l’avocat vers 2030-2050 ?
C. J. Le rôle du bâtonnier en tant qu’appui dans les nouvelles démarches numériques est primordial. La communication digitale représente un vecteur pour promouvoir les avocats. De plus, lors des salons et des forums, nous devrons nous associer avec d’autres barreaux pour renforcer la présence et la visibilité de notre profession.
Les prérogatives de l’avocat sont-elles menacées et le bâtonnier doit-il les défendre ?
C. J. Le rôle du bâtonnier est fondamental sur ce point. L’avocat ne disparaîtra certainement pas. Je n’évacue pas le problème de l’intelligence artificielle. Chaque jour, je suis sollicitée pour des formations sur ce sujet, et je suis convaincue de leur importance. L’IA va participer à l’activité de l’avocat. Ignorer cette réalité pourrait compromettre la pratique telle que nous la connaissons, mais pas la fin de la profession. L’Ordre devra s’emparer de cette perspective pour accompagner tous les confrères dans cette nouvelle démarche.
Que proposez-vous pour la conciliation vie professionnelle – personnelle ? Et la parentalité?
C. J. Le bien-être, c’est aussi le souci de l’Ordre. Car l’Ordre, c’est d’abord des personnes humaines. Sa mission a donc vocation à évoluer. Les excès d’une époque ne devraient plus avoir cours. Je propose des solutions, telles qu’un système de relais avec des confrères dédiés pendant les congés maternité et paternité, afin d’assurer la continuité des audiences. Les consœurs enceintes doivent bénéficier d’une priorité lors des audiences, même devant le bâtonnier en exercice. En ce qui concerne l’éventualité d’une crèche gérée par le Barreau pour accueillir les enfants d’avocats, j’ai observé les complexités du système mis en place à Nantes, ainsi que le coût très élevé de la location de berceaux. Ce sujet est à la réflexion.
La démocratie du barreau, qu’en pensez-vous ?
C. J. L’Ordre n’appartient pas au bâtonnier. Je ne suis pas très favorable au principe des débats participatifs qui ont été à la mode en politique. Beaucoup de bruit pour peu de concret à l’arrivée. Pour autant, l’expression de chacun doit être possible. Je propose une voix consultative des avocats honoraires, mettre en place des vidéos à l’issue de chaque conseil de l’Ordre et un principe de pétition. Parfois, les confères peuvent avoir le sentiment de ne pas pouvoir faire remonter leurs volontés. Avec ce système de pétition ou lettre ouverte, cela permettrait de demander un positionnement du bâtonnier.
Quid de la Maison des avocats ?
C. J. Le déménagement s’impose. Les avocats fréquentent peu le lieu actuel, qui souffre d’un manque de fonctionnalité et de travaux constants. Trouver des locaux à proximité de la cité judiciaire, voire édifier une nouvelle Maison des avocats, est un « chantier » à entamer.
La relation avec les magistrats ?
C. J. La relation s’est profondément dégradée. J’ai connu des magistrats avec une conscience de la place de la défense dans la construction des décisions de justice. Aujourd’hui, certains, pas tous, font comprendre que ce n’est même pas la peine de plaider. Dans certains cas, cela frôle le mauvais traitement. Il faut rétablir le lien. Je solliciterai un entretien avec le premier président de la cour d’appel et la présidente du tribunal judiciaire. Les avocats sont la parole du justiciable. Si les magistrats manquent de considération pour les avocats, ils manquent de considération pour le justiciable.
Le corporatisme a-t-il du bon ?
C. J. Mon approche de la profession n’est pas corporatiste. J’ai un sentiment d’appartenance fort, à une éthique professionnelle. Servir la corporation ne signifie pas soutenir aveuglément ceux qui ne respectent pas les valeurs morales et la déontologie de notre profession. L’Ordre est une institution qui ne vaut que par les personnes qui la composent.
Quelles sont vos motivations à être bâtonnier ? Pourquoi maintenant ?
C. J. Avocat, ce n’est pas qu’un titre, c’est se réaliser, c’est honorer sa profession. Je le vis comme une vocation. Tous les matins, je passe un deal avec moi-même : tu veux être avocat ? Prouve-le. Mon chemin pour être bâtonnier est le même. Je veux servir. Je ne me présente pas comme un avocat judiciaire. Je suis avocat tout court.
Le mot de la fin ?
C. J. Chaque avocat se doit d’aller voter, pour qui il veut, car l’important c’est d’avoir un barreau fort, uni et en action.
Le programme à retrouver ici.